Collégiens

Ce fut malheureusement la rentrée.

Gaël émergea de son sommeil lourd à cause du son strident et criard de son réveil. Il n'était que sept heures du matin, mais il avait l'impression d'avoir passé une journée entière, tant la fatigue lui pesait. Il venait de sortir d'une nuit agitée et sans rêve.

Il resta dans son lit quelques minutes de plus pour profiter de la chaleur de sa couverture le couvrant jusqu'au cou. Il désirait rester ici, enfermé dans sa chambre, écouter de la musique installé confortablement dans son lit. Cependant, il devait partir entamer sa troisième.

Gaël soupira. Il ne voulait vraiment pas retrouver l'ambiance du collège. L'immaturité de ses camarades l'agaçait constamment. Les professeurs s'étaient vraisemblablement lassés du comportement des collégiens vers la fin de sa quatrième, ils semblaient n'avoir plus rien à faire de leur métier. Pourvu qu'ils se soient resourcés. Pas que Gaël était spécialement impliqué en cours, mais le sérieux des professeurs participait à rendre l'ambiance de la classe meilleure.

Gaël lâcha un baillement. Il jugea avoir trop profité de la chaleur et du confort de ses draps. D'un seul geste, il redressa son torse, puis bougea ses jambes alourdies et endolories par la fatigue. Ses pieds se posèrent sur le sol en PVC. Il s'appuya dessus, et se mit enfin en station debout. Il sortit nonchalamment de sa chambre, traînant ses pas. Il traversa le couloir et descendit les escaliers pour aller vers la cuisine, faisant attention à ne pas réveiller son grand frère encore dans les bras de Morphée.

Le jeune garçon fouilla dans les placards, puis se servit un bol de céréales chocolatés avec une cuillère métallique. Il s'installa sur une chaise près de la table de la cuisine, et commença à manger. Le croquant des céréales était très plaisant à sentir entre les dents, révélant le goût du chocolat mélangé au blé. Gaël finit rapidement son bol. La faim ne tenaillait plus du tout son estomac.

Sa mère fit irruption dans la cuisine. Elle avait l'air radieuse.

« - Salut maman, dit Gaël, fatigué.
- Salut mon chéri, pas trop stressé pour la rentrée ?
- Non pas vraiment... Plus agacé que stressé.
- Tu ne vas pas en avoir marre alors que tu n'as même pas commencé ! S'exclama-t-elle.
- Ca va faire trois ans que je me trouve au collège, j'en avais marre dès la cinquième, avoua-t-il, le sourire léger aux lèvres.»

Gaël se frotta la tête avec sa main.

« - Je ne vais pas tarder à partir, j'ai cours à huit heures trente.
Tu as encore tout ton temps, tu sais ? dit sa mère en allant prendre du pain de mie. »

Le jeune garçon consulta l'heure sur son téléphone portable. Il était sept heures quarante cinq. Il devait partir vers huit heures quinze pour arriver à temps. Il étira ses membres, comme pour se préparer mentalement à rester en classe pendant deux heures. Heureusement que les cours ne commençaient véritablement que le lendemain, pensa-t-il.

Gaël se leva de sa chaise, puis se dirigea vers le réfrigérateur pour prendre une bouteille de jus d'orange. Il s'en servit un bon verre et le but avidement. Il se racla la gorge pour prendre la parole.

« J'espère ne pas encore tomber sur ce facho de Charles. On ne s'est jamais parlé, mais c'est un pourri-gâté et il dit plein de trucs racistes tout le temps pour se faire remarquer.»

Sa mère esquissa un sourire en entendant son jeune fils se plaindre.

« - En plus, j'ai l'impression que les profs étaient vraiment blasés l'année dernière.
Oh tu sais, ce sont des humains comme les autres, je comprends qu'enseigner à des classes de collégiens toute la journée puisse être fatigant. Ce n'est pas rare que je reçoive des professeurs d'école dans mon cabinet.»

La mère de Gaël était psychiatre, professant sous le nom de Docteur Cécilia Marchal.  

« Ca ne m'étonne pas du tout, lâcha presque tristement Gaël. »

Cécilia positionna les tranches de pain dans le grille-pain, puis actionna l'appareil électrique.

« - Cette année, c'est le brevet. Comment tu te sens à propos des examens ? Questionna Cécilia d'un ton plus sérieux.
Ca va, pour l'instant. Je m'en inquièterai probablement à la dernière minute. C'est l'ambiance de la classe qui me fait peur. »

Gaël craignait la rentrée chaque année. Il ne parlait pas beaucoup aux autres élèves, éprouvant des difficultés à véritablement s'intégrer. La plupart des garçons et des filles qu'il rencontrait lui semblaient banals et sans intérêt. Dans le meilleur des cas, ils étaient «gentils». Dans le pire, ils étaient insupportables. Notamment ce cher Charles. De plus, on se moquait souvent de sa taille, assez inférieure à la moyenne pour les garçons de son âge, ce qui le mettait dans une colère noire.

Une délicieuse odeur de pain grillé envahit la cuisine.

« - Ne t'inquiète pas Gaël. Si tu as le moindre problème, tu peux le dire à ton père et moi.
- Merci Maman... »

Gaël sortit de la cuisine d'un pas lancinant. Il se rendit à nouveau dans sa chambre, puis ouvrit les grands tiroirs de sa commode. Un simple jean noir et un T-shirt rock devraient faire l'affaire pour la rentrée. Pourquoi pas un T-shirt System Of A Down ? Ou alors Deftones ? Peut-être Disturbed, ou encore Motörhead...

Il opta finalement pour le T-shirt Motörhead. Rien de tel pour faire bonne impression qu'un monstre en métal avec des cornes autour de la gueule sur fond noir, se dit-il. Une fois habillé, il alla dans la salle de bain, se brossa les dents, et se mouilla le visage pour se réveiller totalement. Il consulta à nouveau son téléphone portable.

Huit heures deux.

Il avait encore un peu de temps.

Il repassa dans sa chambre récupérer son sac à dos gris clair, sa petite sacoche noire et son casque audio pour ensuite les déposer devant la porte d'entrée. Le garçon rejoignit sa mère, qui mangeait tranquillement des tartines beurrées, les yeux rivés sur son téléphone.

« Ca ne dure que deux heures, je ne devrais pas avoir le temps de m'ennuyer. » s'encouragea Gaël.

Cécilia regarda son fils, qui lui semblait légèrement stressé.

« Tu te sens un peu nerveux, non ? » s'enquit-elle.

Gaël massa sa nuque par réflexe.

« - Oui, un petit peu... » admit-il. « Ca fait plus de deux mois que je n'y suis pas retourné, et je vais sans doute rencontrer des nouveaux gens...
Bah écoute, si ça se trouve, tu vas trouver l'amour ! Répliqua Cécilia sur un ton taquin. »

Les joues de Gaël se mirent à rougir sous le coup de la gêne. Le petit rire de sa mère résonnait dans la pièce.

« Je vais te mettre en garde, cette année ne va pas être très facile. C'est un tournant dans ta vie, et tu seras plus stressé sur tes études à venir que le brevet en lui-même. Tu as la chance de déjà être sûr de ce que tu feras à ton âge. »

Gaël acquiesça en souriant. Il était heureux d'avoir trouvé sa voie depuis sa plus tendre enfance.

« - Tu t'es renseigné sur le parcours après le brevet ?
  - Oui, je suis bien parti pour faire un CAP. »

En effet, Gaël désirait devenir souffleur de verre, tel son grand-père maternel.

« Tu devrais partir, il est presque l'heure, lui indiqua Cécilia. »

(à suivre très vite)