Le Pare-tempêtes
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Pantouffe
Pantouffe
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CC N°34 Son père a tué mon père Empty CC N°34 Son père a tué mon père

Ven 2 Aoû 2019 - 22:12


Je n'ai aucun regret.
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Invité
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CC N°34 Son père a tué mon père Empty Re: CC N°34 Son père a tué mon père

Ven 2 Aoû 2019 - 22:53
Spoiler:

L’œil noir semble s’enfoncer à des profondeurs infinies, dénué de fond d’où ne proviendrait pas une mort aussi certaine qu’évidente. Raide et agressif, il nargue rageusement, menace de sa simple présence. L’autre gouffre, ce sont ses yeux. Teinte terre d’automne, cette bouillasse infâme de pluie et de feuille morte qui vous colle aux semelles et vous alourdit les jambes. Le tremblement imperceptible de sa bouche, étouffant une sorte de sanglot sinistre, conscient et absent de la scène à la fois. Le ciel abattu sur la nuque dans la certitude d’un acte grave accompli, sans tout à fait avoir la pleine ampleur de ses actes. Ils sont tous ainsi, la première fois. La même scène, toujours. Indissociable de leur regard. Comme pour la mère, la tante, les neveux et les sœurs. L’œil noir les a tous fait chuter. S’effondrer et leur couronne avec eux parfois. Le Roi est mort, vive le Roi.
Le plus grand des deux renifle, lève le poignet pour essuyer de sa barbe quelques saletés imaginaires. Rutilante satisfaction qui semble émaner du curieux bâton métallique. Il se rétracte, s’abaisse et disparaît à nouveau dans le dos, derrière les couches de fourrure. Le plus petit demeure, regard fixe et lèvre babillante, regard figé à un point de l’horizon, entre les épais feuillages et les branches protectrices. Le grand lui décoche alors une claque sèche derrière l’oreille. Bienveillant geste paternel.

- Tu attends quoi Chris ? Viens, il faut le charger dans la voiture.

Petites mains empoignant la couronne, il tire et bande les muscles, donne le meilleur de lui-même pour soulever la carcasse du père, langue pendante et sabots ballants, ignorant la petite silhouette frissonnante, recluse à son buisson. Et bientôt la mère, la tante, les neveux et les sœurs. Tant que papa trouvera grâce à ce sinistre passe-temps, l’envie soudaine de le faire devenir homme.
Malnir
Malnir
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CC N°34 Son père a tué mon père Empty Re: CC N°34 Son père a tué mon père

Ven 2 Aoû 2019 - 23:23


La poussière n’était pas encore retombée sur le sol gorgé de sang et restait en suspens comme un rideau ocre. Autour de la lice, un silence mortel, glacé, était tombé sur l’assistance qui encore un instant plus tôt n’était que chants et liesse. Les nobles dames peinaient à reprendre le souffle, les gentils seigneurs s’étaient à demi redressés sur leurs sièges, la roture restait muette, n’osant pas encore rire ou crier. Le corps inanimé du duc de Lycanie, Enguerrand de Lucelieu, gisait au milieu du sable qui rutilait comme une mer de rubis. Mon père gisait. Son armure masquait tout de son agonie, mais l’éclat de bois fiché dans le creux de l’épaule ne pouvait pas tromper. Son cheval avait interrompu sa course quelques secondes après sa chute, et son adversaire, toujours monté, contemplait sa dépouille avec saisissement, sa lance de tournois brisée toujours serrée dans sa main. Ma mère s’était levée, la bouche grande ouverte dans un cris muet, puis s’était effondrée évanouie. Quant à moi, je sentais se répandre dans mes entrailles un fourmillement glacé.

Mon oncle Robert s’était repris le premier. Bousculant la foule, il avait traversé les quelques mètres qui le séparaient de son frère, et avait retiré son casque, pour laisser reposer sur ses cuisses sa tête livide. À cet instant précis, le tournois de Voltec avait pris fin, et mon insouciance aussi. Je me rappelle avec quelle gentillesse mon oncle m’avait traité pendant tous le chemin du retour à Lucelieu, dans la voiture que je partageais avec mon cousin Jen, de dix ans mon aîné. Le convois funéraire était juste devant, et, du haut de mes dix ans, mes pensées restaient ternes. J’avais l’impression que tout échappait à ma volonté. Bientôt on me couronnerait duc dans la cathédrale de Lucelieu, puis on m’embarquerait pour Abîme pour que je prête hommage à mon Roi Souverain. Et mon oncle deviendrait régent jusqu’à mes seize ans. Mais moi je ne désirais qu’une chose, c’était revoir mon père vivant et ma mère sourire. Elle était à mes côtés, muette dans sa robe et sa coiffe blanche du deuil. Bientôt elle allait mourir.

En fait, mon couronnement prit du retard, et peu à peu s’éloigna jusqu’à ce qu’il n’en fut plus question. Je me retrouvais peu à peu dans l’ombre de mon oncle et de mon cousin jusqu’à disparaître de l’esprit du peuple. Et alors seulement mon oncle devint duc de part son âge, son expérience, son fils qui, déjà chevalier, avait déjà trouvé épouse et bientôt aurait un premier enfant. Les deux années qui suivirent, je n’étais plus que l’écuyer de mon oncle, et ni mon sang ni mes précepteurs brillants ne m’en sauvèrent. La troisième année, oncle Robert eut un accès de fièvre et s’éteignit dans son lit. On m’envoya au comte de la Corne, vieillard dont la lignée allait s’éteindre sans descendance et qui me désigna comme son héritier, et acheva mon éducation.

La fin de mon enfance fut grise sur ces mornes terres, et prit fin brusquement. Le comte mourut vite et me fit chevalier sur son lit de mort d’une main faiblissante et suante, à la lueur maladive des chandelles, dans une chapelle où l’odeur de l’encens ne masquait pas celle des herbes et des onguents qui le droguaient. Aussitôt, j’étais proclamé comte de la Corne. Je rendais hommage à mon cousin Jen, duc depuis deux ans et déjà père de deux fils, un troisième enfant étant à naître. Pendant la cérémonie, il resta assis sur son trône d’ivoire, le regard voilé de gêne. Je sentais déjà confusément que sa place me revenait de droit, mais j’étouffais mes ressentiments derrière les formules du cérémonial et quittait la ville dès le soir venu.

À mon retour, deux hommes m’attendaient ; le baron de Silverac et le comte de Rocqueleau. Ils avaient à me parler d’un sujet douloureux ; la mort de mon père, et de leur certitude : il n’était pas mort par accident mais avait été assassiné. La lance de son adversaire avait été remplacée par une qui ne céderait pas à l’impact mais l’embrocherait. Cette substitution avait été permise par la complicité du comte de Voltec récemment mort, et l’instigateur était mon oncle Robert, dont la mort m’avait évité une fin suspecte. À cette nouvelle, la grisaille qui m’environnait et me liait céda à la colère et au châtoiement du désir de vengance. Mais comme je me déclairais prèt à faire éclater la vérité au grand jour et en finir me lancer à la conquête de ce qui m’était dû, les deux hommes m’enjoignirent à plus de patience. En agissant immédiatement, je n’avais aucune chance. Il me fallait attendre, rassembler des alliés et des forces en vue de reconquérir mes titres.

Dix ans ont passé, et à présent je suis prêt. Jen est aux prises avec son propre fils aîné, qui semble avoir hérité de la perfidie de son grand-père, me laissant les mains libres. Son père a tué mon père, et il le sang généreux de Lycanie qui en s’écoulant lui a donné le pouvoir, je compte le noyer avec.
Pantouffe
Pantouffe
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Ven 2 Aoû 2019 - 23:40
Le plus doux des poisons pour la plus douce des filles. Je ne peux rien de mieux pour la belle Asphodèle. Si elle fane, et puisqu'il le faut bien, que ce soit tranquillement, sur les ailes du sommeil... La mort aura pour elle des trésors de langueur. C'est le moindre des cadeaux pour la plus précieuse parmi les demoiselles. Un bijou dans le velours vicié des hauts jardins, la plus tendre des perles, faîte de rosée et de parfum liquide. Asphodèle, un lacet d'aurore pour tenir son corsage, un automne pris captif de sa chevelure d'ambre.

On pourrait croire à voir ses yeux qu'il n'y a chez elle que la mélancolie des saisons qui aiguisent leurs couteaux sur les branches. Toujours cet œil de lac par temps de bruine légère, la paupière molle sur la pupille où le brouillard s'enroule, se disputant l'espace avec des lumières vives... Il y a pourtant tout le printemps dans ses roulements de hanches, une prairie après l'autre jaillissant de ses reins, un grand torrent sinueux de pétales et de feuilles, des parterres de caresses qui se développent sur elle, des fleurs incendiées en ruées galopantes, à ses cuisses de satin et tapissant son ventre, des vergers en folie déployés sur sa nuque. Une vallée où se rouler quand le soir est très noir.... Très vide et silencieux, sans regards ni sans armes.

C'est par ces nuits qui soupirent que j'ai trouvé le chemin vers son cœur. Et que dire du cœur de la plus douce des filles ? Il est exquis évidemment, c'est le plus beau de tous, le plus noble et le plus chaleureux. Mais il lui faut mourir, car il est moins sacré que les les serments du sang. J'aurais aimé que son cœur soit un temple, et dans ce temple avoir quelques alcôves... Mais il lui faut brûler, car son ciel et le mien n'ont su trouver l'entente qu'à travers des orages. Quand la foudre se tait, quand les déluges tarissent, il ne peut rester qu'un seul azur en place. Et ce n'est pas au plus bleu des deux qu'il reviendra de surplomber la terre... C'est à celui qui saura le mieux déguiser ses corbeaux en colombe. Celui dont les rapaces auront le chant des rossignols.
(inachevé)


Dernière édition par Pantouffe le Sam 3 Aoû 2019 - 0:14, édité 2 fois
Silver Phoenix
Silver Phoenix
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Ven 2 Aoû 2019 - 23:57
Elle avait envie de vomir.

Son estomac lui semblait être coincé dans sa gorge, prêt à être expulsé hors de ses lèvres.

Sa poitrine se comprimait, comme prise en étau, le cœur pulsant si fort qu'il pourrait presque se propulser à des kilomètres hors de sa cage thoracique.

Elle était comme paralysée par un venin foudroyant, traversant ses veines, coupant net ses pensées telles un fil.

Tout ce qui l'entourait semblait inexistant, sauf le spectacle sous ses yeux.

Son père.

Pendu.

Bleu.

Les yeux presque hors des orbites.

Les traits tordus dans un rictus horrible.

La nuque brisée.

Inerte...

Son corps rigide se balançait mollement sous son regard qui s'était brouillé instantanément.

Elle n'était plus qu'une gigantesque boule de nerfs désormais, crépitant presque d'électricité, transperçant sa peau. Elle se replia d'un coup sur elle-même, les entrailles en feu, au bord de l'implosion.

Mais l'effroi, aussi intense soit-il, ne parvenait à déchirer le silence alourdissant l'atmosphère. Juste à la clouer sur le sol, et l'immobiliser telle une bête sauvage trop agressive.

Lorsqu'elle revint plus ou moins à elle, elle se rendit compte que le silence avait finalement fait place à de faibles sons. Des voix, lointaines et étouffées. L'endroit était différent. Blanc. Embaumé d'un étrange parfum de médicament. Et elle était allongée, aussi.

Elle se sentait juste vide, là. Quoique. Ses entrailles brûlaient toujours.

Mais elle se surprit à pouvoir vaguement réfléchir à nouveau.

Son père...

Évidemment. Elle s'en voulait de ne pas avoir pu sauver. Le soulager ses profonds traumatismes qui le tourmentaient perpétuellement. Et savait parfaitement qui était le fautif.

Elle sut que bientôt, la rage monopoliserait son cerveau. Cependant, elle ne manifestait rien, préférant pour l'instant profiter de l'engourdissement émoussant ses sens, avant que la réalité ne revienne l'asphyxier.

(à suivre...?)
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