Le Pare-tempêtes
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Messages : 171
Date d'inscription : 16/08/2018

C’est bien les rois, ça peut se placer partout. Empty C’est bien les rois, ça peut se placer partout.

Mer 24 Jan 2024 - 21:52
C’est bien les rois, ça peut se placer partout.
Silver Phoenix
Silver Phoenix
Messages : 134
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 26

C’est bien les rois, ça peut se placer partout. Empty Re: C’est bien les rois, ça peut se placer partout.

Mer 24 Jan 2024 - 22:59
Aux échecs, le Roi ne peut se déplacer que d’une seule case à la fois, dans toutes les directions.

Ennuyeux.

Roi Carmin, avachi sur son trône, son imposante tête négligemment appuyée sur sa main sertie de bagues, somnole. Sa gigantesque silhouette surplombe la cour et les sujets virevoltant dans tous les sens. Le bouffon fait jouer des marionnettes racontant des blagues salaces, habituellement les préférées du Roi Carmin, mais il n’a pas le cœur à rire. Il se fait vieux, rongé par les maladies, et surtout, abattu par l’impression de ne pas avoir accompli grand-chose en tant que monarque.

Toute sa vie n’a été qu’un vulgaire spectacle. Les conquêtes et les victoires sous son règne n’ont pas eu lieu grâce à lui. Il n’a pas été responsable des prises de décisions importantes pour la gloire de son royaume, ou pour la prospérité de son peuple. Son nom a été effacé au profit de son statut choisi de la main de Dieu, et il a profité de tous les privilèges qui lui ont été accordé en conséquence. La richesse, le pouvoir, de fastueux banquets, l’accès illimité à des actes plus tabous aussi… Mais il ne passera jamais la postérité. Que dira-t-il devant Dieu lorsque pour lui sonnera le glas ?

Un roi est utile lorsqu’il est manipulable. On peut se servir de son autorité absolu et irrévocable comme prétexte pour n’importe quoi, y compris les pires atrocités. Les meurtres dans sa propre famille, des querelles fratricides, des peuples entiers massacrés en son nom, des cœurs meurtris qui ne guériront jamais… Et lui, pathétique et naïf, qui a gardé le silence. Prêt à tomber dans l’oubli au profit d’autres personnes plus passionnantes de son époque. Il ne sera qu’un détail dans la fresque de son propre règne.

Il a fallu cependant, un soir où Mère Hiver a été particulièrement rude, qu’il prenne feu devant sa cheminée, et rende l’âme dans un pitoyable dernier soupir, après des jours d’une agonie sans fin. On l’appelle désormais, non sans sarcasme, « Roi Cramé ».


Dernière édition par Silver Phoenix le Mer 24 Jan 2024 - 23:51, édité 1 fois
Pantouffe
Pantouffe
Messages : 833
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 28

C’est bien les rois, ça peut se placer partout. Empty Re: C’est bien les rois, ça peut se placer partout.

Mer 24 Jan 2024 - 23:03
Nous nous sommes penchés sur l'humanité et nous avons pensé : il faudrait faire quelque chose de cette bande de branquignoles. Nous avons regardé en haut et avons vu les bienfaits de notre hiérarchie, alors nous avons convenu de leur donner quelqu'un pour les guider.

On a d'abord fait un roi un peu trop dur, en forme d'épine, aussi tendre qu'une trique. Il avait la noblesse pour sûr, c'était un roi guerrier, tout austère depuis les pieds remplis d'ampoules jusqu'au front barré de plis soucieux et de rides colériques. On l'a regardé faire, et il a fait : surtout la guerre, puis des lois strictes. Il a imposé aux terres souples, aux frontières fluides, des tracés rigoureusement définis à la force du poing- il a fait le pays à l'image de son corps. Bref, c'était un roi pratique, un roi fondateur. Il a posé des bases, c'est sûr, mais avec les autres on a pensé qu'on l'avait probablement moulé trop ferme, trop plein d'acier. Ce roi là a cassé à la première pichenette du destin, et son royaume a volé en éclat, tout au pareil en fait, car le souverain en était la mince, la trop rigide épine dorsale, fragile au final de ne pouvoir plier.

Nous avons alors tenté autre chose, un roi tissé avec du roseau et des colliers de fleurs. Celui-là était souple, un véritable gymnaste de la diplomatie, un virtuose de la caresse. Au départ nous avons apprécié la fluidité de sa danse, l'entremêlement tourbillonnant de ses engagements, la toile si délicate des relations basées sur des promesses, des alliances, des faveurs octroyées. Nous avons regardé notre roi de roseau vriller jusqu'à créer autour de lui un fabuleux vortex- et nous avons vu ce vortex l'anéantir lui ainsi que tout ce qu'il avait tenté de créer, quand ses loyautés dispersées sont entrées en collision, que le nœud des intrigues tissées dans les zones d'ombre et de vide laissées par sa parole trop vite accordée, ses dons sans cesse redistribués, ont finit par se défaire en révélant toutes les rancœurs qui grandissaient, à l’abri des regards. C'était bien moche, je peux vous l'assurer, de voir la farandole se muer en carnage. Mais nous avons laissé faire puisque le roi roseau trop plein d'inconsistances- guidant un jour à droite, un jour à gauche puis un autre en arrière, au seul motif de suivre les mandales du vent.

Pour le troisième essai nous avait fait un roi mou, plutôt pâte à biscuit, façonné avec de la matière, sans vide à l'intérieur.

(cépafini)
Malnir
Malnir
Messages : 84
Date d'inscription : 18/09/2018

C’est bien les rois, ça peut se placer partout. Empty Re: C’est bien les rois, ça peut se placer partout.

Mer 24 Jan 2024 - 23:06
« Excellence. »
L’ombre se découpe sur la parois blanche du mur. De légers éclats mordorés se reflètent au gré de ses lents déplacements.
« Nous y sommes. »
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Messages : 171
Date d'inscription : 16/08/2018

C’est bien les rois, ça peut se placer partout. Empty Re: C’est bien les rois, ça peut se placer partout.

Mer 24 Jan 2024 - 23:08
Les humains ne l'avaient jamais gratifiée d'un sourire qui ne soit crispé ou moqueur. Les humains ne l'avaient jamais nourrie que de mauvaise grâce. Les humains ne l'avaient jamais acceptée, en fait. Elle les dérangeait. Quelque chose dans ses ongles trop sales, dans son regard farouche ou sa carrure boîteuse disait qu'elle non plus, elle n'aimait pas trop les humains.
Dès qu'elle fut en âge, sa famille et elle furent tacitement satisfaits qu'elle quitte le foyer au plus tôt. Un beau jour, sans un mot d'avertissement, elle rassembla en un baluchon ses quelques vêtements, trois quignons de pain et sa flûte. Elle embrassa père et mère sur la joue, ébourriffa les cheveux de son petit frère, et sortit en fermant la porte. L'air de la maison sentait l'enfermement depuis quelques mois déjà. Ce jour-là, l'air sentait frais. Il sentait le départ.
Elle savait humer, cueillir et dépecer. Elle apprit à manger cru et à jeûner. Elle apprit à humer les villages comme on hume la forêt, repérant les groupes d'humains sauvages à éviter et les lieux où par pitié ou négligence on lui abandonnerait quelque grange où dormir ou un bon repas chaud. Elle oublia son nom, en inventa un à quelques étoiles à force de dormir avec elles, et se sentait reconnaissante de leur présence glacée. Après que ses pieds aient eu très mal, après encore que ses pieds ne sentissent plus rien du tout, encore plus tard, lorsque ses pieds furent devenus solides et bruns comme le sol qu'ils foulaient, elle eut accès aux arcanes des routes humaines et animales. C'est cet instinct qui l'aidait pour débusquer les sentiers que nul n'avait foulés récemment. Pour deviner où bifurquer afin de déboucher sur une grand-route qui filait vers certaine ville importante.

A son insu, on parla d'elle au coin des comptoirs : une âme étrangère, capable de sortir des ombres, obtenir une piécette et se volatiliser presqu'aussitôt. Bien entendu, chaque récit la peignait à la fantaisie de l'orateur : nymphe des bois séduisante au regard glacial, mendiante boîteuse à l'oeil torve, ce qui était certain, c'est qu'avant qu'elle soit apparue, l'air portait sur ses ailes une musique ténue. C'était cette musique... comment s'appelle-t-elle... Celle qui... celle de... dans un froncement de sourcils ou un coup de chopine asséné au comptoir, on admettait au final qu'on ne savait plus, en fait, comment sonnait cette musique.

Cette musique, pourtant, n'existait pas. Non, pas de cette manière. La vagabonde jouait sans cesse. Sa flûte était sa compagne, son amoureuse, son langage entre le monde et elle. Le pipeau obéissait au moindre souffle, au moindre geste, et chantait avec elle l'odeur de châtaignes qui flottait en cet instant. Elle reproduisait la chaleur d'un feu qui brûlait dans ses souvenirs. Ou encore mimait le dialogue des oiseaux. Ce n'était qu'un des nombreux malentendus et erreurs qui flottaient entre les humains et la vagabonde. Rien d'étonnant. Les humains vivaient dans un monde fait d'humains et de mots. Elle vivait dans un monde fait de routes et de traces.

Son monde faisait peur, parfois. La faim et la douleur étaient des ennemis cruels lorsqu'elles frappaient. Lorsque son corps s'embrasait et que la tête lui tournait, elle sentait que le dessin des routes formait un entrelacs impénétrable, infini, où elle était condamnée à se perdre et errer. Des visages humains se mêlaient au-dessus d'elle et agitaient leur réactions incompréhensibles les unes après les autres. Elle ressentait un tiraillement dans sa poitrine, la peur de mourir, la peur qu'on lui marche dessus sans qu'elle soit, finalement, rien d'autre qu'une motte de terre parmi les mottes de terres. Elle fermait alors les yeux de toutes ses forces et faisait le décompte de toutes les mélodies qu'elle avait su retenir. Ce décompte n'avait pas de fin, elle s'y poussait jusqu'aux retranchements, lorsque la migraine lui tirait des larmes brûlantes, lorsqu'elle se rappelait qu'il fallait respirer, lorsque les frissons et la terre humide lui semblaient finalement emplir tout son esprit dans une pantomime de sérénité.
Revenue au monde, elle happait le son du vent dans les arbres, elle l'ancrait dans ses oreilles avec entêtement et apprenait à l'imiter, puis s'envolait en variations. Un kilomètre. Elle remarquait comme chaque pas faisait chanter la neige différemment du précédent. Dix pas pour le remarquer, vingt pas pour l'écouter avec attention, peut-être cinquante pour apprendre à le jouer. Le froid, la faim, la fatigue étaient moins intéressants, banalités nécessaires, secondaires. Bruit familier de ses ongles qui grattent. Tapie à l'orée d'un village, en attendant le bon intervalle pour se glisser dans les ruelles, le fumet du pain plein les narines, elle faisait une provision de timbres modulés qu'elle tresserait plus tard en un ensemble éloquent. Voilà ce qui était sa vie, ses couleurs. Le toucher du bois sous ses doigts. Les mille histoires qui se racontent sans un mot. Un pas après l'autre, cent paysages et puis cent autres.
L'immuable, c'était la route. Le mouvant c'était les êtres et odeurs, les sensations, les sons.
L'éternel et le salut, c'était ce morceau de bois chantant dans sa ceinture.
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