Le Pare-tempêtes
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Malnir
Malnir
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CC n° 25 : L'échelle de nuages Empty CC n° 25 : L'échelle de nuages

Ven 14 Déc 2018 - 22:49
Le CC du 14 décembre 2018 !
Silver Phoenix
Silver Phoenix
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CC n° 25 : L'échelle de nuages Empty Re: CC n° 25 : L'échelle de nuages

Ven 14 Déc 2018 - 23:45
Allongé sur son lit simple, Aaron ne se sentait pas bien. Une odeur infecte de tabac froid et de sueur envahissait sa chambre, des vêtements sales traînaient sur le sol poussiéreux, le cendrier sur sa table de chevet était débordé de mégots et de déchets d'un gris-noir crasseux. Mais cela lui était égal, Aaron n'avait jamais été un modèle de propreté de toute façon. Son esprit était bien trop occupé pour se soucier du chaos qui régnait dans la pièce.

Il déprimait depuis cet événement. Y penser le faisait se sentir nauséeux, coupable, en colère. Si seulement il avait remarqué leurs agissements...

Non, ce n'était pas de sa faute si ses parents étaient des monstres de la pire espèce, n'est-ce pas ? Il était encore un enfant quand ces choses s'étaient déroulées, il ne pouvait pas être conscient de ce que ses parents faisaient !

Aaron se recroquevilla et se frotta les yeux, rouges de fatigue. Toutes ses pensées contradictoires et envahissantes le torturaient depuis désormais plus de onze longues années.

Il avait cette scène marquée dans sa tête comme de l'encre indélébile, aussi détaillée qu'une photographie. Il n'avait que quatorze ans à ce moment-là, rentrant du collège. De nombreux policiers cernaient sa maison et embarquaient son père et sa mère, qui avaient baissé leur tête, une expression indescriptible dessinée sur leur visage. Aaron ne comprenait pas à ce moment-là la gravité de la situation. Les policiers étaient obligés de lui expliquer toute cette sordide histoire.

Ses parents avaient violé et tué neuf petites filles.

Aaron se sentit tout d'un coup l'envie de vomir de dégoût. Vite, il devait se relaxer ! Un joint ferait parfaitement l'affaire.

Les mains tremblantes, Aaron prit des feuilles à rouler, du tabac et du cannabis finement haché. Il ne pouvait plus se trouver dans cet état catastrophique. En deux minutes, son joint était enfin prêt à être fumé. Il fouilla dans la poche de son pantalon et en sortit un briquet bon marché. Il plaça la cigarette dans sa bouche, puis l'alluma. Aaron inhala la fumée, puis l'expira doucement.

Les effets allaient bientôt se faire sentir. Ce n'était pas la première fois qu'Aaron se droguait, il consommait du cannabis depuis déjà plusieurs années. C'était l'une des seules choses qui lui procuraient du plaisir, son unique moyen d'échapper son quotidien rempli de culpabilité.

Lentement, au fil des inhalations de fumée, Aaron se sentit flotter, se libérant de la lourdeur de son corps, et surtout un peu de son esprit. Un nuage blanchâtre se créa dans l'air de sa chambre, signant ce qui semblait être sa propre montée vers le ciel. Ses pensées se brouillèrent, ne formant plus qu'un étrange blizzard lointain.

Une dernière latte. Il écrasa le cadavre de sa cigarette sur le cendrier du mieux qu'il pouvait, puis s'allongea à nouveau. Il fixa le nuage au-dessus de lui, presque fier de son œuvre. Son imagination lui donna le rôle de maître de la météo, produisant des nuages à partir de joints.

Aaron ne se sentait cependant que légèrement mieux. Il savait qu'il redescendrait tôt ou tard de son échelle de nuages, que son mal-être ne reviendrait que plus fort. Il n'était pas vraiment un maître de la météo, et il ne pouvait encore moins modifier la réalité. Onze ans qu'il l'affrontait, cette foutue, laide, hideuse réalité. Ces fillettes étaient mortes dans d'atroces souffrances, leurs familles plongées dans un deuil éternel. Quelle légitimité avait-il à souffrir lui aussi ?

Il caressa et entremêla ses doigts dans les poils rigides de sa barbe blonde. Sa capacité désormais limitée de réfléchir, il se détendit, décidant de profiter au maximum du flottement de son esprit.

(inachevé)


Dernière édition par Silver Phoenix le Dim 16 Déc 2018 - 15:39, édité 2 fois
Malnir
Malnir
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CC n° 25 : L'échelle de nuages Empty Re: CC n° 25 : L'échelle de nuages

Ven 14 Déc 2018 - 23:53


Et l’échelle monte encore et toujours au sommet de la verte colline, chacun de ses barreaux opalescents rapproche des nuées, chaque toise grimpée contre elle rapproche de Lui. Et le vent souffle et nous enveloppe de sa fraîche caresse, et il siffle dans nos oreilles et glace notre peau. Il circules en volutes acérées comme des échardes de givre entre nos doigts, et nous progressons sous sa brûlure lancinante.

Au dessus de nous les nuages lactescents s’enroulent sur eux mêmes, doucement dorés par la lumière du soleil couchant. Et nous escaladons, barreaux après barreaux, vers leurs surfaces grises et cotonneuses, qui soudain paraissent mornes, ternes sous les rais rouges d’un astre mourant. Et nous passons la tête dedans, nous voilà au sein d’un brouillard, l’échelle est là, noire, et nous grimpons ses barreaux mouillés et glissants.

Après des heures peut être nous émergeons au dessus, les nuages nous toisent, falaises, pics, montagnes, canyons, collines tourmentées et boursouflées en entassements orgueilleux, leurs masses blanches se diaprant des rayons de midi, le soleil spectral entre leurs silhouettes massives. Il les auréoles d’or fin et d’argent blond.

L’éther nous entoure, nous montons dans son azur tourmenté, bleu comme l’œil d’un géant. Les parangons nous entourent en spectres luisants ; la Mort en majesté, le Chevalier en flammes, le Roi en rouge, la Dame en sa tour, le Mendiant en haillons, l’Enfance en fleurs, la Vieillesse en pleurs… Gigantesques et évanescents ils nous entourent et nous grimpons.

Les rais irisés nous transpercent alors que nous évoluons dans ce néant pétrole, qui consume autant qu’il est consumé. Nous fondons en lui et y tournoyons, mais toujours l’échelle s’élève et nous l’empruntons, toujours nous nous y cramponnons alors que le souffle du temps nous gifle et nous griffe.

Des anges carmins et des démons céruléens s’entrelacent à l’infini, baignés dans l’ambre éternelle qui nous fige presque, mais nous gravissons, barreaux après barreaux, l’échelle. Leurs chants de jouissance nous enveloppent en vagues puissantes qui font chavirer notre poitrine, et nous nous hissons, le visage baigné par Sa lumière.

Enfin nous sommes là, en Sa demeure, et contemplons Sa terrible et sublime incandescence. La blancheur nous entoure, éclatante et brûlante, et nous sombrons dans les flots bouillonnants de Sa puissance. Mais l’échelle monte toujours, fuligineuse, et nous la suivons.
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Peintre
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CC n° 25 : L'échelle de nuages Empty Re: CC n° 25 : L'échelle de nuages

Ven 14 Déc 2018 - 23:58
Tout autour s'étendent des collines rondelettes, délicates, parfois s'ouvrant sur une langue de calcaire abrupte et blanche d'émail. Sur les crânes en os de craie, une toison de bruyère aube et nuit ondule, s'entichant ici et là d'une épi de pins verts et de ronces hardies et piquantes, fichtrement emmêlées; parfois, de gros rocs paresseux se roulent et font gros dos dans les taillis, verdissant en leur sommet quand ils ont trop longtemps dormi. Des ruisseaux timides courent, riants, entre racines et friables galets blancs, dégoulinant d'une eau claire, translucide et d'un froid griffant la peau et hérissant le poil. Le ciel semble proche, gris et lourd, comme mal réveillé de la nuit d'orage passée. Le vent, sifflant dans les joncs vigoureux, charrie dans sa sempiternelle et pourtant si légère course une odeur de miel et de boue, de résine et de tourbe, de bois et de marais. Partout, les ouvrières bourdonnantes aux robes rayées s'affairent; leur chant comme un sérieux et gracieux ronflement, bruissement d'un ballet aérien d'étamine en pistil n'est pourtant pas ce qui résonne si fort entre les rondes-bosses de craie et de bruyère, non. Ce qu'on entend, c'est la Machine du Vieux Nuagiste.

Comme un obèse de plomb, elle exhibe sa bedaine cuivrée au vent sans la moindre décence, suintant huile et cambouis par tout les boulons. Elle tient en un équilibre peu sûr, tremblant sur trois pattes oiselles tordues par le son poids et le temps. Elle dispose non pas d'une bouche, mais bien de trois, grimaces mécaniques s'ouvrant à la suite sur des enfers de charponces et de volutes condensatoires. Au dessus de ce fatras de plis et de replis grinçants, un assortiment tressés de cheminées rouquines crachent stratocumulus et de cirro-stratus comme autant de pets et de rots formulés après un repas trop copieux. Elle n'a qu'un oeil, animé par une aiguille folle qui exprime ô combien la gloutonne souffre de ses appétits, gigotant tant qu'elle peut, sautillant, se révulsant, se tremoussant jusqu'aux confins des pressions atmosphériques acceptables. Ses dents sont carrées, ciselées, seules à ne pas avoir succomber à son insatiable appétit; le Nuagiste, comme il peut, tout craquetant de vieillesse qu'il est, court entre chacune des gueules pour y jeter les fameuses pelletées de charponces.

C'est un bout d'homme rabougri, qui n'a pas eut assez d'eau pour bien pousser. Sa peau tannée se fendille de partout, toute tendue sur ses os antiques mais solides. Elle menace de craquer à chacun de ses gestes - ceci dit, elle n'a jamais cédé, elle fait cela car elle aime se faire plaindre-. Il est vêtu de guenilles, patientes, mais rêvant d'une confortable retraite dans un tiroir à chiffon dans le quartier ouest de la Penderie. La barbe et La chevelure du vieux, blanches colombes, sont soyeuses et nouées en une longue couette solitaire sous le menton par un arrangement subtil de perle de jades et de chaînes d'or. Ses yeux sont bleus au Nuagiste, et blanchissent chaque jour un peu plus de tant regarder les cumulonimbus se trémoussant au dessus.

Et il court, d'une bouche à l'autre de sa Machine, pour s'assurer qu'elle soit toujours rassasiée et qu'elle fasse de bons gros rots nuageux.

Il la connaît bien, sa Machine. Avec sa tendre et douce Science, il en a fait le projet des siècles auparavant. Ils y ont mûrement réfléchi, cela leur sembler être un sacré pari, un peu fou, mais aussi une belle façon de faire perdurer sur cette lande alors désertique leur union si passionnée. Ils ont tracé des plans, fait des calculs, pour être sûrs de pouvoir s'en occuper après sa naissance; tout était parfait. Ils se sont lancés.

La Machine est née.

Chaque jour, le Nuagiste est venu la nourrir; quel appétit elle a toujours eut! Bien vite, il a fallu agrandir sa tenue de bronze, car elle en faisait sauter tout les boulons, tant elle grossissait vite. Elle a grossi, grossi, grossi, jusqu'à dominer les collines sablonneuses de la lande, les ombrageant généreusement les unes après les autres de ses nuages graciles et athlétiques. Il a plu, partage humide et vitale, et les bruyères ont poussé. Les pins aussi, et les joncs. Les ruisseaux ont vite taquiné les rocs paresseux et les abeilles, les libellules, les papillons et les cétoines élégantes en ont fait des lieux de commerces du pollen incontournables. La Vie a bien aimé la Machine et le Nuagiste, alors elle est venue et s'est répandue tout autour.

Et la Machine était fière, car du haut de ses bourrelets de cuivre huilés et ondoyant elle faisait la fierté du Nuagiste qui inlassablement a continué à la nourrir et à l'aimer tendrement.

Mais aujourd'hui, le Nuagiste est fatigué. Il a du mal, chaque jour un peu plus, à bien nourir le fruit de sa vie. Ses os sont poreux à force d'usure et son souffle est rauque et glaireux.

Il tombe à terre. Il n'en peut plus.

La Machine se tait un moment, cesse sont concert de pets, réfléchi. Puis repart de plus belle, seule, puisant dans ses réserves.

Elle pète, rote, crache plus qu'elle n'a jamais pété, roté, craché. Elle fait tant d'effort qu'à vue d’œil elle s'affine, s'amenuise. Mais elle continue son labeur, soupirant, suintant, se déboulonnant même de l'arrière, se délestant de pièces de cuivres de plusieurs quintaux. Le Nuagiste, à bout de force, ne peut se lever, ne peut lui demander de s'arrêter; il n'a même plus assez de force pour parler, seulement pour pleurer des grains de sel durs et secs.

Des cheminées rousses, les stratus et les cumulonimbus jaillissent, fusent, s'envolent haut pour s’entremêler et se quadriller au dessus. Tourbillonnants comme autant de rubans fluets, ils s'entortillent et s'enlacent en valsant. Un rayon de soleil perce; une échelle grise, nuageuse s'est dessiné entre la lande et le ciel.

Le Nuagiste est ébahi; il voudrait se lever, mais ses jambes se dérobent chaque fois sous le poids des âges. Les abeilles, libellules, papillons, qui s'étaient tut pour voir travailler la Machine, se rassemblent alors, se massent sous ses bras et sous ses pieds et le portent, le menant et le guidant dans son ascension. Il est passé dans une trouée, et s'est fait engloutir dans les nuages.

Il a plus dru après ça.
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