Le Pare-tempêtes
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment :
Réassort du coffret Pokémon 151 ...
Voir le deal

Aller en bas
Leer
Leer
Messages : 171
Date d'inscription : 16/08/2018

Et un peu de vitriol ! Empty Et un peu de vitriol !

Sam 12 Sep 2020 - 21:44


Dernière édition par Leer le Jeu 21 Jan 2021 - 18:56, édité 1 fois
Malnir
Malnir
Messages : 84
Date d'inscription : 18/09/2018

Et un peu de vitriol ! Empty Re: Et un peu de vitriol !

Sam 12 Sep 2020 - 22:48
Parfois je traverse les quartiers ouest pour rendre visite à mon ami Curwen. C’est un alchimiste, et malgré sa profession et l’imaginaire que l’on peut s’en faire, il est jeune et propre sur lui. C’est ce genre d’hommes à ramener de jolies filles le soir, toujours différentes, et à boire jusque tard. On imagine souvent les alchimiste comme de vieux hommes barbus et rabougris, mais rien n’est moins vrai. Ils sont jeune aussi, comme nous.

La maison de mon ami est toute en longueur, étroite sur la rue, mais étendue vers l’intérieur, jusqu’à un jardin précédé d’une serre. J’aime beaucoup cette serre, avec son parquet de chêne fatigué au sol, la cire sombre, presque acajou, et le bois blanchis presque ivoire. Puis ces étranges plantes dans leurs bacs de terreau noir, l’ossature de fonte sombre et les vitres épaisses, à l’épaisseur irrégulière comme des lames de glace à moitié fondues. Au travers, le jardin et ses ombres vertes paraît déformé et mystérieux. Il y a, dans cette pièce, un long sofa de velours un peu passé, une table basse au plateau de verre. C’est là que Curwen séduit les jolies filles qu’il rencontre c’est aussi là que nous buvons un verre en refaisant le monde. Aujourd’hui, il est vêtu d’un pourpoint de cuir et d’une ample chemise à la mode un peu passée mais qui le font paraître canaille. En mots simples et gestes simples de vieux amis, il m’invite à rentrer et me sert un verre de crème de cassis. Nous trinquons dans le salon, là où la longue table cirée lui permet de tenir des banquets, ou de faire de longues recherches. C’est le cas aujourd’hui. Il s’empile sur la surface lisse des montagnes de parchemins, de volumes épais reliés de cuir ou de papier, des fascicules, une machine à écrire, des feuilles par centaines, des cornues, des tubes, des alambics, des béchers, des boites à pétri, des ampoules à décanter et milles autres instruments étincelants, rutilants, mats … une odeur citronnée flotte dans cette pièce comme une nappe d’huile, des ombres confuses roulent au plafond.

Il y a un tableau dans cette pièce, une peinture à l’huile d’un illustre inconnu, représentant un rat colossal vêtu d’une bure, fixant d’un œil noir le spectateur. Ce rat m’a toujours mis mal à l’aise, mais Curwen l’affectionne beaucoup.
« C’est le maître alchimiste, celui qui a chuchoté ses secrets aux premiers alchimistes humains. »
Il me l’a dis une fois, énigmatique, et je l’ai pris pour une plaisanterie, mais ça n’en était pas une. C’est en effet le mythe fondateur des alchimistes, qu’il soit vrai ou faux n’a aucune importance. Aujourd’hui, le tableau s’écaille, il laisse tomber de petites écailles colorées sur le vaisselier en dessous. Ça fait six ans que j’ai vu ce tableau pour la première fois, quand j’ai passé le seuil de la maison de Curwen pour la première fois. Je fais remarquer les miette à mon ami ;
« C’est normal, il est très ancien. Je pense le faire rénover, mais ça coûte cher et j’y suis finalement peu attaché. »
L’idée de voir ce tableau inquiétant disparaître bientôt me rassérène plus que je ne saurais dire. On discute de choses et d’autres, et il me propose de visiter à nouveau sa cave, mais je refuse. Une fois il m’y a emmené ; il y a une salle d’un château très ancien, qui a été enseveli avec le temps. Elle est plus vaste que le pâté de maison, peut être fait-elle la moitié du quartier. Des milliers de piliers fins et ciselés s’élèvent jusqu’à des arcs outrepassés de marbre blanc et noirs alternés. La lumière rougeâtre de lanternes de verre se reflètent dessus comme sur du givre, il fait frais, les ténèbres s’appesantissent après quelques mètres à peine. J’ai eu peur quand j’y suis allé, malgré la beauté et le mystère de ces salles. Car cette première salle n’est que la première, et des escaliers et des couloirs font descendre jusque très profond sous la terre, jusque dans des mines et des grottes. Curwen m’a dit que le maître alchimiste était le maître du château, je ne sais pas si c’est la vérité ou une plaisanterie. Mais l’idée que cette chose ait pu y être m’a glacé.

Alors nous plaisantons à la surface, il me raconte qu’une salle basse qu’il a découverte récemment possède une voûte sombre incrustée d’étoiles de quartz et d’argent, et une autre où des cuves de verre contiennent une humeur comme du formol, où flottent des masses organiques. Il se lève pour me montrer des photographies qu’il a prises mais je l’arrête. Inutile, je préfère n’avoir que des mots. Voir ces lieux magnifiques et terrifiants ne me tente pas. Il continue ; il y a un corridor d’obsidienne, et il est sûr que la table d’émeraude se trouve là dessous. Bien, je pense, et qu’elle y reste ! Je ne lui dis pas, pour ne pas le blesser. J’aime plus l’homme que l’alchimiste chez Curwen. Mais j’aime l’alchimiste plus que les autres alchimistes, et c’est déjà bien.
Silver Phoenix
Silver Phoenix
Messages : 134
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 26

Et un peu de vitriol ! Empty Re: Et un peu de vitriol !

Sam 12 Sep 2020 - 23:00
Un impossible vert flamboyait dans tous les sens.

Un vert exaltant, excitant !

Ses yeux de démons étaient tels deux billes de feu, alors qu'il contemplait son œuvre. Peut-être entre ses mains : un pouvoir inimaginable.

Sa gueule s'ouvrit en un sourire bestial, carnassier, mettant en valeur deux longs poignards d'os entre ses multiples crocs acérés. Il prit la fiole entre ses doigts crochus. Le liquide y brillait d'une couleur surnaturelle, pétillait, remuait sous ses gestes.

Mais il devait encore le tester, comme le ferait tout bon scientifique.  

Il réajusta fébrilement ses lunettes sur son museau, dégagea quelques babioles qui traînaient sur sa table en un mouvement, reposa précautionneusement la fiole. Il se permit juste un moment d'accalmie, se laissant simplement bercer par le bruit des bulles qui s'éclataient au-dessus du chaudron.

(inachevé)


Dernière édition par Silver Phoenix le Sam 12 Sep 2020 - 23:21, édité 1 fois
ziel
ziel
Messages : 23
Date d'inscription : 12/09/2020

Et un peu de vitriol ! Empty Re: Et un peu de vitriol !

Sam 12 Sep 2020 - 23:04
texte de ziel

le monstre alchimic y est parvenue ! d'un regard de feu il observe les simboles. enfin !
vizions funestes se mêlent à la vapeur. Absorbant la chaleur, elles croissent et prolifèrent. Leurs pieds d'argile s'enracinent et élancent d'un geste leur têtes embrumées.
Éclatant de rage, les fumées s'embrasent en des nuages cyclopéens.
Un géant au creux de sa montagne les regardent s'amonceler.
L'atmosphère s'alourdit, les nuages craquent, le flash apparaît, il fracasse, tonne, déchire. il s'élance de tout son long, météore en fusion.
Libérant sa chevelure, le géant bondit, bouche ouverte face à l'infini.
il a gobé la goutte, elle fait battre ses veines. Dans son œil unique, le temps n'existe pas, il voit.
ziel
ziel
Messages : 23
Date d'inscription : 12/09/2020

Et un peu de vitriol ! Empty Re: Et un peu de vitriol !

Sam 12 Sep 2020 - 23:08
texte d'uterc

182 tentatives d'envoûtement de sorcier jouit,
le changement s'offre à lui
il sera enfin roi, maître de soi.
exploitant les rats, l'éternité de la puissance il obtiendra.
de savoir toxique en échange, l'habitera.
sans se rendre compte, il se transforme en bête féroce,
un gigantesque rongeur aux yeux rougeoyant.
Leer
Leer
Messages : 171
Date d'inscription : 16/08/2018

Et un peu de vitriol ! Empty Re: Et un peu de vitriol !

Sam 12 Sep 2020 - 23:24
Les bruits les plus constants étaient celui de la flamme qui brûlait et de la potion qui chauffait. C'étaient aussi les mouvements les plus réguliers et les lumières principales dans cette pièce.

Engoncé sous trois épaisseurs de sweat shirts et t shirts crasseux, Morgan écrivait des étiquettes. Il était soigneux. Tout en lui disait la crasse et la négligence : ses cheveux, ses mains, son pantalon, ses grolles. Une sorte d'être ébouriffé et taché de bas en haut. Et au milieu des mèches, un visage. Un grand adolescent, presque jeune adulte, avec l'arrogance de quelqu'un qui a un statut inférieur à tous. Son attention projetée à l'extrême au bout de ses doigts, il saisissait sa plume, la trempait dans l'encrier, se penchait sur une pelure de parchemin et y griffonnait un mot ou deux. Il se penchait à chaque fois au moment d'écrire, et tournait imperceptiblement sa tête du côté droit, où il portait une sorte de lunette grossissante. Le son du parchemin emplissait la pièce par sa présence, puis l'emplissait par son absence. Comme une respiration. Puis recommençait.
Morgan écrivait, puis se redressait pour déplacer le morceau de parchemin vers sa droite. Il rapprochait un morceau vierge depuis son côté gauche, se penchait sur une fiole pour l'examiner, réajustant sa lunette de temps en temps. Ayant identifié le contenu, il saisissait la plume à nouveau, l'ajustait entre ses doigts, la trempait dans l'encrier...

On entendait également un tintement, venu de l'autre mur. Un rat de la taille d'un petit humain y déplaçait des alambics et plus de fioles. Il semblait possédé, mais il était seulement passionné. On voyait à son habit qu'il était Maître Sorcier, tombé en infortune visiblement. Rien de surprenant. Les lumières dansaient, leurs gestes aussi. Le Maître faisait varier parfois la chanson de la pièce. Il attrapait des pots en les faisant tinter, agiait leur contenu. Le griffonnement emplissait la chambre, le Maître s'agitait. Il ricanait. Le griffonnement s'arrêtait. Le bruissement des robes sur lesquelles s'imprimait la lumière. Une interruption. Il posait un pot sur la table. Le rythme était paisible, les bruits aussi. Le vieux Maître poursuivait ses expériences. Il s'exclamait, marmottait, laissait le silence s'étendre en trafiquant dans un bol. S'il avait été empressé, cela aurait donné le tournis : agitait, faisait tinter, bruissait, bruissait. Il agitait, baragouinait. Faisait tinter. Cependant que l'apprenti attrapait, faisait glisser, trempait, griffonnait, faisait glisser, inlassablement, tout concentré qu'il était. A ce moment, Maître Fumi n'était pas dans le réel, mais emporté au milieu de ses idées, il se déplaçait sous son propre crâne dans ce laboratoire.
De plus petits rats se promenaient un peu partout, des rats de taille normale. Maître Fumi en avait déposé deux sur la table. Leurs pattes tapotaient, leurs dents grignotaient au milieu des bruits placides, et les fils grésillaient quand ils les grignotaient.

[pas fini]
le spoual:
Pantouffe
Pantouffe
Messages : 833
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 28

Et un peu de vitriol ! Empty Re: Et un peu de vitriol !

Dim 13 Sep 2020 - 0:20
Maître rat dans son laboratoire, concevait l'odeur d'un succulent fromage. Le parangon des effluves fromagères, porteur pour la narine experte de toutes les subtiles nuances exquises de la fermentation.
On l'avait appelé Maître rat bien avant que la malédiction ne le couvre de poils et ne lui donne la gueule grise et puante d'un rongeur. Bien avant qu'il n'ait au bout des doigts ces griffes cliquetantes, et au fond des orbites ces yeux emplis de feu à l'aspect si terrible. Cela remontait au temps où il passait son temps le nez au fond des livres, à l'époque où il sortait encore à la lumière du jour. C'était bien avant la sinistre apparence dont l'avait affublé la mauvaises fée des bois... Quand la bibliothèque était alors pour lui une deuxième maison. En ces temps là, il était déjà connu de tous sous le titre peu flatteur qui décrivait maintenant si parfaitement les contours de son anatomie tordue par la magie. Car il passait alors ses journées à tousser dans la bibliothèque, les doigt tâchées d'encre et de poussière grises. Les pages voletaient entre ses mains comme des voiles cousus de hiéroglyphes. Il se se sentait vivre dans la lumière ambrée et dans l'odeur, vieille et chargée de particules, que dégageaient le cuir et le papier délicatement moisi. C'était une belle époque... Pleine de diversions de l'esprit pour le cœur. Pleines de mots étrangers qui, en s’amoncelant dans sa tête, détournaient les mots de sa gorge de leur destination pour les réorienter ailleurs, vers le cimetières des phrases. Là, dans le lit éternel des déclarations malavisées et malvenues.
Oui, en ce temps là, il pouvait encore passer son temps à la bibliothèque pour oublier Orange. Ses yeux de jais, sa bouche de jaspe rose, le dessin doux des traits de son visage crayeux. La barbe piquetée à ses joues et la longueur aride de ses mains indolentes. Sèches et coupantes comme le quartz, et lourdes à bouger, lentes à produire des gestes. Très pesantes, mais comme en suspension. Dansantes et fermes, délicatement soulevées, précautionneusement acheminée vers tout. Tout ce qu'elles touchaient, palpaient avec lenteur. Avec raideur ? Non, Maître rat n'aurait pas dit ainsi. Il aurait dit : avec prudence, avec dignité. Avec beaucoup de douceur contenue. Il aurait dit : ce sont des mains qui ont peur d'être maladroites. Alors elles sont crispées, quand bien même elles voudraient se complaire dans des caresses très longues, très émues, très sensuelles. Les mains d'Orange sont des mains qui se retiennent, mais elles sont passionnées, elles vibrent d'une ardeur contenue.

lumière comme de la résine, poussière en résidus d'argent emprisonnée suspendue dans les rayons



Fourrure puante battante sur les côtes loqueteuses. Ossature en dents de scie, déchirée par les vents. La bourrasque qui mord, dans les cachots du grand château... Les sous-terrains venteux où l'hiver court de murs en murs, murmure aux briques de s'effriter pour lui.
Un givre doux se cristallise sur les barreaux. Les poignées de porte sont habillées de dentelles- la peau des paumes reste accrochée comme un tissu de tulle. Chair en écume et frémissant partout. A la moindre des brises, un peu moins de substances.
Quelques poils gris voletant entre les murs.

Il sait qu'il est proche de trouver la formule. Elle tourne dans son crâne comme une rengaine, comme un serpent brillant. Une écaille luisante après l'autre raclant les parois de sa caboche pouilleuse ; chaque écaille comme une révélation qui s'éteint l'instant d'après pour laisser place à une nouvelle illumination.



Fléchissement acrobatique durable. Raclement dur sur la pierre, chair qui frissonne. L'angoisse du coup et de l'entaille, tympan tremblant déjà. Un doigt rugueux qui plonge dans le pot, remonte du pot. Étale de la pommade dans l'oreille croûteuse, blessée par le bruit, tous les bruits. Ça la cisaille, sauvages. Chaque parole qui résonne, chaque écho d'une musique. Comme un couteau lancé sur lui pour l'abattre ou le tuer.
Il voudrait être sourd, mais il a trouvé mieux : rendre le monde muet.
Avec la bonne potion, dans le bon cercle de symboles, avec la bonne liqueur et le bon chant alors... Il éteindra oui, toutes les bouches du château et de la ville autour. Il fera taire les pierres et rendra l'air imperméable aux vibrations phoniques. Il n'aura plus besoin de la pommade ou des grands caches oreilles à plusieurs épaisseurs. De leur velours et des pompons semblables à des compresses.
Avec la bonne formule, oui, ce sera le monde sa barrière étanche, l'air immobile sa pommade douce.



Ébullition verdâtre, distillat de brume maladive crachée au sein du verre. Un bouillon d'outre-monde, tournoyant au fin fond du ventre chaud de cuivre. Le feu siffle et la substance s'agite. Un cris dans le chaudron, tout au fond du ragoût. Borborygmes glaireux frémissant en surface dans une éclosion puis une crevaison ; nuées de bulles épaisses, bourbeuses, qui éclatent en symphonie cassée. Quand la sirène aura finit de cuire et de se liquéfier, quand la décoction sera fin prête, enfin...

Il aurait le visage des anges. La tendresse onctueuse de la chair alizée, les yeux de pluie de ceux qui vivent dans les nuages d'aurore. Si douces, ses lèvres ! Des lignes de satin. Et ses mains : deux roses entrouvertes avec un cœur de soie. De petits petons doux, comme des morceaux de sucre... Des cheveux entrelacées d'étoiles ! Blond roussoyant comme une lumière d'été en fin d'après-midi, quand le soleil se pose tout au fond des jardins.



Qu'est-ce que ça fait de se cacher ? Qu'est-ce que c'est d'être un rat ? Comment fait-on pour se débarrasser d'un costume quand on l'a enfilé ? Y a t'il une fin après la fin du jour ? Les siens sont interminables.
Le goutte à goutte dans l'alambic rythme ses pensées courtes. Les idées fusent dans son esprit, se perdent dans son crâne. Un dôme remplie d'échos, sillonnée de ténèbres. Parfois une étincelle, puis encore le néant. Si longtemps qu'il patiente.
Qu'avait dit la sorcière ? Combien d'années pour que la potion naisse de ce filtrage constant, répétitif, interminable ? Il voudrait s'en rappeler, mais seul le procédé demeure. La partition imposée à son corps, les gestes mécaniques pour créer l'élexir. Prendre la fiole et faire danser son contenu. Sens horaires, puis secouer. Touiller dans le chaudron, verser encore brûlant dans le serpent de verre. Attendre attendre attendre. Entretenir le feu, se nourrir d'épluchures jetées par la fenêtre. Bercer les souries qu'il faudra sacrifier- leur chanter des berceuses pour qu'elles soient douces, douces comme des bébés endormis contre un sein de velours, toute molles et relaxées comme des baudruches crevées. Jeter les douces dans le chaudron, cracher trois fois, plonger la grande cuillère au manche brulée, au bois spongieux. Attendre, attendre, attendre.

Tu tourneras au fond des fioles le distillat sacré
Tu poseras sur feu doux le chaudron argenté
Quand le temps tout de rouille l'aura enfin paré
De tes larmes sincères viendront la panacée.

Mais pourra t'il encore seulement pleurer ?



Le rat se lève dans l'aube douçâtre, forme grise effilochée que la lumière grignote. Dans ses os la vieille complainte s'élance, et elle s'exhale de lui en un soupir flétrit. La fatigue a hameçonné son corps depuis tant d'années qu'il peine à en bouger la mécanique grinçante. Muscles grippés accrochés au squelette, palpitant à peine à son appel, d'un faible battement ; chair de parchemin, craquante et prête à opérer sa métamorphose en cuir mort puis en poussière voletante s'il consent à donner son autorisation au vieux corps de lâcher. Il est plus proche de l'objet cassé que de la créature vivante désormais. Mais il ne peut pourtant pas se permettre un instant de faiblesse, et moins encore de céder aux avances de la mort. Il la refoule chaque matin au pied de son lit, quand ses yeux semblent refuser de s'ouvrir, que son dos paraît incapable de jouer son rôle de dos- et de tenir, droit ou voûté, peu lui importe, le flasque de sa chair et le râpeux de son poil. Il faut bien cette côlons vertébrale, même amollie par les ans comme le bâton de cire d'une chandelle mourante, pour servir de pivot à sa carcasse qui peine à garder forme. Peu importe à quel point il s'essaie à cajoler son corps usé jusqu'à la trame, ce dernier n'accepte que les promesses de mort. Aucun baume, aucun cataplasme, aucun repas chaud, aucun oreiller mou, aucun matelas profond, aucune couverture douce, aucune brise, aucune eau, aucun rayon de soleil ne parviennent à le réconforter. Sa chair est devenue sourde à toutes le persuasions : elle ne demande que la dissolution.
Chaque jour, il lui promet qu'elle arrivera bientôt. Qu'il ne lui faut tenir que quelques temps encore, rien que quelques temps de plus...

Quand il aura trouvé le remède, il pourra cesser de repousser la mort. Elle pourra venir se lover dans son lit, et le couvrir, et l'emporter... Mais après le remède, après la solution. Quand il aura rendu son fils à la raison.
Contenu sponsorisé

Et un peu de vitriol ! Empty Re: Et un peu de vitriol !

Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum