Le Pare-tempêtes
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CC N°31 : La faute à qui ?! Empty CC N°31 : La faute à qui ?!

Jeu 2 Mai 2019 - 22:07
gow
Malnir
Malnir
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CC N°31 : La faute à qui ?! Empty Re: CC N°31 : La faute à qui ?!

Jeu 2 Mai 2019 - 22:46
La faute à qui ? !

Pas à moi en tout cas. Je touille méthodiquement ma tasse de thé.
Certainement pas à moi. Après tout, je n’ai rien demandé, rien voulu. Ma main crispée fait crisser la cuiller sur la faïence. Je repose la tasse sur mon bureau, m’assure qu’il est bien rangé, ressort le dossier de Mathieu Vieupont. La quarantaine, ouvrier de la scierie depuis dix ans. Dossier propre. Et dossier qui devait rejoindre les archives bientôt. Je l’ai licencié la veille. Et voilà qu’aujourd’hui on l’aurait retrouvé pendu chez lui. En cause, évidemment… Je bois une gorgée de mon thé, me lève, fais le tour du bureau, allume une cigarette et contemple l’activité dans la cour devant les bâtiments. On décharge des troncs, nombreux, énormes. Bientôt on les mènera jusqu’aux halles où les scies viendront les débiter. C’est calme, c’est ordinaire.

Je sais qu’on parle dans mon dos depuis ce matin. Que je serai responsable. Certainement pas. D’ailleurs la décision de virer qui que ce soit ne venait pas de moi, mais d’en haut. J’ai simplement choisi Vieupont parce que… parce qu’il n’était pas indispensable… et que son nom était le dernier de l’entreprise dans l’ordre alphabétique. Voilà qui est ridicule, comment pouvais-je penser qu’il irait jusqu’à se pendre pour une telle décision ? Je suis innocent. Pourtant c’est à moi que la police va parler en premier ici. Je n’aurai pas grand-chose à dire. Je ne sais pas qui était cet homme. Je ne le connaissait pas même de vue avant de prendre son dossier, de voir son absence de qualifications ou rôles particuliers dans l’entreprise. Et je ne l’ai vu qu’une fois, pour lui dire en somme que l’on mettait fin à son contrat et qu’il quitterait l’usine à la fin du mois. Que son licenciement était économique, qu’il touchait une prime de départ de tant, qu’il avait droit au chômage et que ça avait été un bon travailleur ici. Comment pouvais-je imaginer qu’il ferait une telle bêtise ? Ne pouvait-il pas attendre un peu, que je ne sois pas mis en cause ainsi ? On frappe à la porte, je dis d’entrer.



Ils viennent de quitter le bureau. Je n’ai pas fini mon thé, ni ma cigarette. Ils sont allés voir le patron. Je ne sais plus quoi faire d’ici l’heure de fin de travail. La pièce est grise, il pleut sans force contre la vitre. « Vous comprenez monsieur. Nous ne cherchons pas de coupables. Juste les causes qui l’ont poussé à l’acte. Rien de plus. »
Ils cherchent. Qu’ils cherchent. Il n’y a pas de coupables. J’ai froid, je met le chauffage.



Ils sont repartis. La secrétaire du patron m’a remis une enveloppe blanche.
« Cher monsieur…
… nous sommes au regret de vous annoncer qu’au vu de la conjoncture …
… votre travail remarquable …
… devons mettre fin …
… toucherez une prime de départ …
… considérez, monsieur, l’expression de nos salutations les meilleures. »
L’horloge sonne 18h. Je vais enfin rentrer chez moi.
Je rejoins ma voiture, boucle la ceinture, mets le contact, les essuie-glace. La radio.
Je pleure. Ça n’était pas ma faute ! Pourquoi font-ils ça ?
La route serpente le long des collines, sous des trombes d’eau. Je renifle. Après tout. Un virage, si je ne le prends pas ? La chute jusqu’au bas de la falaise ? Très bien. On verra si c’est de leur faute.
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Jeu 2 Mai 2019 - 22:58
Papillon épileptique, elle vacille et tressaute au rythme saccadé d’une respiration imaginaire. Elle jette sur le miroir crasse, sur la faïence jaunie, quelques éclats pisseux et fait presque danser par l’illusion les cheveux désossés de leur crâne, enroulés par sombres paquets, dans le fond du lavabo. L’ampoule continue de s’agiter, fébrile et ne manquera sans doute pas de claquer pour de bon avant la fin du service. Les mains brunes s’échouent sous le maigre filet d’eau tiède, saisissant le liquide à ses paumes pour s’en asperger la figure. Sueur, graisse et crasse. Mélange habituel avec lequel il a appris à vivre. Les pièces de viande bon marché ne se cuiront pas toutes seules, et il ne s’éternisera pas ici. Comme toujours, c’est temporaire. Un boulot à la con pour un salaire misérable. De quoi payer l’essence, la nourriture, jusqu’à la prochaine étape. Pas de quoi se tuer à la tâche.

Dehors, la nuit s’est étiolée, barbouillant le ciel d’une obscure aquarelle. Ne reste que la lueur orange du parking, la pénombre malmenée par de rares lampadaires. A la vitre des cuisines trépigne le néon du motel. Rouge, bleu. L’enseigne semble ainsi lui confier quelques messages cryptiques qu’il n’a pas le courage, à cette heure tardive, de déchiffrer comme il se doit.

« Alan, on ferme tu peux te tirer ! » La voix du patron résonne au travers du restaurant. Elle est étonnamment rassurante. Chaude. Et il songe brièvement qu’il aurait pu bien plus mal tomber. Mais ce n’est ni le premier, ni le dernier des emplois minables qui jonchera sa route, s’il trouve toutefois une fin à ce chaos.
Les semelles trainantes, il ignore les autres cuistots, trop occupés à se griller leur cinquième clope hebdomadaire pour le saluer correctement. Il ne leur aurait de toute façon pas rendu la politesse. Son pick-up garé de biais lui renvoi l’image fatigué d’un adolescent entre deux mondes. L’adulte et l’enfant se confrontent silencieusement dans ses yeux noirs et il soupçonne parfois le premier de taillader l’autre à coup de canif, l’air de rien, quand lui-même ne remarque rien. Peut-être dans son sommeil. Il se surprend à rêver, à s’affamer d’une nuit sempiternelle à dormir, roulé dans la position d’un chien mauvais, sur le siège arrière de la voiture. Un couteau dans le caleçon – au cas où – et les paupières entrouvertes. Un sommeil sans rêves, loin de l’inévitable réalisation de ses actes.
Mais la fenêtre, au second étage du motel, l’attire plus qu’il ne le voudrait. Il constate la lumière allumée, derrière les épais rideaux, faisant office de volets. Et sait qu’il n’y échappera pas cette nuit non plus. La route, à l’époque, lui avait semblé la solution la plus simple. Aujourd’hui, même les avis de recherche à leur nom, ont commencé à disparaître. L’espoir s’essouffle vite, dans le cas d’enfants de leurs trempes.

La clé minuscule teinte dans la serrure. Bloque, s’actionne. Il sent le mécanisme rouler avec le maigre contenu de son estomac. Le plus frappant, lorsqu’il entre, c’est avant tout l’absence de bruits. Il s’est habitué aux cris, aux fracas, et même avec les années et l’éloignement, les habitudes ont la vie dure. Il n’y a que la lueur de l’ampoule sale. Quelques affaires jetées sur le lit. Un sac de vêtements presque tout à fait sales. Un peu de monnaie, une cassette de Siouxsie et d’immondes porte-clés gagnés dans des machines à pièce. Il fronce les sourcils, laissant se diffuser une panique sourde à ses reins, drôle d’extase languide. Fouillant la poche de sa veste militaire, il constate l’absence du canif. Et le fracas dans la minuscule salle de bain semble comme une réponse appropriée.
Il la rejoint en trois pas à peine, ouvrant la porte sur une scène devenue trop familière, quoique moins létale qu’autrefois. C’est toujours dans cet ordre, que cela se passe. Et il ne lui est pas difficile de se pencher sur la silhouette longiligne recroquevillée dans une baignoire dégueulasse. Le soleil a blondi ses cheveux roux et multiplié les tâches de son visage. Il presse entre ses paumes l’arme de fortune, les bras maculés de plaies diverses. Récentes, anciennes, il n’arrive plus à vraiment les distinguer. Il cherche bien quelque chose à dire pourtant, un mot, une plaisanterie même. Mais le dialogue n’a jamais été son fort. Et contre toute attente, c’est lui qui parle en premier. Sa voix balbutie, se brise. Quelques regards paniqués à l’endroit qu’il ne peut bien évidemment pas reconnaître.

- Je veux plus… Je veux plus, je veux partir… - Les larmes sur ses joues creusent des sillons incolores et il tend une main pour les lui essuyer sans grand succès. Il a appris à ne plus sentir son cœur se serrer lors des… Incidents, comme elle dit. C’est le juste prix à payer. Sa compensation pour obtenir ce qu’il souhaite. Ce n’est tout de même pas sa faute, s’il est le seul être compatible. – Je veux plus faire ça, je veux qu’elle sorte… Tobias je veux rentrer, je veux voir Miguel…
Alan, Tobias. Du pareil au même. Il s’est accoutumé à porter plusieurs noms à la fois, et à répondre à chacun d’entre eux. Parfois, tard le soir, il se sent coupable. Pas assez longtemps pour reconsidérer sa décision. La culpabilité vaut mieux que la solitude, il l’a appris à ses dépens. Sa patte brune se referme sur l’arme, sur le poignet pâle et fragile qui, lui, ne semble pas avoir vieilli. Et d’une torsion, jette la lame de biais.

- J’peux pas, ch’uis désolé. – Il entend l’autre geindre, s’étrangler dans son sanglot de terreur. Le bruit est devenu avec le temps une mélodie de fond à ses oreilles. – Rendors-toi Elly, t’en fais pas. Tu peux te reposer.

C’est toujours une formule magique. Une connerie d’incantation, lorsque les yeux du rouquin se vident et s’évident. Se troublent avant de retourner à leur grisaille. Une sorte de blancheur peinée et absente. Puis le sourire, toujours. Et le corps se redresse, mécanique de chair, raide, exposant sa nudité masculine, ne semblant d’ailleurs pas s’en déranger.

- Ça arrive de plus en plus souvent.
- Qu’est-ce que j’y peux… - La voix agenre tonne faiblement. Un pied après l’autre, hors la baignoire, et ignore le reflet du miroir. – Tu crois que ça me fais plaisir de m’incarner là-dedans ? Il est allergique au chat, je ne pourrais jamais en avoir un.

Quelle tristesse, quand on y pense. Elle trouve sur le lit une place toujours royale qui ne dénote pas avec son nouveau corps. Ses yeux pâles, poissons lunaires, le sondent l’air de rien. Et il – Elle – sourit, invariablement. Satisfaite de son existence. Satisfaite de sa survie. La question s’élance alors, gerbe d’étoiles filantes dans son estomac.

- Parfois j’ai l’impression que tu regrettes… Tu regrettes ?

La réponse, dans ces moments, est toujours douloureusement évidente. Elle le sait. Elle s’en est assuré toute leur enfance.

- Non.

Et c’est bien son incapacité à s’émouvoir de sa faute, qui l’effraie.
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Jeu 2 Mai 2019 - 23:01
Mme Delphine – Ah, je suis désolée si j'ai marché sur votre euh...
M. Blanfin – Ah non, non c'est moi qui... Désolé je...
Mme Delphine – C'est pas grave, ha ha.
M. Blanfin – …
Mme Delphine – Je veux dire euh...
M. Blanfin – Pardon ?
Mme Delphine – Je veux dire, c'est pas de votre faute, j'aurais dû faire plus attention.
M. Blanfin – Ah oui, oui.
Mme Delphine - Voilà.
M. Blanfin – Enfin je veux dire oui, oui je, j'entends
Mme Delphine – Haha, je comprends c'est rien
M. Blanfin – Je ne voulais pas dire que c'est de votre faute ou que
Mme Delphine – Non mais ne vous inquiétez pas
M. Blanfin – Parce que bon, après on va dire que je ne suis pas gentleman
Mme Delphine – Mais pas du tout, je vous trouve même très gentil
[un temps]
[très long]
M. Blanfin – *tousse*
Mme Delphine – … Pardon, je...
M. Blanfin – Excusez-moi ?
Mme Delphine – Ah, je... Je je disais pardon de, si je vous ai... Euh, choqué ou quoi
M. Blanfin – Choqué ?
Mme Delphine – Euh, enfin vous savez... En disant que je vous trouve gentil.
M. Blanfin – Alors çà, pour quelle raison devrais-je être choqué ?
Mme Delphine – Ah, euh... Non je croyais que, ce n'est pas grave
[un temps]
M. Blanfin – En tout cas, c'est pas un temps pour les escargots hein !
Mme Delphine – Ah ça non.
[un temps]
Mme Delphine – Il va bien falloir que ça s'arrête un jour
M. Blanfin – Hé, oui...
[un temps]
Mme Delphine – Vraiment je suis désolée d'avoir marché sur votre petit
M. Blanfin – Non mais c'est pas grave, j'aurais pas dû le laisser par terre
Mme Delphine – Parce que vraiment c'est un beau bébé que vous avez là
M. Blanfin – Merci beaucoup, je transmettrai à mon laitier.

Explication du lien au thème si besoin ::


Dernière édition par Mélodie le Jeu 2 Mai 2019 - 23:12, édité 1 fois
Silver Phoenix
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CC N°31 : La faute à qui ?! Empty Re: CC N°31 : La faute à qui ?!

Jeu 2 Mai 2019 - 23:07
Fabien était désemparé.

Il observait, les yeux vitreux, l'état épouvantable de son petit appartement. Une forte odeur de vomi et de cannabis fumé alourdissait l'atmosphère, mélangée aux vapeurs d'alcool de mauvaise qualité. D'innombrables cadavres de bouteilles de bière s'entassaient dans toutes les pièces, y compris dans les toilettes (en effet, dans la cuvette). Des flaques de liquide non identifié (mais que Fabien soupçonnait être de l'urine) s'étalaient ça et là dans le salon. Certaines de ses plantes avaient carrément été brûlées sans aucune pitié, abandonnant à leur sort des pots en terre cuite désormais privés de végétation. Le sol était jonché de croûtes de pizza froides légèrement calcinées.

Tout cela encore était à peu près normal pour Fabien. C'était assez typique des soirées arrosées avec pleins de copains après tout. Mais une chose sortait de l'ordinaire, même pour lui...

Comment, par tous les diables de l'enfer, cela faisait-il qu'un porc mangeait son canapé ?!

Après une profonde absence mentale de quelques minutes, le jeune homme décida de passer à l'action.  Il sortit son téléphone portable de sa poche pour appeler Alex, son ami le plus fêtard de sa bande. Il grimaça lorsqu'il remarqua que l'écran était complètement fissuré. De son doigt tremblant, il défila difficilement les contacts.

"Je vais le tuer..." marmonna Fabien de rage.

Il appuya sur la touche "Appeler" du mieux qu'il put avec son téléphone partiellement détruit. Fabien était sûr qu'il était au moins coupable de la présence de ce porc !

En attendant une réponse, ses yeux rougis par un sommeil court et agité se dirigèrent aléatoirement vers le plafond. Tout d'un coup, son sang ne fit qu'un tour.

Des taches brunes et noires... Et des traces de pas ?!

"Mais c'est incroyable, ça !" rugit brutalement le jeune homme.

Une musique provint de la chambre de Fabien. Le son était étouffé, mais il sut sans mal que cela venait du téléphone de ce cher Alex. Il se précipita dans la pièce, les poings fermés avec tant de force qu'il pourrait se déchirer la chair avec ses ongles.

Une autre mauvaise surprise assombrit davantage l'humeur de Fabien. Son lit était cassé en deux et retourné. La musique niaise et dynamique de la sonnerie résonnait depuis le placard. Peut-être que ce connard d'Alex l'avait oublié dedans. D'une main ferme, il ouvrit brusquement les portes du placard.

Alex y dormait, debout, entre deux manteaux d'hiver.

"ALEX !"

Fabien tira ce dernier d'un coup sec par les épaules, puis le jeta par terre, faisant sonner deux bouteilles en verre entre elles.

"Sale fils de pute ! Qu'est-ce qui s'est passé ?!" hurla Fabien, les globes oculaires sortant presque des orbites.

Alex, hagard, se frotta la tête. Quel réveil !

"Quoi ?" répondit-il par réflexe.

Fabien le saisit à nouveau par l'épaule pour lui faire visiter son appartement ravagé.

"D'où vient ce porc, bordel ?!"

Alex, les yeux plissés, contempla l'animal dévorant le tissu du canapé. Le temps que les neurones se connectent, il bafouilla des mots incompréhensibles, impatientant davantage Fabien. La colère de celui-ci était presque palpable.

"J'en ai vraiment ras le cul ! Tu te démerdes pour le dégager, sinon je...!"

Fabien s'étranglait avec ses propres mots. Il prit une grande respiration pour se calmer un peu.

"Et tu foutais quoi dans mon placard au fait ?!"

Alex ne put s'empêcher d'éclater de rire à la situation, malgré l'alcool embrumant son cerveau. Il n'avait quasiment aucun souvenir de cette soirée qui devait être pourtant mémorable. Fabien demeura quelques secondes interdit devant la réaction de l'abruti qui lui servait d'ami.

"Je ne sais pas, ça devait être mortel !" pouffa Alex.

Fabien l'agrippa cette fois par le cou pour le jeter vers le cochon se délectant du cadavre de son meuble.

"FOUS-LE DEHORS !"

Alex dut se retenir de toutes ses forces pour ne pas déclencher un fou rire incontrôlable. Le porc ne lui semblait pas trop gros, peut-être pourrait-il le porter à la main, se disait-il. Les grouinements répétés de l'animal rendaient hélas le moment encore plus comique pour lui. Il s'abaissa pour le prendre par les flancs, puis tenta de le soulever, en vain, en crispant les dents. Fabien se tapa le front devant l'idiotie d'Alex.

"Putain mais tu le fais exprès !"

Alex s'esclaffa de nouveau, ce qui fit sortir définitivement Fabien de ses gonds.

"ALLEZ CASSE-TOI !"

Fabien attrapa violemment un Alex toujours hilare, slaloma nerveusement entre les bouteilles roulant sur le sol crasseux et par endroits humide, vers la porte d'entrée. Lorsque sa main saisit la poignée, celle-ci lui resta entre les doigts, lui arrachant une exclamation d'incrédulité. Alex était secoué de spasmes devant le visage interloqué de son pauvre ami. Fabien ouvrit la porte et déplaça le dos d'Alex devant lui.

"FOUS-LE CAMPS !"

L'homme en furie frappa les fesses de l'alcoolisé avec son pied, poussant celui-ci en avant. Il se heurta au mur du couloir puis tenta de fuir en courant, malgré le pas chancelant. Fabien le regarda s'en aller, les joues écarlates et le souffle court, se retenant de partir à sa poursuite pour le passer à tabac en entendant encore ses rires très bruyants.

Fabien claqua la porte derrière lui, puis se massa les tempes pour se calmer, lâchant un soupir. Il avait mal à la tête à force d'être énervé. Les bruits rauques du porc ponctuaient chacune de ses exhalations. Tout à coup, Fabien se sentit coupable. Qu'est-ce qui lui avait pris ? Il savait bien que ses amis (surtout Alex en fait) étaient capables de transformer n'importe quel lieu en décharge publique. Il aurait même dû, selon lui, prévoir le coup du porc, bien qu'il reconnaisse l'improbabilité de la situation. Il avait cependant le pressentiment qu'il n'était pas encore au bout de ses surprises.

Fabien fit un nouvel état des lieux, espérant ne pas trouver d'autres dégâts. Ceux causés étaient déjà importants et seraient difficiles à réparer ! Il se rua vers l'ordinateur pour vérifier si les câbles avaient été sectionnés. Il fut soulagé lorsqu'il confirma que ce n'était pas le cas. Ses amis n'étaient pas cruels à ce point, n'est-ce pas ? De la bière désormais sans bulle avait été renversée sur le clavier, mais ce n'était pas grave, pas vrai ?

Fabien fit ensuite un tour dans la cuisine. L'odeur de vomi était si forte qu'il dut se retenir de l'empirer. L'évier était complètement bouché. Bon. Cela arrivait souvent. Le placard était entrouvert. Étrange... Il était fermé à clé d'habitude. Il tira sur la porte pour découvrir une autre odeur, celle de brûlé, ainsi que le balai scié en deux. Et encore et toujours les bouteilles de bière vides, certaines brisées en mille éclats.

Blasé, il se dirigea vers la salle de bain. En actionnant l'interrupteur, la lumière ne vint pas. D'autres fortes effluves emplissaient ses narines, un mélange d'alcool, de joint et de nourriture digérée provenant de la baignoire. Il reprit son téléphone portable pour allumer (tant bien que mal) l'option lampe-torche pour évaluer les dommages.

Un homme, nu, recroquevillé, inconscient, des vomissures aux commissures des lèvres et partout sur son corps, la peau ornée de dessins et de mots puérils au marqueur noir.

Le cerveau de Fabien s'éteignit. Il voulait oublier ce qu'il venait de voir à tout prix. Cet homme lui était totalement inconnu par dessus le marché. Que devait-il faire là ? Appeler la police ? Se déplacerait-elle pour ce genre de choses ?

Fabien quitta précipitamment la salle de bain. Si Alex était encore présent, il n'aurait été probablement plus de ce monde. C'était peut-être une de ses connaissances. Il s'assit de manière lâche sur une chaise qui traînait dans le salon. Celle-ci céda sous son poids, provoquant un énorme fracas sur le sol. Fabien atterrit rudement sur les côtes, puis se fit assaillir par la douleur, déformant les traits durs de son visage.

Il se releva laborieusement, constatant qu'il devrait tout nettoyer et réparer, seul. Tant pis, il forcerait ses amis à rembourser les dégâts.

Prenant son courage à deux mains, il retourna vers la baignoire pour chasser l'inconnu comatant dans ses sucs gastriques. Il l'empoigna de toutes ses forces par les épaules pour le soulever. Mais quelle lourdeur ! Quelle saleté ! À se demander qui était le plus porcin entre la créature rose à groin et lui, hurla mentalement Fabien.

Soudain, le jeune adulte aperçut les paupières de l'homme se mouvoir. Paniqué, sa prise ferme flancha. L'homme crasseux glissa sur la céramique poisseuse, tombant sur le dos.

"Putain !" brailla Fabien, effrayé.

Des grognements incohérents s'échappèrent des lèvres de la loque humaine. Fabien se rassura sur le fait que l'homme devant lui n'était pas en état de lui faire quoi que ce soit de dangereux. Les yeux de l'inconnu, voilés par l'ombre de ses paupières tremblantes, semblaient pourtant transpercer l'obscurité de la pièce, perlant le corps de Fabien de sueur.

Les deux hommes se fixèrent, désarçonnés. Que devait-il faire désormais ? Il ne pouvait décemment pas laisser ce déchet à moitié humain chez lui ! Fabien avala de l'air à plein poumon malgré sa puanteur pour se redonner un peu d'assurance.

"Monsieur, je peux savoir ce que..."

Mais il fut coupé par un soubresaut de la part de l'inconnu. Il n'était probablement pas foutu d'émettre un mot cohérent sans dégueuler, se conçut Fabien, dépité. Il conclut par conséquent que la solution la plus raisonnable était de contacter le Samu.

"Écoutez, je vais appeler les secours, ils vont vous prendre en charge, vous allez décuver tranquillement..."

Fabien continua de divaguer compulsivement pendant de longues secondes pour se rassurer lui-même. Il n'en avait rien à faire du sort de cet homme-porc. De toute façon, il ne le comprenait même pas. Il reprit son téléphone, s'énervant encore une fois sur l'écran tactile craquelé, puis composa avec peine le numéro du Samu. Alors qu'il attendait impatiemment une réponse de l'autre bout du fil, la présence indésirable grommelait sans que Fabien n'en comprenne la raison.

"C'est aussi de ma faute, je n'aurais pas du organiser de soirée..." murmura le jeune homme.

La faute à qui, au final ?

"Allô, que se passe-t-il ?"

Une voix que Fabien percevait féminine avait enfin répondu. Il lui expliqua de façon la plus brève et concise possible la situation auquel il était confronté pour ne pas perdre de temps, surveillant toujours l'inconnu ivre du coin de l'œil. Il raccrocha rapidement après lui avoir communiqué son adresse.

Alors que Fabien fut momentanément distrait, toujours sous le choc de cette rencontre inattendue, l'homme attrapa très maladroitement le col de sa chemise. Pétrifié, il le repoussa violemment, si violemment que son assaillant chuta par-dessus la baignoire, se retrouvant lamentablement sur le carrelage dur et froid.

Fabien lâcha un énième juron. Le poivrot n'avait pas perdu connaissance, mais il était à peine conscient, prêt à repeindre les murs de sa petite salle de bain de vomi. Qu'avait-il tenté de faire ? Juste le rapprocher de lui ? L'attaquer ? Ou même l'embrasser ?!

Il n'en avait aucune idée, mais il pouvait quasiment tâter son malaise et son effroi. A ce moment-là, il n'avait qu'une envie : se défouler sur cette ordure au ventre rempli de bière ! Mais à quoi bon ? Il ne voulait pas finir en prison, et il était de plus probablement anesthésié par l'incroyable quantité d'alcool coulant dans son sang.

"Écoute-moi bien, si tu y arrives" articula lentement Fabien, le regard torve. "Si tu me touches encore une fois, ne serait-ce que l'un de mes cheveux, je te tue de mes propres mains !"

Fabien se recula consciencieusement, arborant toujours ce même regard assombri par une colère froide et un certain instinct de survie, transpercé par les yeux vitreux et sans âme de la loque, qui tentait de se redresser avec ses bras massifs. Il fut pourtant coupé dans son élan par un bruit très désagréable et rauque, semblable à un gros crachat, provenant des tréfonds de sa gorge, parcouru d'un haut-le-cœur beaucoup plus violent que celui de tout à l'heure. Fabien déglutit de dégoût, il avait l'impression d'avoir une bête informe et repoussante devant lui. Et ce qui devait arriver, arriva. Il vida tout le contenu de son estomac de manière atrocement sonore, en face d'un Fabien s'enfuyant de la pièce, qui trouvait ce triste spectacle insoutenable, autant pour l'odorat que pour la vue ou les oreilles.

Alors que le jeune adulte se lamentait de l'état empiré de sa salle de bain, il entendit un autre bruit saturé et aigu, beaucoup moins immonde que ceux du sac-à-bière, mais à peu près aussi inhabituel. Il en reconnut l'origine. C'était sa sonnette, qui avait probablement été endommagée par le cyclone que s'était révélée être sa soirée. A moitié soulagé, il se hâta vers le vestibule étriqué, content de recevoir ce qui devait être les secouristes. Il ouvrit la porte d'entrée dépourvue de poignée avec un peu trop d'enthousiasme à son goût.

Effectivement, trois secouristes se tenaient droit. Fabien échangea cordialement les politesses avec eux, et les guida vers la raison de leur venue.

"Ne faites pas attention à l'état de mon studio, la soirée a été un peu mouvementée."

Les secouristes réprimèrent un petit rire à propos de l'avertissement du jeune homme, bien qu'ils essayaient de garder un air sérieux et professionnel. Chose devenue désormais impossible lorsqu'ils virent le cochon. Ils affichèrent une expression très, trop visiblement perplexe.

"Ne cherchez pas, je ne sais pas pourquoi il est là non plus." dit Fabien, l'élocution excessivement rapide.

(inachevé)
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