Le Pare-tempêtes
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Date d'inscription : 16/08/2018

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Sam 20 Juil 2019 - 0:33
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Messages : 171
Date d'inscription : 16/08/2018

CC N°33 Cinquante grammes Empty Re: CC N°33 Cinquante grammes

Sam 20 Juil 2019 - 0:34
Je l'ai pesé et cet avorton faisait que 50 grammes. Pas cinquante kilos, cinquante putain de grammes. Je l'ai balancé dans son armoire. Je lui ai dit de rester couché. Claqué la porte. Il m'énerve.
Qu'est-ce qui m'a pris de me retrouver avec cette bonne femme. Un bébé dans une fleur et puis quoi ? Un petit Poucet ! Et qu'il serait mignon, encore ! Et gentil, et poli ! Et puis quoi ! Encore qu'il faudrait le nourrir, et le féliciter pour ses derniers cinq centimètres, qu'il devient grand ! Ah ! Qu'il devient grand ! J'aimerais bien voir ! Tssk. Voudrait-il apprendre la couture, et s'occuper des oies, et faire je ne sais quelles conneries de son temps, il faut s'adapter à monsieur, « parce qu'il est si mignon » ! Et qu'il faudrait être tolérant, mais oui, madame ! Tolérant !!
Rien que d'y penser...
Ah, tiens je l'aurai bien mérité ! A courir la fille Dulaurier, j'aurais dû me douter qu'y avait anguille sous roche ! Un gamin dans une fleur, non mais sans rire... Un gamin dans une fleur, Renée, vraiment... Les gitans font de ces trucs de nos jours, l'aurait mieux fait de rester infertile, pauvre vieille. Et heureuse avec ça ma Renée, avec son gosse de rien. Purée, dans quoi je me suis fourré. Pas à nonante balais que j'vais me tirer d'affaire... Mais vraiment...
Cinquante grammes, nom de dieu...
Malnir
Malnir
Messages : 85
Date d'inscription : 18/09/2018

CC N°33 Cinquante grammes Empty Re: CC N°33 Cinquante grammes

Sam 20 Juil 2019 - 0:36
Oncle Jean vivait au fin fond de la campagne, entre deux bosquets de pins, niché dans le creux d’un vallon encaissé. Là, les crépuscules prenaient une teinte particulière, chatoyante, l’air chaud se gonflait de brouillard qui envahissaient les pentes, s’élevaient au dessus des tapis d’aiguilles rousses tombées au sol, des parfums de résine et de musc remontaient, un peu étouffants et les insectes bruissaient. Et ainsi le soir tombait. C’était d’eux plus que de mon oncle dont je me souvenais. Lui, il se perdait dans ce brouillard gris-rouille, ombre de plus en plus floue et insaisissable reculant dans les tréfonds de ma mémoire. Il était confusément absorbé par sa petite maison en moellon et en lambris de pins aux odeurs capiteuses, celles du bon bois sec et vieux, mêlé à son essence profonde, à ses clairs obscurs de vieille demeure archaïque.

Je ne me rappelais pas vraiment ce qu’il faisait, de quelle façon précise il se rattachait à notre famille. Ni mon père ni ma mère ne l’ont jamais désigné comme leur frère, et pourtant c’était Oncle Jean. Nous lui rendions visite l’été, quand l’école était finie. Il avait chez lui un nombre conséquent d’outils rouillés, d’armes à feu inutilisables. Derrière la maison, dans le fond du vallon, il y avait un tas de débris de machines agricoles en décomposition, aux carrosseries broyées. J’imaginais des histoires de géants tombés dans des batailles titanesques. Mais non, rien ne m’a jamais permis de savoir à quoi Oncle Jean occupait ses journées quand moi et mes sœurs venions le voir. C’était une ombre silencieuse dans notre dos, presque une simple présence. On s’y habituait. Nous ne l’avons plus revu après nos dix ans.

Pourtant, après quelques trente ans sans nouvelles, j’ai reçu une lettre jaunie, qui aurait pu avoir cinquante ans tant l’enveloppe était craquelée, le timbre jauni, l’encre noire traçant des caractères anguleux. Elle était de mon oncle, et dedans, une simple clef et quelques mots : « Chez moi ». J’avais pensé qu’elle ouvrirait la porte de la maison au fond du vallon, mais quelques semaines plus tard, après plusieurs centaines de kilomètres parcourus dans ma vieille voiture brinquebalante, plusieurs lacets en épingle à cheveux dans les montagnes, j’arrivais devant chez lui, et y trouvait la demeure en ruine. Plus de toits, plus guère de mur, tout au plus les fondations. Le sol nu était une étendue brune et molle autour des lieux ou le silence régnait.

J’étais monté lentement jusqu’à la porte dont ne restait que le bas de l’encadrement. En fait, cette maison était minuscule. Comment avions nous pu passer plusieurs semaines ensemble là ? Dans la salle principale, le sol était recouvert d’aiguilles de pin en épais tapis. Au milieu se trouvait un trou dans le plancher, et qui béait sur le vide dessous. Le sol était là, un mètre plus bas à peine. J’y entrait, légèrement dégoûté par les toiles gluantes des araignées qui y avaient établi domicile. Il s’y trouvait des dizaines de petites boites de bois, toutes fermées par des serrures. Toutes étaient légères, pas même un kilogramme. Sans doute bien moins. J’introduisais ma clef dans l’une de ce serrures, elle tournait sans effort. Dedans, les parois matelassées abritaient... une sorte d’œuf ou de graine, blanc sale moucheté, tiède. Je ressortais vite avec ma trouvaille. Le soleil était bas, le crépuscule embaumait déjà de ses senteurs lourdes et chaudes, le sol vibrait confusément. Je voulais rentrer. Et je sentais aussi que ça n’arriverait pas tout de suite. Oncle était là, quelque part, plus brumeux et vide que jamais.
Pantouffe
Pantouffe
Messages : 833
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 28

CC N°33 Cinquante grammes Empty Re: CC N°33 Cinquante grammes

Sam 20 Juil 2019 - 0:39
Cinquante grammes de poivre droit dans la narine gauche. Ça tousse à toutes berzingue, ça envoie du mucus, pluie de comètes radioactives, façon déluge divin : après les sauterelles, un crépuscule morveux. C'est plutôt beau sous l’œil, cela dit. De très jolies nuances de vert, comme celles des aurores boréales ou des verdures trempées qui semblent se dissoudre, et mêlées à du liquide translucide -du jus de corps, de nez en fait- qui pourrait presque être fait de ces matières limpides qui tissent des pans du ciel. Le corps humain peut produire des merveilles n'est-ce pas ? On pourrait peindre des fresques venustes avec des pelletés de merde. Avec l'émail et l'os, faire de petites sculptures, très mignonnes, très champêtres, à poser sur des étagères, ou dessus les cheminées. Ça ferait quelque chose, comme, des trésors de famille. Je serais sensible à ce genre d'art, je pense. J'en prends conscience maintenant, grâce à ces cinquante grammes de poivre.
Cinquante grammes de vengeance, en fait. Cinquante grammes, c'est le poids du châtiment mesquin. C'est ma manière de punir les langues quand elles sont trop déliées, les corps quand ils prennent trop leur aise. Il y a des mots qu'on ne peut pas faire ravaler aux gens, il y a des actes qui se refusent à la possibilité d'être pardonnés- ils sont là, infamants, au-delà de l'excuse. Et c'est pourquoi il y a les sachets de poivre.
Cinquante grammes de justice à envoyer aux visages de ceux qui ont cru pouvoir agir et parler en tout impunité. Un jour, ça pourrait même s'avérer être utile pour me sortir d'une quelconque agression- moi même ou quelque d'autre. Sans biceps, il reste toujours l'art sinueux du bâtard, avec ses sourires en couperets, ses mots en épingles et ses techniques secrètes héritées d'une vie à être faible. Mais c'est toujours utile de voir le monde d'en bas, d'à côté, d'à l'extérieur de la grande bulle de la communauté. Ça vous incite à porter des petits sachets de poivre.
Un jour, j'en ferais mes quelques cinquante grammes de citoyenneté.

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Cinquante grammes de tarot passés à la moulinette. Les cartes racontaient de la merde, alors des confettis. Elles prophétisaient une sorte de bonheur bancale à travers les obstacles, elles donnaient de l'espoir entre deux gros jets de pierre, et c'était pas très propre, alors j'ai mouliné le destin imprimé sur les cartes et j'en ais fais de l'agrément de salades. Littéralement. Je mange le destin avec une vinaigrette dont je tiens la recette de ma très chère mamie.
C'est pâteux sous la dent. L'avenir a un sale goût, mais je suis pas surpris.
Silver Phoenix
Silver Phoenix
Messages : 136
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 26

CC N°33 Cinquante grammes Empty Re: CC N°33 Cinquante grammes

Sam 20 Juil 2019 - 0:52
(Avant de commencer, j'ai repris le personnage du CC "Échelle de Nuages". Le style d'écriture du texte n'est pas définitif du tout.)

Cela faisait plus d'un an et demi que les parents d'Aaron avaient été arrêtés par les policiers puis écroués. Que son petit monde de collégien normal s'était effondré comme un vulgaire château de cartes pour porter celui de la honte de ses propres gènes. Qu'il se sentait constamment mal dans sa peau, endeuillé par les petites filles qu'il n'avait pourtant jamais connues.

Jamais Aaron ne s'était senti aussi perturbé par le simple fait d'exister.

Tout ça le paralysait de terreur. Il était le fils de deux monstres inhumains mûs par des pulsions sauvages et barbares. Il s'en voulait presque de ne pas avoir été tué par eux à la place des victimes, mais à quoi bon ? Il avait certes le sentiment que souhaiter être tué par ses parents était insensé, mais il avait aussi celui d'avoir été complice malgré lui de leurs crimes irréparables. En préférant se cloîtrer le plus clair de son temps dans sa chambre, à ne rien faire d'utile, au lieu de faire l'effort de vraiment les connaître et les dénoncer.

Aaron s'était affalé sur le canapé, à contempler la barrette de cannabis serrée entre ses doigts. La cinquième barrette qu'il s'était procurée depuis qu'il s'était sérieusement mis à en consommer. Il était vrai qu'il en fumait déjà avant cette sordide histoire, occasionnellement et avec d'autres collégiens, mais c'était juste pour s'amuser. Le cannabis était pour lui sa seule bouffée d'air frais désormais, alors que n'importe quoi d'autre semblait l'étouffer.

(inachevé)





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