CC N°27 : C'est l'automne en ma bouche

Amusez-vous, mes enfants.

C'est l'automne en ma bouche

Bouche bouche j'aime la bouche j'aime la bouche et ma jolie Havane.
Dans ce monde, la lune bave sur le globe et crée les mers
Le soleil pète sur le monde et crée le vent
Et moi je chie sur le monde et crée la terre.
Ensemble, nous sommes... Les Power Rangers !!!!

… Ahhh. * exhale*


Et l'électricité, vous savez d'où elle vient l'électricité ?
Ouais. Ouais, et tu sais quoi, nous non plus ! Hein. Parce que, voilà, je sais pas, un bug dans la matrice enfin que sais-je, enfin de toute façon faut que j'en parle à Roger.
C'est notre Power Rodger.
Il fait la maintenance.

Enfin bon, vous voyez, t'façon qu'est-ce que j'en parle. C'que vous en savez, vous...

*inspire une bouffée*
*hoche la tête*
*la relâche*

La raison pour laquelle je vous convoque en fait, c'est pour dire que vous m'avez offensé. Avec votre texte là, je ne sais pas, votre euh... Cécé... Voilà, je trouve que vous me donnez une position ridicule. Entre la chemise, la petite chanson... Le cigare je ne dis pas, il est excellent, il me fait penser au jour où un carrot cake m'a fait créer l'automne parmi les saisons. Bon, mais maintenant caser votre thème grâce à un deus ex machina avec chemise à fleurs, je dois vous avouer, voilà, ça nuit à mon image de marque. Donc j'apprécierais que ça ne se reproduise pas.

Si si, vraiment, j'apprécierais.

Sur ce allez-y hein. Merci pour le cigare.

C’est l’automne dans ma bouche

Le vent soufflait alors dans les ruelles étriquées du bourg. Tout était sombre ; la nuit commençait à couler dans les effluves du temps qui s’émiette, opaque comme un granit gris et froid, fébrile comme une pauvre terre blême qui s’effrite à peine nos pieds hésitants marchant dessus. Tout était sombre et, comme la pluie se mettait à tomber, les gens commençaient à s’abriter sous des morceaux de tôle rouillés qui servait de principal décor pour les boutiques de la rue marchande.
Tout était statique, inerte, rien ne se passait, rien ne voulait vraiment se passer. Tout était suspendu à cette nuit qui martelait le monde tel un glas, un ultime testament, destiné aux êtres insignifiants qui parcouraient le sol comme une peste bénigne, incapable de faire quoi que ce soit dans un univers qui les dépassait.
Sous la pluie incessante, je regardais fixement les passants – désormais des statues impassibles qui clignent des yeux pour mesurer la trotteuse fidèle du temps. Cette horreur grise, tiède et terrifiante, c’est le temps ; et comme pour me le rappeler comme un écho constant, les gouttes amères de la pluie coulaient petit à petit, de la pointe de mes cheveux encore mal lavés et gras jusqu’au bout de mes lèvres gercées que l’eau salée peinait à humecter convenablement. Ce spectacle de statues mortes sur scènes traînait entre fascination et stupidité ; moi au centre, comme un souffleur aux acteurs de ce mime incessant, je contemplais, l’eau du temps qui passe serpentant peu à peu sur le relief de ma langue, je contemplais ce tableau qui dégoulinait de mes yeux.

Dans la cour de récréation, Mélanie, isolée des autres collégiens, dessinait pour ne serait-ce que s'occuper les mains. Il ne faisait pas encore vraiment froid en ce mois de novembre, et seuls des nuages mornes et gris assombrissaient légèrement le ciel. Mélanie adorait l'automne, surtout par rapport à l'été. La température était bien plus supportable, et, par dessus tout, les feuilles sénescentes colorées d'un mélange d'orange et de jaune contrastaient avec le teint sans vie des nuages. Les marronniers flamboyaient au milieu du sombre béton. Un parterre de feuilles sèches et cassantes décoraient la triste cour du collège.

Soudainement, alors que Mélanie était absorbée dans son dessin, un collégien s'approcha d'elle. Elle le connaissait, il était dans sa classe. Il portait un sac en plastique contenant des noix.

"Salut Mélanie, je te donne les noix comme tu me l'as dit."

Mélanie accepta le présent, sortit de son sac à dos une photocopie d'un devoir de mathématiques à rendre pour le lendemain, puis la lui tendit, marmonnant un bref "Tiens.". Le jeune garçon prit les feuilles, puis partit sans demander son reste.

Mélanie contempla les noix. Elles lui semblaient belles, leur coque dure présentait une régularité quasi parfaite. Elle était fière d'avoir eu l'idée de proposer des répliques de ses devoirs en échange de bonbons, de gâteaux, de chocolat et de fruits. Elle avait hâte de retrouver son petit frère pour partager son butin du jour. Faire profiter de ses notes plus qu'excellentes, même si cela impliquait de fausses relations amicales avec ses camarades de classe, lui donnait le pouvoir de satisfaire ses caprices gustatives.

Dans la journée, elle reçut également un paquet d'amandes, des pommes rouges et une tablette de chocolat noire.

Vers la fin des cours, la nuit prenait peu à peu place, accompagnée d'une légère brume d'automne. Les lumières blanches éclairaient les rues, réchauffement vainement le climat. Mélanie se dit qu'il serait temps qu'elle se procure une écharpe pour se protéger.

Son petit frère devrait déjà être rentré, pensa-t-elle. Elle hâta sa marche en direction de son HLM, pressée de le voir. Elle chérissait tant les moments passés avec lui...

En rentrant, Mélanie ignora ses géniteurs somnolant pathétiquement devant les programmes débilisants de la télévision. Son frère se trouvait dans leur chambre commune, révisant son cours de français.

"Salut Mélanie !" s'exclama-t-il.

Elle déposa un baiser sur son front.

"Salut Raphaël."

Elle déposa son sac, puis jeta son manteau fin quelque part dans la chambre.

"Regarde ce que j'ai eu aujourd'hui, Raph." dit-elle, un petit sourire dessiné sur son visage juvénile.

Elle sortit les trésors du jour même.

"Les pommes sont trop belles !" s'émerveilla le jeune Raphaël.

Les pommes reflétaient fièrement l'éclairage de la pièce. Leur couleur carmine lui donna presque un goût sucré dans la bouche.

"On mangera tout ça après tes devoirs."

Mélanie et Raphaël passèrent leur soirée à travailler, puis enfin à manger. Ils s'attaquèrent d'abord aux noix. Après avoir difficilement brisé leur coque, ils les croquèrent goulûment. Le goût particulier des noix les plongèrent bien dans l'automne. Ils entamèrent ensuite le paquet d'amandes, qu'ils dégustaient avidement avec le chocolat noir, pour mélanger le sucré et l'amertume. La douceur envahit leurs papilles, leur donnant un immense plaisir. Ils finirent en beauté avec une pomme chacun, qui leur procurait une touche d'acidité.

Mélanie espéra un aussi bon repas pour le lendemain. Cette soirée était une grande expérience gustative, c'était infiniment meilleur que les plats tout prêts à réchauffer dans un four à micro-ondes.

Cet automne était en tout cas un bel automne.