Le Pare-tempêtes
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7 février 2020 Empty 7 février 2020

Ven 7 Fév 2020 - 21:20
Allons-y !
Silver Phoenix
Silver Phoenix
Messages : 134
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 26

7 février 2020 Empty Re: 7 février 2020

Ven 7 Fév 2020 - 22:23
Le visage de Monsieur Duchêne apparut dans l'écran. La qualité de l'image n'était pas très bonne.

"Bonjour Monsieur." salua Aaron, le sourire crispé.

Mais le son, au moins, était correct. C'était le principal. Bien que sa voix était enrouée, abîmée par de l'émotion — et des kilomètres de joints.

"Bonjour, Aaron."

Le sourire du psychologue était bien plus naturel. Plus enthousiaste.

Malgré déjà trois séances, Aaron n'était pas encore franchement à l'aise avec les salutations. Mais bon, s'il pouvait vider son sac... Si cela lui permettait de se sentir mieux...

"Je vous en prie, mettez-vous à l'aise."

Sa voix était calme. Posée.

Aaron se cala sur sa chaise rembourrée, dans une tentative de trouver une position plus relaxante. En vain. Rien à faire, son corps était toujours tendu. Ses muscles vrillaient presque sous sa peau sèche, écrasant sa poitrine, ses tripes.

"Dites-moi comment vous sentez-vous depuis la dernière fois."

Aaron se gratta nerveusement le nez du bout du pouce.

"Pas vraiment mieux."

Un petit souffle trouble s'échappa de ses narines évasées.

"Je n'arrête pas de me haïr."

Le psychologue prit un air sérieux derrière ses fines lunettes.

"Je pense encore à..." s'étrangla Aaron.

Onze ans après. C'était encore si douloureux. Les souvenirs qui planaient en permanence en une lourde brume devinrent brûlants, vifs, se déroulant dans sa tête à une vitesse hallucinante.

"... A tout ça."

Se calmer. Il devait se calmer.

"Mais je sais que... que..."

Une inspiration. Comme s'il fumait un joint.

"... ce n'est pas de ma faute."

Ses mains calleuses serrèrent ses genoux. Ses jambes étaient en coton.

"J'ai toujours cette honte, mais... 'Fin c'est pas "moins fort", c'est juste..."

C'était toujours difficile de trouver ses mots pour décrire des choses qui avaient l'air si évidentes.

"... différent ?" conclut Aaron après quelques secondes.

Une expression pensive s'afficha sur le visage de Monsieur Duchêne.

"Continuez." dit-il avec douceur.

Aaron baissa ses yeux. Soutenir des regards était si dur...

Les mots s'emmêlaient, formant un noeud dans sa gorge.

D'ailleurs, cela faisait combien de temps qu'il ne s'était pas roulé un joint ? Un moment, déjà.

Les secondes s'écoulaient lentement pour Aaron, comme de la poix bien noire dans un clepsydre.

"Prenez votre temps. Il n'y a aucun souci, Aaron." rassura tranquillement Monsieur Duchêne.

Aaron culpabilisa quand même. Mais pour quelle chose il ne culpabilisait pas, de toute façon ?

Il avait l'impression d'écarteler ses propres côtes et de presser son cœur dans sa main.

Non.

Aaron secoua sa tête avec une vivacité qui le surprit. Son cerveau lui semblait cogner contre son crâne, mais c'était toujours mieux que de le sentir saturé de souvenirs lancinants.

"Je..."

Respire. Un bon coup.

"... ne sais..."

Que veux-tu dire, Aaron ?

"Je n'sais plus où j'en suis !"

Il connaissait tellement cette honte. Elle avait fini par se mélanger à ses gènes monstrueux. Enfin... "monstrueux" était-il le mot ? Il ne savait pas.

Mais il savait, par le peu de rationalité que son cerveau défoncé par la drogue lui accordait, que ce mécanisme qui s'était mis en place depuis des années commençait à défaillir.

C'était terrifiant.

"Je... mes... p-parents..."

Parents.

Ce mot lui semblait... acide.

"Je les hais..." cracha Aaron.

Monsieur Duchêne semblait gribouiller des notes. Aaron s'accrocha désespérément au son un peu saturé du stylo noircissant la feuille. Cela devrait éviter que ses émotions résonnent trop fort sous son crâne...

Le psychologue releva légèrement la tête pour le regarder.

"Vous m'avez raconté lors de notre dernier entretien que vous ne voulez plus les considérer comme vos parents. Comment vous sentez-vous par rapport à cette décision ?"

La gorge d'Aaron se resserra.

"Je... J-J'ai beau dire que..."

Une petite toux pour se racler la gorge.

Un soupir.

"Vous savez... peu de personnes savent que... mes parents sont des tueurs en série..."

Le psychologue acquiesça avec un murmure d'approbation.

"Surtout que je reste cloîtré chez moi... presque tout le temps."

D'autres bruits de griffonnements s'envolèrent vers ses oreilles. Au plus grand soulagement du jeune homme.

"Je parle parfois sur Internet... et pendant une conversation banale, on... on avait parlé de nos parents..."

Le regard d'Aaron se détourna de l'écran.

"Un des membres du forum... il avait raconté une histoire à propos de son père... puis après d'autres histoires, on m'avait demandé une anecdote sur mes parents..."

Son estomac fit soudain un bond contre son cœur.

"J'ai dit qu'ils étaient morts..."

Étonnamment, ces mots ne désarçonnaient pas Monsieur Duchêne. Il continuait simplement de prendre des notes. Avec grande rapidité, remarqua Aaron.

Ce détail le déconcerta plus qu'il ne le pensait. En tout cas, bien plus que cette phrase, qu'il avait pourtant lâchée comme une bombe, ne déconcertait Monsieur Duchêne.

"Je... Je ne voulais pas qu'ils sachent... C'est... Je suis un menteur..."

Tout à coup, ce bruit presque apaisant du stylo marquant la feuille s'arrêta.

"Et vous pensez que ne plus les considérer comme vos parents serait un mensonge ?"

Les yeux d'Aaron s'humectèrent de larmes. Elles brûlaient comme de l'acide.

"Oui..."

Ses ongles griffèrent son vieux t-shirt.

"Je... Je me suis senti... Comme si j'avais..."

Respire encore, Aaron.

"F-Fui mes responsabilités..."

Sa voix se brouillait comme si elle se gorgeait d'eau.

"Comme si c'était moi qui... qui d-devait porter tout ça..."

Il allait craquer. Putain, il sentait qu'il allait craquer.

"Je... J'veux plus ressentir ça !... C'est pas de ma faute, tout ça !"

Il s'agrippa si fort au tissu qu'il pensait pouvoir l'arracher à mains nues.

"Alors pourquoi... pourquoi je me sens toujours... comme ça, quoi ?! Pourquoi je m'sens toujours aussi mal alors que je n'ai pas d'raison de l'être ?!"

Là, vraiment, c'en était trop. Aaron plaqua ses mains contre son visage écarlate, creusé par la fatigue. Sa poitrine était secouée de soubresauts semblables à des séismes dévastateurs. Son cœur se cognait frénétiquement contre ses côtes. Sa gorge s'obstrua, l'air manquait, se contractait dans ses poumons. Ses émotions étaient intenses, extrêmes, le malmenaient, l'étourdissaient.

Plus Aaron pensait qu'il n'avait pas de raison de souffrir, plus il souffrait.

Il percevait distraitement ces mêmes bruits de stylo, mais cela ne suffisait plus du tout pour le calmer. Il laissa simplement ses larmes couler, comme si elles liquéfiaient sa douleur pour purger son esprit.

Il n'était pas du genre à pleurer, pourtant...

"C'est une bonne chose que vous vous libérez, Aaron. Vous étiez beaucoup plus réservé lors des précédentes séances."

La voix humide d'Aaron se craquait, éraflait son palais, écorchait sa trachée. Il avait chaud, il tremblait. Une force irrépressible l'obligea à courber son échine. Dans ce maelström d'émotions, il ne put s'empêcher de se sentir très embarrassé de se laisser aller comme cela.

"Vous pouvez pleurer aussi longtemps que vous en avez besoin. Vous avez tant accumulé pendant des années, vous avez besoin de vous libérer de tout cela."

(inachevé)


Dernière édition par Silver Phoenix le Dim 19 Avr 2020 - 1:52, édité 1 fois
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Date d'inscription : 16/08/2018

7 février 2020 Empty Re: 7 février 2020

Ven 7 Fév 2020 - 22:42
L'herbe verte jusqu'à l'horizon
S'étend
Le soleil, si haut dans le ciel
Descend
La Terre tourne, les grillons chantent
Les herbes bougent : c'est un chat
Qui chasse la musaraigne
Les insectes esquivent en hâte
Ses pattes
Ce spectacle s'étire
Accompagné de chants d'oiseaux

L'herbe rousse jusqu'à l'horizon
S'étend
Le soleil, brumeux de sommeil
Descend
La Terre tourne, une feuille tombe
La branche frémit, l'oiseau aussi.
Sur le sol, un pas craque et pèse
C'est le peintre qui vient
Croquer le paysage
La brise va, le spectacle s'étire
La lumière se renvoie sur le gros tronc de l'arbre.

La neige blanche jusqu'à l'horizon
Attend
Le soleil, depuis plusieurs heures
Dormant
La Terre tourne, les étoiles scintillent
Un lapin s'aventure
Et vient gratter la terre
Près du grand arbre il mange, alerte au moindre bruit
S'étire le spectacle,
Bruit la neige froissée
Qui restera tracée

L'herbe pâle jusqu'à l'horizon
S'étend
Le soleil entame son réveil
Fièrement
La Terre tourne, le ciel rosit
Des rayons le transpercent
L'arbre se réchauffe, et le givre
Ne sait s'il veut rester
Un insecte s'élance
Se pose sur le tronc
De petites bêtes sortent
Se dirigent et se pressent
Le spectacle s'étire
Incessamment
Contenu sponsorisé

7 février 2020 Empty Re: 7 février 2020

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