Le Piège du Silence

Encore une journée.

Encore une journée d'angoisse à vomir mes tripes. Je n'en peux plus. Mais je le mérite. Je ne suis pas faite pour être aimée.

Les enfants sont les jouets d'adultes frustrés et colériques. Elle m'en veut, je crois. Sûrement parce que je suis différente. Mais pas dans le bon sens du terme...

Je suis ratée. Je ne vaux rien. Je ne sers à rien. À part être le bac à vomi de ma maîtresse. Ma mère me pose des questions, mais rien ne sort de mes lèvres. Ce corbeau a déchiré ma gorge et dévoré mes cordes vocales... Mais rien ne m'empêche de ressentir la douleur.

J'ai encore régurgité mon petit-déjeuner sur ma table. Je suis recouverte de suc gastrique et de nourriture digérée. Je l'avais pourtant prévenu avec de grands gestes... Je pense qu'elle l'a fait exprès. Cependant, je ne peux pas la détester, je n'ai pas le droit...

Ses rides, ses grosses lunettes rondes, ses courts cheveux châtain et secs, sa voix légèrement chevrotante, ses yeux noirs et perçants, ne quittent jamais mon esprit. J'ai peur. Mais je n'ai pas le droit. Je dois m'assurer d'être son jouet pour qu'elle se sente bien... Oui...

Je me hais. Mon corps refuse d'être un jouet. Il tremble, se secoue dans tous les sens. Elle me hurle de partir aux toilettes. Je m'exécute mécaniquement. Je retire mon pull, les vomissures à la commissure des lèvres. Ma tête me susurre que je suis un monstre. Je suis sale. Je sens mauvais. Mon âme est pourri...

Je me rends compte que ça fait une demie heure que je ne bouge pas, tête et dos courbés, les pieds joints sur le sol. Je ne veux pas voir le visage dégoûté des autres enfants. Il faut pourtant que je retourne en classe.

...

Je ne bouge pas.

…

Je ne peux pas bouger...

Je reste là, à ne rien faire, complètement tétanisée. Mes membres sont engourdis. Ils refusent de faire le moindre mouvement.

Je me hais.

Je me hais tellement...

(inachevé)

...