Le Pare-tempêtes
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment : -40%
-40% sur le Pack Gaming Mario PDP Manette filaire + ...
Voir le deal
29.99 €

Aller en bas
Pantouffe
Pantouffe
Messages : 833
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 28

“Ne pas répondre” Empty “Ne pas répondre”

Lun 18 Sep 2023 - 22:05
NE PAS FRAPPER, NE PAS ENTRER.
Silver Phoenix
Silver Phoenix
Messages : 134
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 26

“Ne pas répondre” Empty Re: “Ne pas répondre”

Lun 18 Sep 2023 - 23:15
Un, deux, trois, quatre.

Les minutes progressent indifféremment. Clic. Et puis re-clac. Encore.

Cinq. Un autre soupir languissant. Une autre larme, menaçante.

Six, sept. Ça devient insupportable. Ce silence, insoutenable.

Huit. J’en peux plus!...

Neuf. La larme tombe finalement. La goutte trouble, percutante. La montre deviendra blanchâtre. Les traces partent difficilement.

Dix.

Ses mots transpercent. Le cœur poignardé. De béantes blessures. Des phrases corrosives.

Et cette seule parade. Ne pas donner.

Ne pas répondre.
Leer
Leer
Messages : 171
Date d'inscription : 16/08/2018

“Ne pas répondre” Empty Re: “Ne pas répondre”

Lun 18 Sep 2023 - 23:17
Les mollets hérissés, à chaque pas la tong pendouille, se rétablit, écrase les feuilles tasse la terre molle. Les asticots, sous terre, s'éloignent des parois qui se rapprochent ainsi. Ils creusent plus loin, plus bas, plus loin.
Les radicelles poussent et s'insinuent partout avec la lenteur et la force de leur volonté. Emprisonnant des cailloux dans leur étreinte qui se solidifie. Les vers cheminent dans ce terrain. Des pattes de renard appuient et retournent l'humus dans leur course. Une branche morte, jusqu'alors retenue par ses compagnes, frappe le sol.
L'humain est bruyant. Il est calme en langue humaine. Mais il marche en propriétaire. Un panneau rouge qui déambule ostensiblement. Il admire les arbres et le ciel. Dans son bazar sonore de tissu qui se froisse, de tongs qui écrasent les feuilles, les remuent, claquent parfois, de son souffle dégagé. Détente d'humain. Son appareil sonne. Des ondes agressives, qu'il fait taire. Il se met en silencieux. Du moins c'est son opinion.
Il estime savourer le silence et regarder. Les dernières hirondelles virevoltent, pareilles à des cerf-volants effilés sur fond d'un ciel lucide. Les hirondelles sont loin et n'en ont cure de cet humain et de ses déambulations.

L'humain ne me voit pas. Les feuilles qui se décomposent sous les feuilles qui croquent. La terre boueuse, la terre meuble, les mille insectes, les racines et myceliums, la terre dure, les cailloux, les graines dormantes. La nature me voit. M'a enveloppé depuis longtemps. Je hurle.
L'humain n'entend pas.
Il est en silencieux.
avatar
SolalCendre
Messages : 20
Date d'inscription : 16/05/2021

“Ne pas répondre” Empty Re: “Ne pas répondre”

Lun 18 Sep 2023 - 23:23
Le proviseur, adossé contre son fauteuil en simili-cuir pivotant, derrière son grand bureau années-60, tapote nerveusement son stylo contre son genou. Les jambes croisées, le soupir aux lèvres, il regarde le jeune homme en face de lui d'un œil las. Celui-ci, écrasé par les lambris et le plafond trop haut, se tasse dans la chaise de bois qu'on a avancée pour lui – celle pour les punis, les invités ont droit à un fauteuil comme celui du proviseur, mais qui ne tourne pas – et compte les lattes du parquet. Une pendule dorée à volutes tique ses taques, et sonne mollement onze heures. Onze coups comme les onze coups qu'il a mis dans la tête de l'autre avant qu'on ne l'en sépare. Il les a comptés. En fait, il a eu le temps de les lui donner. Méticuleusement, simplement, en le tenant par le col. Onze coups dans la tempe gauche, donnés du poing droit. L'autre n'a rien pu faire que les recevoir, un après l'autre, assénés à un rythme soutenu sans être pressé, presque tranquille, et surtout, très régulier. Dès qu'il a pu, dès que l'autre a basculé à terre, Baruch l'a saisi au col, s'est assis sur sa poitrine de tout son poids et a commencé la frappe méthodique de sa face. Ce calme l'a étonné d'ailleurs, au moment-mêle où il le vivait. Il ne se serait jamais cru capable de ce détachement. Et quand ceux de ses camarades qui se sont rendus compte que l'autre n'arriverait pas à se dégager et que Baruch ne cesserait pas de le frapper, ont entrepris de le tirer en arrière, Baruch s'est laissé faire sans aucune résistance. L'autre ne s'est pas relevé et c'est ça, et seulement ça, qui a fait cesser les sifflets et les encouragements de l'amas de foule qui s'est assemblé autour de la rixe, ou plutôt de l'application sans ambages d'une forme de justice divine. Car c'est ce qui ne quitte pas les lèvres des lycéens qui ont assisté à la scène. Ce qui est arrivé à l'autre, n'est que justice. Et on n'a pas besoin d'en ajouter plus, un regard entendu suffit de savoir de quoi on parle. L'autre l'a cherché, l'autre l'a trouvée. La justice, dans sa froideur insigne, a traversé le corps de Baruch, s'est incarnée en lui, et a appliqué sa sentence.
Le tout n'a pas duré plus de deux minutes. Le temps pour les surveillants de se rendre compte de ce qui se passe et d'arriver, trop tard, pour disperser la foule et constater que l'autre ne se relève pas, que l'autre est même inconscient.
« Pourquoi tu as répondu ?
La voix du proviseur est une telle aberration dans le silence moite que Baruch, dont le cerveau et le corps procèdent à une occultation complète et méticuleuse de l'événement, est traversé soudainement par un retour de conscience et une vive vague de honte et de douleur. Elle passe aussi vite qu'elle est arrivée, et il retourne dans son mutisme et les lattes du plancher.
« Tu savais que ça terminerait comme ça, non ? Tu savais qu'il irait jusque là, alors pourquoi ? Pourquoi lui as-tu répondu ?
Baruch lève un peu les yeux, mais pas suffisamment pour croiser le regard du proviseur. Juste assez pour saisir l'expression du bas de son visage. Il y lit de la déception, du désarroi. Il les lit comme dans une langue étrangère, et sitôt lues, retourne aux lattes et au plaies de ses mains que la chaleur du soleil vient doucement brûler.
« Ça faisait des mois qu'on l'avait à l’œil, que la situation s'améliorait. On parlait aux parents, et ce n'est pas facile pour eux, ni pour nous, ce sont des gens qui ont du mal dans la vie, quand on arrive à leur parler, on goûte notre chance, bref, on a tout mis en place pour que ça aille dans le bon sens, et tu viens bousiller tout ce qu'on fait pour toi. Tu te rends compte ?
Le proviseur a appuyé sur le « toi », comme avec une lance pour tenter de percer la carapace dans laquelle Baruch s'enferme. Baruch sait très bien qu'il s'enferme, il le sent. De hauts murs l'entourent peu à peu, qui sont, soit translucides, soit opaques, à l'envi, il suffit de le décider. Là, ils sont grisâtres, Baruch voit un peu à travers. Il aime bien le proviseur. Il aime bien le son de sa voix et la forme de son visage, et c'est pour ça que les murs, à ce moment-là, ne sont pas tout à fait opaques. Il aime le son de sa voix mais le sens ne lui parvient plus. Baruch a passé une limite, il le sent, il le sait, et une joie tranquille l'emplit, entre ses murailles, qu'enfin cette limite a été franchie.
Soudain, l'entrejambe le démange. Il écarte le pan de son sweat-shirt, soulève le pli de son ventre et se gratte. Une odeur de sueur sucrée se dégage. Le proviseur se renverse dans son fauteuil. Baruch se concentre. Ça le démange partout à présent. Alors il se gratte. Cela arrive dans les plis de sa peau, les plis qu'il a mais que les autres n'ont pas. Ça fait des plaques, instantanément. Alors il gratte et les plaques grandissent. Soudain, il a faim, en même temps que sa peau le démange. Il garde toujours avec lui un paquet de biscuits nappés de chocolat, dans son sac. Un pour la récréation, et un pour les moments de fringale. Sans faire attention au proviseur qui le regarde d'un œil mi-dégoûté, mi-compatissant – et il sent ce regard sur lui, il le sens sans arrêt dans les yeux des autres, de tous ces autres qui n'ont pas tous ces plis sur eux, et ces plaques, et cette fringale, et c'est pourquoi il avance les yeux sur les graviers – il sort le paquet de biscuits et, un à un, les avale. Ce sont des biscuits qui rentrent tout à fait dans sa bouche, en entier. Il n'a pas besoin de les croquer pour les couper en deux. C'est satisfaisant, et là, Baruch a besoin d'être satisfait. Alors il mange, un gâteau après l'autre, consciencieusement. Sans presque les mâcher, mais sans les dévorer, il mange les gâteaux. La texture sablée l'étouffe un peu. Il fait chaud et il a soif, mais il n'y a rien à boire, et boire voudrait dire s'interrompre, mais l'urgence de la satisfaction est plus forte. Alors il continue de manger. Le chocolat, à force de trop peu de salive, lui brûle le palais mou et l'irrite. La saveur des huiles et du sucre le contente, le comble. En même temps que les miettes qui lui envahissent la gorge – il n'attend plus d'avoir avalé un gâteau avant de mettre l'autre dans sa bouche – ce sont les larmes qui l'étouffent.
Le téléphone sonne brièvement, le proviseur décroche presque tout de suite. Baruch ne l'entend pas, son nez, ses yeux, ses oreilles sont colmatées de pleurs. Le proviseur raccroche. Une sonnerie retentit dans la cour, un deux tons, aussitôt suivie d'un trois tons. La première, Baruch la reconnaît, c'est celle de l'ambulance, il en croise souvent sur la route pour aller au lycée. La deuxième, il n'a pas envie de se dire ce que c'est. Chaque chose en son temps.
La sonnerie dans la cour s'est arrêtée. Le proviseur se penche vers Baruch, qui mange toujours.
« Il est dans le coma. Gros traumatisme crânien.
Le proviseur souffle.
« Tu ne pouvais pas utiliser des mots au lieu de tes poings ? Merde.
Baruch a fini de manger. Au même moment, deux policiers en uniforme entrent dans le bureau. Baruch n'entend pas ce qu'ils disent. Il se lève et regarde cette fois le proviseur bien dans les yeux. Il fixe sa mâchoire bien dessinée, ses pommettes doucement saillantes et la forme de ses épaules, qui trahissent une fréquentation régulière de la salle de sport. En même temps qu'il le regarde, il passe la main sur sa joue à lui, gonflée de biscuits et de gras, sur sa nuque, si gonflée qu'il ne sent pas la rupture avec la base de son crâne. Il palpe ses bras, qui ne lui renvoient que la mollesse de leur gonflement. Finalement, alors que les policiers s'approchent de lui, il plante ses yeux dans ceux du proviseur et hoche la tête deux fois.
Pantouffe
Pantouffe
Messages : 833
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 28

“Ne pas répondre” Empty Re: “Ne pas répondre”

Lun 18 Sep 2023 - 23:23
Une pensée avariée collant au fond du crâne. Une moisissure oubliée dans un coin, gluant là l'os et la la matière grise, petit rien d'idée diffusant ses toxines. Délitée dans le flot sirupeux du temps, une molécule après l'autre, au point d'empoisonner peu à peu la rivière trompeusement claire de la conscience- chaque seconde potentiellement infectée donnant naissance à une minute de plus où l'obsession lui creusait dans la moelle. La pensée gisait au fond du lit de cette rivière qu'il avait cru connaître, dans la plus putride des vases ; au sein des profondeurs qui échapperaient toujours à son regard. C'était autant dans l'âme que dans le corps, un pourrissement subtil, inéluctable. Un mal rampant qui le gagnait sans qu'il puisse rien y faire, usant ses dents sur des crissements compulsifs, crispant les régions habituellement tendres de son abdomen, s'infiltrant dans ses songes.

Ni le cœur ni la raison n'avaient quoique ce soit d’intelligible à dire. Tout et son contraire au mieux, sur l'épineuse question, sans qu'il ne parvienne à comprendre ce qu'on l'enjoignait à faire. Pour ne rien arranger, sa mémoire détraquée jouait d'une musique désaccordée qui donnait aux souvenirs des colorations infiniment contradictoires.

C'était parfois un regard tendre qui lui mettait la marmelade au ventre, dans la lumière bleutée d'une chambre. Mais la lumière s'encrait, à l'occasion d'un doute, aux tourbes de l'angoisse ; trop d'ombres se glissaient dans ce regard aux profondeurs indéchiffrables, la lumière pesait lourd, et il n'était plus certain que ses entrailles se soient réellement liquéfiées de plaisir plutôt que de terreur.

C'était parfois être enveloppé dans une chaleur aimante, collisionner l'extase au sein d'une étreinte tout à la fois bestiale et douce. Mais il se pouvait que le corps ait été un poids violent écroulé sur le sien, que l'extase ait été traîtresse. Qu'il n'ait s'agit que d'une abdication, du résultat trompeur de la métamorphose de souffrance en plaisir.



(quelle surprise, c n’est pas finis.)
Malnir
Malnir
Messages : 84
Date d'inscription : 18/09/2018

“Ne pas répondre” Empty Re: “Ne pas répondre”

Lun 18 Sep 2023 - 23:25
Les horloge sonnèrent 18h. Aussitôt, dans les bureaux du Ministère, les fonctionnaire s’empressèrent d’abandonner, parfois en plein milieu, leurs taches, laissant feuillets sortis et livrets ouverts. Ils enfilaient, leurs manteaux, coiffaient leurs melons en gestes empressés. Partout, le travail s’arrêtait quasi instantanément. Surgissant par toutes les portes en flots ininterrompus, ils surgissaient, la démarche rapide, envahissant rapidement les artères alentour comme une brusque montée des eaux.

Il était temps de se reposer après des heures à se fatiguer les yeux sur les lignes interminables des registres, rapports, circulaires et décrets et l’immense masse documentaires qui gonflait chaque jour un peu plus tout en assurant le bon fonctionnement de l’État. Le ministre Gastev ne faisait pas exception, il s’était déjà levé, son imperméable à moitié enfilé quand le téléphone, qui trônait sur le bureau comme un minuscule éléphant d’ébène, sonna. Il se figea soudain. L’heure était passée. Personne ne travaillait plus. Personne ne pouvait l’appeler à ce poste à cette heure. Il s’approcha précautionneusement, comme on s’approcherait d’une bête enragée qui viendrait d’être abattue, comme s’il craignait que soudain le combiné bondisse et le morde. La sonnerie stridente continuait à retentir. Il hésita, regarda par la fenêtre. Déjà 18h02. Il se redressa et traversa le bureau à grandes enjambées, claqua la porte derrière lui et verrouilla à double tours. Il sortit à son tour. Les couloirs étaient déjà quasi déserts, comme il se devait.

Et si on l’avait aperçu sortir à une heure pareille ? Le vent d’automne soufflait fort dans les rues, emportant les feuilles jaunies des marronniers, et se transportait une délicate odeur de fruits. Une foule compacte se pressait à l’arrêt de tramway voisin. Il s’y fondit.
« Ministre Gastev ! Respect et ponctualité ! »
Au fonctionnaire qui le saluait, le ministre répondit d’un hochement de tête et d’un grommellement, tout en retirant ses lunettes pour les essuyer. Le reste des fonctionnaires firent chorus autour de lui :
« Respect et ponctualité Ministre Gastev ! »
Gastev rougit. Les cinq minutes qu’il avait mises pour sortir du ministère le mettait mal à l’aise, il eut soudain peur que tous autour de lui ne l’aient vu. Il songea au scandale. Sans doute se faisait-il des idées. Un journal froissé, poussé par le vent, vint se coller contre son pantalon, le tramway arriva enfin et il s’y engouffra avec les autres.

Il arriva bientôt chez lui, jeta un œil à sa montre. 18h32. Il le nota sur le tableau dans l’entrée ; de justesse, il était dans la tolérance. La moyenne était à 18h30, la médiane aussi. Il soupira de soulagement et partit dans la cuisine se servir un verre d’eau. Par la fenêtre, il voyait le soleil glisser doucement entre les immeubles crèmes, se refléter sur les toitures et les dômes d’ardoise. Une sonnerie stridente retentit dans le bureau. C’était le téléphone, le petit frère de celui du bureau. Il se saisit le combiné. De la friture.
« Respect et ponctualité Ministre. »
La voix était lointaine, hésitante.
« Respect et ponctualité. »
« J’ai voulu vous joindre à votre bureau, mais vous n’avez pas répondu. »
« Je ne rate aucun appel. Si je n’ai pas répondu, c’est que vous avez appelé hors des horaires de bureau. »
« 18h pile, ministre Gastev. Krrrrrr. »
Le grésillement s’intensifia, pour devenir quasi insupportable.
« Il faut krrrrr répondre, miniskrrrrre. »
« Je ne vous entends pas bien. »
« Il ne krrrrrr pas krrrrrrondre. »
Il y eut un bruit mouillé et saccadé de l’autre côté du téléphone. Un bruit métallique. Puis un son blanc, continu. Soudain un long bruit strident. Gastev raccrocha brusquement.
Il inspira profondément. Il commença à composer le numéro de la police politique.
« Respect et ponctualité Ministre, que puis-je faire pour vous ? »
« Un plaisantin s’amuse à m’appeler et à émettre des bruits incongrus. Téléphone du bureau vers 18h et à l’instant chez moi. »
« Je vérifie l’origine de l’appel, un instant. »
« J’attends. »

« L’appel vient de chez vous, à l’étage, Ministre. J’envoie une équipe. »
« Comment ? »
Un cliquetis.
« Ne raccrochez pas ministre, nous arrivons dans un inst... »
Une détonation.
« Ministre ? »
« Il ne fallait pas répondre. IL. NE. FALLAIT. PAS. »
Contenu sponsorisé

“Ne pas répondre” Empty Re: “Ne pas répondre”

Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum