Le Pare-tempêtes
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Leer
Leer
Messages : 171
Date d'inscription : 16/08/2018

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Lun 25 Sep 2023 - 21:16


Dernière édition par Leer le Lun 25 Sep 2023 - 23:06, édité 1 fois
Silver Phoenix
Silver Phoenix
Messages : 134
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 26

Thème image : robe blanche Empty Re: Thème image : robe blanche

Lun 25 Sep 2023 - 22:12
Le spectacle est terminé.

Ses membres sont gourds, lâches. Les fils ne les retiennent plus. Enfin…

Le masque, si gracieusement orné, est tombé à ses pieds désormais nus. Suspendu depuis si longtemps au bout de ses lèvres, il n’est plus qu’un visage inanimé, le sourire mort et les fausses larmes ternes. La cacophonie de louanges qui martelait ses tympans s’est évanouie dans la brume de son esprit.

Elle s’est délestée de ses habits d’apparat, ne laissant que sa robe. Blanche, simple, pure comme la neige. Ne me regardez plus. Le tissu est doux, elle pourrait le caresser des heures durant d’un air absent, à l’abri de ce monde aussi bruyant. Dans sa tête, le silence y règne, même sur son souffle et les battements mécaniques de son cœur.

Le rideau de ses paupières ferme ses yeux vitreux. Les traits fins, délicatement galbés, se relâchent. Les boucles de ses cheveux la protègent de la faible lumière du crépuscule.

La mascarade a pris fin, la marionnette a tiré sa révérence.
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SolalCendre
Messages : 20
Date d'inscription : 16/05/2021

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Lun 25 Sep 2023 - 22:14
Natalia Stepanovna était debout sur le tabouret et regardait les voitures à porteurs passer dans l'avenue, à travers les vitres sales de l'atelier du tailleur. Elle ne les voyait pas, à vrai dire, tant ses yeux étaient embués de larmes. Le soleil était à son crépuscule. Ses rayons faisaient danser les grains de poussière. Un tramway passant dessina son ombre sur les murs et rompit le silence recueilli de l'atelier d'un coup de sonnette tintante. Le cœur de Natalia se serra de joie à cette ombre fugitive, à ce soleil obturé momentanément, et, alors que son esprit, d'ordinaire volontiers porté à la mélancolie, s'était perdu dans quelque image jetée sur le plancher par les derniers feux du soleil, happé qu'il avait été par cette farandole de lignes l'aveuglait un instant de luminescences et d'éclats, Natalia Stepanovna partit d'un rire aigu et piétina sur le tabouret.
« Mademoiselle Gregorovitch, ne bougez pas, je vous prie, dit calmement le tailleur d'une petite voix nasillarde. Je risque de vous piquer avec mes épingles.
La mère de Natalia s'était assise dans une chaise de bois au pied de sa fille. L'accès de joie de sa fille, qui était une effusion si rare pour cette enfant si taciturne et si effacée, lui fit sursauter le cœur. Elle la regarda du bas en haut, de ses adorables petits pieds qui ne tenaient que difficilement en place dans leurs petites chaussures plates élimées ; de ses mains qui se tenaient l'une l'autre pour ne pas lâcher, l'une comme l'autre, l'intense réalité qu'elles étaient en train de traverser ; de ses épaules si remontées près de ses oreilles que le tailleur lui rappelait régulièrement de les baisser afin qu'il ne ratât pas son ourlet. Natalia frémissait d'excitation et sa mère en sentit un frisson la parcourir.
« J'ai presque fini, madame, dit le tailleur en se redressant et en examinant attentivement la robe dont les plis tombaient en plis joyeux sur la taille de Natalia. Puis-je me permettre, continua-t-il, de vous proposer une ceinture avec cette robe ? Elle irait parfaitement au teint de mademoiselle.
Natalia baissa les yeux vers sa mère, qui avait perdu son sourire. Ses mains se serraient sur sa robe de serge brune de seconde main, non d'impatience, mais d'embarras.
« Combien ? demanda-t-elle seulement, un rien d'étranglement dans la voix qu'elle tenta de maîtriser.
- Dix roubles, Madame...
La mère de Natalia s'était arrêtée de respirer et n'osait plus regarder sa fille, dont les yeux ne la quittait pas. La phrase du tailleur s'était suspendue en l'air, et ajustant les plis sur les jambes de Natalia, il acheva.
« Mais si la demoiselle y tient, et me promet de porter cette robe au Jubilé de son altesse le Tsar, alors je lui offre la ceinture.
Dounia crut un instant que sa fille allait sauter au cou du tailleur – qui n'eût pas manqué de rompre, tant il était décharné. Elle rougit, tant de honte que de plaisir, et fit signe à sa fille d'aller se changer. Elle sortit deux billets à ordre de son sac à main et les tendit au tailleur.
« Un ce mois-ci, l'autre le mois suivant, c'est entendu ?
- Parfaitement, madame. Votre fille sera ravissante, là-dedans.
Dounia sourit, crispée. Non que la remarque de cet homme lui déplût, mais elle ne parvenait pas à se défaire du malaise qui la tenaillait.
« Nous ne serons peut-être pas au mariage de Son Altesse, Isaac Semyonovitch. Nous aurons peut-être quitté Moscou avant cela.
Le tailleur haussa les épaules.
« Bah, il ne faut pas vous laisser troubler pour si peu. Vous êtes proche du Tsar. Ils n'oseront pas vous toucher.
Le soleil passa derrière la lisière des immeubles. Dounia n'osa pas lui répondre que son mari, Stepan Fedorovitch, avait déjà quitté le pays et les attendait en Pologne, d'où ils se rendraient ensemble en France : Natalia Stepanovna sortait de la loge. Sous le résidu de lumière que gardait comme une bouillotte le ciel chaud du soir, Natalia se sentit rétrécie, dans sa jupe de velours côtelé râpé, son chemisier à fleurs passé et ses gants aux paumes trouées. À la voir, Isaac Semyonovitch se sentit un instant ébranlé dans ses positions. Même s'il ne doutait pas que tout cela se terminerait bien et vite, il ne portait plus sa kippa qu'à la synagogue. Il emballa rapidement la robe dans une grande boîte en carton.
« Au revoir, Isaac Semyonovitch, sourit Dounia en prenant sa fille par le bras.
- Mesdames, salua-t-il en leur ouvrant la porte.

Dix minutes plus tard, la mère et la fille étaient assises dans la grande salle du café Pouchkine. Elles s'étaient fait servir deux grands chocolats couverts de crème fouettée. Natalia n'osait pas entamer le sien, tant elle le trouvait beau. Elles le burent dans un silence ponctué de regards complices, au milieu des conversations animées du café. Pour payer le serveur qui patientait la main tendue, Dounia sortit de son porte-monnaie deux pièces de vingt kopecks qu'elle déposa dans la paume impeccablement gantée du jeune homme. Natalia ne put se retenir, jeta un œil dans le porte-monnaie. Il ne s'y trouvait plus qu'une dernière pièce de vingt kopecks.
« C'est tout ce qui reste ?
Dounia acquiesça en souriant tristement. Un moment passa. Natalia sentit monter en elle une irrésistible envie de pleurer.
« Nous partirons demain, dit Dounia avec douceur, d'une voix qui donna la sensation à Natalia qu'elle plantait en elle un tuteur inébranlable. J'ai gardé à la maison de quoi payer les billets de chemin de fer. Si tout va bien, dans deux jours nous serons à Cracovie, et dans trois jours, nous retrouverons ton père.
Natalia détourna le regard. Dounia avança la main et lui caressa la joue.
« Je n'avais pas besoin de cette robe, maman.
- Peut-être que non. Mais moi, j'en avais besoin. J'ai fait une belle fille, et je veux que ma belle fille porte des habits convenables.
Dounia leva la main, le serveur se présenta.
« Une part de tarte Sacher, je vous prie.
- Une seule, madame ?
- Oui, une seule. Pour ma fille. C'est son anniversaire.
Malnir
Malnir
Messages : 84
Date d'inscription : 18/09/2018

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Lun 25 Sep 2023 - 22:17


Sur une place nichée au cœur de la ville, vous trouverez la boulangerie Pygmalion. Dans la vitrine rendue opaque par les pluies grises et le passage des années, vous pourrez apercevoir des forêts noires, des fraisiers et des Paris-Brest s’étageant sur de petites étagères de marbre, de laiton et de verre. Sur les murs s’étalent des baguettes cuites à point, des pain-épis croquants, les énormes roues des pains de campagnes. Tout baigne dans une lueur dorée, celle de la croûte parfaitement cuite. Une odeur douce et chaude, presque sucrée, flotte dans les airs. Vous trouverez ici tout ce que vous pourriez espérer dans une boulangerie. Le pain y est tendre, quand on le rompt, d’abord la croûte craque et fendille sous la pression légère des mains, les arômes bondissent aux narines, puis la mie, aérienne et crémeuse, blanche comme un os, surgit de sa coquille brune.

Et pourtant, ce qui frappe, dans la boulangerie légendaire de Pygmalion, ça n’est pas la délicieuse baguette toute chaude sortie du four, ça n’est pas le financier délicieusement tendre sous la dent, ce ne sont pas même les religieuses, les éclairs et les fleuves de pâtisseries qui s’exhibent au comptoir. Ça n’est pas plus le thé délicat qui lance des reflets cuivrés depuis les tasses en porcelaines dans lesquelles on le boit, aux quelques tables qui sont là pour le plaisir du gourmand. Ce ne sont pas non plus ses pains au chocolats et ses croissants au feuilleté fondant de beurre.

Ce qui fait la renommée de la boulangerie Pygmalion, elles sont là, dans leurs alcôves. Elles sont jolies, dans leurs robes en pâte d’amande, avec leurs peaux douces et pâles en dragées. Dans leurs mains, on a disposé de petites friandises. Aujourd’hui, de petits rosaires tissés avec un cheveux d’ange, liant entre eux des raisins confits dans du baume et enrobés de chocolats. Hier, des roses figées dans un sirop de sucre cristallin, et dimanche dernier, bibelot en bonbon. Ne sont elles pas charmantes dans leurs écrins cristallins et sucrés ?

Dans le sucre le plus pur, David exhibe sa musculature tandis qu’il ajuste un drap crème et tendre sur son épaule et son entrejambe. À sa droite, au milieu des nuages de meringue, Marie à la peau chocolat noir berce son enfant. Sébastien, tout transpercé de fines flèches de caramel, laisse s’écouler un flot de praline sur sa peau glacée. Et aussi Apollon, une corne d’abondance dégoulinante de fruits confits. À côté, Martine et sa jolie robe démodée autour des sa chair de calisson, vous fixe de ses yeux de sucre glace. Un petit panthéon sucré forme comme un demi-cercle autour de la vendeuse, leurs mains figées comme celles des plus beaux marbres antiques.

Si vous venez souvent ou vous installez dans la salle pour prendre un goûter, vous apercevrez peut être Pygmalion en personne, les joues couperosées, la barbe dorée comme une brioche et le front dégarni, grimper sur un petit escabeau et avec un pinceau en soie de porc, épousseter l’une d’elles avec amour, pour en chasser le plus infime grain de poussière, et redonner à chaque plis et chaque surface un peu de brillant. Ce sont plus que des chefs-d’œuvre, plus qu’une preuve de son génie ou qu’une ode à son art.

Ce sont ses enfants.
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