Le dépeceur de violons

Et maintenant, que la fête commence !

*J'nique ta mère la catin
Parce que j'suis l'roi des fous
Retourne faire le tapin
Au lieu d'faire le voyou*

Ok. Alors là, il y a tous les ingrédients.

*Ma bite c'est Mister Freeze
Ton père suce ma tour de Pise*

Le kick 808 sur tous les temps ? Check.

*J'me douche dans mon oseille
Et j'me branle dans ta meuf…*

La basse beaucoup trop forte qui joue la même note en continue ? Check.

*… J'glande sur mon canapé
Heeee
J'm'enfile des canapés
Heeee*

Le synthé qui fait "SCRIIIIIIIIIIIIIIIIII" ? Check.

*… Ta mère c'est un gros thon
J'la ken à la pêche à la ligne
J'suis pas comme ton daron
Moi j'fais gaffe à ma ligne…*

Le boulet qui s'excite en postillonnant sur mon micro ? Check.

*J'bouffe ton crew au p'tit dej
Avec d'la mayonaise
… blablablabla baise…
… nique blabla charentaise…*

Alors bordel, expliquez moi POURQUOI...

*J'ai pas peur de la BAC
HAAAN
Je mange plein de Tic-Tacs
HAAAAAAN
Et le poulet braisé
HAAAAAN
C'est mon plat préféré
NIGGAH*

Y A UN PUTAIN DE VIOLONISTE DANS MON STUDIO ??

*Dédicasse à Polo
C'est l'pote à mon frangin…
Représente le conservatoire
d'Saint-Berta-Sur-Morin…*

Mais… Ces grincements… C'est inhumain…

*j'branle tous vos cachalots...*

On dirait… Un chaton… Qu'on viole…

*… le biz …. …
… … … pédalier de vélo….
… pute pute pute pute …
… …. …. égal à la somme des hypoténuses…*

Je crois… Je crois que… Au milieu de toute cette chiasse… Je perçois… Une sorte de mélodie ?

*Saint-Berta-Sur-Morin Style yeah*

Attends… mais c'est…

*… situation problématique dans le cadre du conflit au moyen orient…
… pute ….*

Mais c'est du MOZART ???

*… J't'enfonce ma demi-molle…"

PUTAIN MAIS J'VAIS LUI FAIRE BOUFFER SON VIOLON À LA CON FAUDRA APPELER UN LUTHIER POUR L'AUTOPSIE !

Léo est maladroit.

Ça, ce n'est plus à prouver. Il montre honteusement sa maladresse à tout moment de la journée. Se prendre le petit orteil contre un meuble, marcher pieds nus sur un Lego traînant vicieusement par terre, se cogner la tête ou le coude sur une porte... Tout cela lui est bien trop familier.

Léo est un boulet.

Il ne peut pas s'empêcher de l'être. Peut-être est-ce dû à sa jeunesse ? À sa colonne vertébrale qui s'allongeait bien trop vite sous les effets des hormones ? Qu'il se sent parfois mou ou au contraire surexcité ?

En tout cas, ça explique probablement les morceaux de violon lamentablement éparpillés à ses pieds.

Un malencontreux geste a suffit pour jeter un joli paquet de fric par la fenêtre. Ou plutôt à éclater le joli paquet de fric en question par terre.

Médusé, Léo fixe la carcasse de son violon gisant devant lui.

Putain.

Il tient fort son archet dans sa main. Si fort que les jointures deviennent blanches.

Le violon s'est fracassé dans un bruit tonitruant. Les cordes ont juste eu le temps de lâcher une dernière trille dissonante avant de se casser. Les échardes hérissent maintenant les éclats de bois laqué jonchant le sol.

Léo reste interdit encore un instant, comme si le temps s'était suspendu.

Avant de hurler de rage.

Il entend des bruits de pas se précipiter vers lui. C'est sa mère.

Qui le regarde avec un air... assez indescriptible en fait. Peut-être une sorte de mélange bizarre entre de l'exaspération (vue la grimace déformant ses lèvres) et de l'amusement (vue la lueur facétieuse dansant dans ses prunelles).

"Léo, t'es sérieux ?!" pouffe-t-elle d'un coup.

Léo serre ses dents. Il les sent crisser entre elles.

"M'man c'est pas drôle !"

"C'est la deuxième fois en trois mois !"

Oui. C'est sûrement ça, le pire. Les violons semblent rencontrer un funeste destin avec lui.

"À ce rythme-là j'aurais créé tout un cimetière avant même de jouer "Au Clair de la Lune" !" se lamente Léo.

Sa mère s'avance, s'accroupit pour ramasser les restes du violon. Quelques notes mortes résonnent encore sous ses mains.

"Aller bon. Le prend pas comme ça."

Elle sait que Léo a toujours été pessimiste sur lui-même. L'entendre dire qu'il a du être maudit depuis sa naissance l'amuse toujours, tout en lui pinçant un peu le cœur.

"Ce violon était très fragile de toute façon. On en achètera un qui tient mieux."

"C'est ce que tu as dit, la première fois..."

Elle récupère les derniers éclats de bois et les pose sur la table à côté.

(inachevé)

Voici le texte d'Ivy :

LE DEPECEUR DE VIOLONS



J'ai pris la vie à l'envers
comme un cadran de Soleil
J'ai plu mes poils
fermé les yeux
Une vache à plaire
Un voile heureux

Mais je n'ai pu plus.

J'ai longé le chemin de fer
Barrière pour mes yeux nus
J'ai fermé la boutonnière
Et parié la fortune

J'ai lâché la Lune
Mangé des pleurs
Fui le temps
Suivi les meurs

J'ai couru longtemps

J'ai marché dans le noir
Reniflant mon halène
Je n'ai senti que moi
Et la pluie de cendres froides

Quand au fond de la caverne
Une lanterne accroupie
À l'éclair qui crépine
Dans un chaos de bruit.

C'est lui

Le dépeceur.

Une plume à son cou
une lame dans les yeux
De longs cils de Vie
Et un sourire en coin

J'avais oublié

Le sourire

Je le regardais longtemps
Son regard aiguisé
Ciseler mon visage

J'avais oublié

Sous le tas de ferraille
Pesant sur mon poitrail
Il y avait un fil.
Un fil qui chantait clair.

Je bougeais ma carcasse
Un tourbillon grognace
Et je m'étale au sol.
Enfin, à bout de forces.

J'ai encaissé les coups rage
Et j'ai armé mes dents
Si bien que maintenant
J'ai du plomb dans le ventre

Avale.

J'ai encaissé.

Carapace.

Il avait cette plume
Plume de paon, plume d'oie
A frôlé mon écorce
Qui s'est mise à pleurer

J'ai fondu sous le joug
D'une encre de voyelles
J'ai pluie comme une source
Qui chanterait Plurielle

J'ai entendu mon nom

Sous l'écorce de ma peau
Six cordes de métal
Un chevalet de bois
Une voulte de soie

J'ai l'Arche entre les mains.

Silence.

La carcasse est au sol
Je suis nue.
Juste six cordes et cet archet
Et j'ai peur.

Le silence.

Le noir.

Obscurité sclérosée qui peut tout, qui peut quoi ?

J'ai peur.

L'archet entre les doigts je caresse la touche.

Un chant de moineau
Une caresse d'hirondelle
Une voix de symbiose
Et la nuit devient rose

Le dépeceur se repose, pose sa clique, prend une pause.

Sort son trombone
Et souffle
Un vent de liberté qui sort les confinés transpose les ecchymoses abreuve les assoiffés Explose les pots cassés, assouplit les arthroses d'un monde trop abusé.

Cri de buse.

Et jusqu'aux frontières de la Nuit
plus de grincement d'armure,
Seulement une symphonie prière
Aux harmonies d'Amour.

Si vous ne connaissez pas Violonna, un petit village au bord de la mer, arrêtez tout ce que vous êtes entrain de faire et partez immédiatement à ça rencontre.

Vous avez certainement déjà entendu parler de la musique régénératrice qui guérit tous les maux, des notes sont qui font vibrer les cœurs, des airs qui font battre les cœurs.

C'est dans ce petit village que sont nés les violons au cœurs battant.
Posez une oreille sur un de ces instruments et vous entendrez leur cœur battre.

Je me suis demandé d'où venait toute la magie de ces violon.
Une voix grave et posée me répondit : « J'étais jeune, je passais toutes mes journées à jouer du violon et la nuit je rêvais de violon. J'ai progressivement commencé à fabriquer de ces instrument de musique. Très vite j'eu une quantité impressionnante de clients. Mes violons ravissaient les violonistes. Pourtant je savais qu'il manquait quelque chose. Mais quoi ?
Je me suis mis, alors, à les ouvrir... certain au marteau d'autre à la scie. J'ai ainsi réduit en sciure, tous les violons que j'avais jusqu’alors crée. Je m’effondrai par terre. J'ai pleuré. Je n'avais plus de violon, j'avais détruit des dizaines d'années de ma vie. Et aucune idée de se qu'il pouvait bien leur manquer.
Quand allongé dans l'herbe, mon regard, s'est posé sur un rouge gorge. Il sautillait gaiement, il se stoppa net en me voyant et son son cœur se mit à battre si fort, puis s'envola.

« Un cœur ! Merci petit rouge gorge, c'est un cœur mes chers violon qu'il vous faut.
Je me levai, me dirigeai vers mon atelier et me remis au travail.