Le Pare-tempêtes
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le deal à ne pas rater :
Pokémon EV06 : où acheter le Bundle Lot 6 Boosters Mascarade ...
Voir le deal

Aller en bas
Pantouffe
Pantouffe
Messages : 833
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 28

CC N°30: Rendez vous sous ma couette... Empty CC N°30: Rendez vous sous ma couette...

Ven 15 Mar 2019 - 21:58
avatar
Invité
Invité

CC N°30: Rendez vous sous ma couette... Empty Re: CC N°30: Rendez vous sous ma couette...

Ven 15 Mar 2019 - 22:43
(Ouais non mais je sais pas.)


Il y a quelque chose d’angoissant, dans la pâleur dépeinte des draps. Un malaise qui lui ronge le ventre, jusqu’à l’acide. Une boule de nervosité qui l’assaille à chaque fois qu’il se repasse la scène. Fantasmée, telle qu’elle devrait être. Mais le pauvre matelas presque éventré continu de le narguer et le sol du grenier menace de se rompre sous son poids, dès qu’il s’agenouille pour replacer les draps. La couette pâle, les oreillers trop colorés, trop vifs pour l’œil. Rouge, vert d’eau et jaune lubrique, agrémentés des fanfreluches du genre qu’on ne trouve que dans le dortoir des illuminés. Il oublie parfois qu’il en vient aussi, qu’il en porte désormais la honte en étendard. Tant mieux, tant pis. Les babioles entreposées n’ont de cesse de le juger. Se foutre gentiment de sa gueule, de leurs grands airs importants de celles qui ont été là bien avant lui et demeureront toujours, bien après son départ. Et se souviendrons encore bien longtemps de son irascible timidité, de ses bégaiements et de son savant manque de superbe. Cloué par les yeux du soleil, il n’est qu’un pauvre volatile que l’on dépiaute, plume par plume. Et l’idée même de finir tout nous et la peau grêlée de chair de poule ne lui plaît pas vraiment.

C’est pourtant la normalité. Cette danse presque obligatoire dont s’époumonent les adolescents à grands coups de rires graisseux. Tant et si bien qu’il se sent coupable de ne pas ressentir cette flammèche. Ce bâton de dynamisme qu’on devrait lui avoir pourtant mis dans le pantalon à la naissance. Pédale ou pas, pour ce que l’avis du monde peut bien lui foutre. Ce n’est pas enfermé entre quatre murs rouges qu’il ferait de grandes choses de son avenir, et s’il n’est pas capable du plus essentiel, du plus primal, alors autant abandonné immédiatement.

A nouveau, il refait le lit, fait grincer le plancher, replace les oreillers vomitifs. L’endroit, avec ses guirlandes de papier et son mince filet de lumière de fin de journée, semble étonnament bienveillant. Si l’on oublie tous les souvenirs, toutes les mémoires de pensionnaires accumulées au fil des années, des souverainetés et des massacres divers. Et la bouteille ambrée et luisante qu’il a planqué dans un coin, pour se donner du courage.

Le goulot porté aux lèvres, la descente ne semble pas vouloir s’interrompre, et ce n’est pas tant sa faute que celle du reste du monde. L’alcoolisme n’est qu’une échappatoire comme une autre. D’autres trouvent l’absolution dans les poings, lui au moins ne fait de mal à personne. A personne d’autre qu’à lui-même, ce qui s’avère déjà être un ravissant début pour la rédemption. Une bonne partie de la bouteille ingurgitée, il s’échoue en grand oiseau sur le drap pourtant patiemment fait, volatile éclaté au carreau d’une vitre qu’il n’aurait pas discerné dans son vol. Les choses tragiques arrivent. Tous les jours. Pour tous le monde. Ce n’est pas tant un misérable fatalisme qu’une belle preuve de réalisme. Quoique la réalité ne soit ici pas le fort de grand monde. Et il n’est tout simplement pas assez fort pour affronter cette épreuve.

Ses rêves sont toujours nimbés d’une bienfaitrice solitude. De celle dont il ne craint pas le silence. Une version de l’histoire où il se sait capable de supporter les ecchymoses et les brûlures clairsemant sa pâleur, balancées là comme pour rehausser sa rousseur. Une version de l’histoire où il pourra se promener à poil, quand ça lui chante, sans avoir quoi que ce soit à foutre des regards et de la pitié des services sociaux. Qu’ils aillent tous se faire foutre. Eux et son idée merdique de passer pour le tombeur invétéré qu’ils imaginent en lui.

A la tomber du soleil, décroché de son trône par la lune jalouse, il ne reste sur la couette qu’un grand oiseau échevelé aux ronflements bienheureux, bouteille de white horse à la main ans l’espoir de noyer ses démons dans un joli déluge alcoolisé. Pas l’ombre d’une visite. Juste un drap défait, des coussins colorés du plus mauvais goût, et un amoncèlement ridicule de babioles burinées par le temps pour toute compagnie, remplissant leur mission déjà centenaire. Attester du désastre.
Pantouffe
Pantouffe
Messages : 833
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 28

CC N°30: Rendez vous sous ma couette... Empty Re: CC N°30: Rendez vous sous ma couette...

Ven 15 Mar 2019 - 23:01
Il a glissé sa main froide dans la mienne, c'était comme toucher une rivière qui venait se poser dans le lit de ma paume. La nuit battait son plein au-dessus de nous, fanfare d'étoiles en fête, feux d’artifices en pattes de mouche éclatées à travers les bourrasques et le ciel.Quelques astres ont glissés, dégoulinants, dans la bouche de Jerry. Son sourire était moite et débordait de reflets, de scintillements scabreux, annonciateurs des désastres qui couvaient dans son crâne peut-être un peu mal fait- mais fort joliment sculpté sous le tricots de ses boucles brunes. Son visage transpirant accrochait des lumières qui n'étaient pas de ce monde, lui faisant comme un masque rituel à la place de la gueule. Il a dit :

J'ai quelque chose à te montrer. Rendez-vous sous ma couette.
Et il s'est eclispé, comme une feuille qu'on dérange, avec un torsion du corps qui évoquait autant une chute contrôlée qu'une tornade dansante. Quelques part, derrière des corps agglomérés, quelques membres serrés, il a disparu dans un éclair de moire, d'émail et de viande moite. Le spectre de sa main lisse et fraîche frémissait toujours dans la mienne, comme une forme liquide. En la portant devant mes yeux, je n'y ais vu que les quatre doigts et demi que m'avaient laissé mon père. J'ai songé à ce qu'il m'en coûterait de ne pas rentrer ce soir, ou de rentrer trop tard ; j'ai essayé d'imaginer une main à quatre doigts seulement, ou peut-être à quoi ressemblerait mon reflet si mes cheveux étaient rasés, si mes bras étaient tachetés d'ecchymoses, si des petites fleurs de braise venaient éclore au creux de mon coude ou sur les délicates collines de mes genoux ; je me suis laissé aller à imaginer ce que ce serait de mâcher avec quelques dents de moins, ce que ce serait de voir le monde à travers un filtre d'hématomes ; et quels mensonges commodes pourraient venir à mes lèvres sardoniques pour expliquer les marques, qui peut-être, seraient visibles cette fois-là.

Quand je me suis rendu compte que rien de tout ça ne parvenait à éveiller mon intérêt, qu'aucune de ces pensées n'enclenchait une alarme ou l'envie d'en finir, qu'il n'y avait ni peur ni désir, mais rien qu'un profond ennui, rien qu'un découragement de plusieurs tonnes entortillé en fils de plomb lestés de poids autour de chacun de mes os, dans chacun de mes membres, j'ai décidé de suivre de Jerry, car peut-être chez lui, dans sa vie, dans sa maison, dans ses yeux de maniaque, peut-être y'avait il une réponse à l'ennui, autre chose qu'une attente. Alors j'ai tourné le dos aux feux d'artifice et j'ai mollement emboîté le pas à Jerry, en me laissant bousculé en dehors de la foule, un coup d'épaule, un frôlement après l'autre. Une fois déglutis par la marée des corps fugitivement arrosés de gerbes de couleurs, j'ai retrouvé l'ombre fraîche des rues, mais remplie d'une odeur de poudre et saccagée spasmodiquement par les éclosions qui embrasaient le ciel, un déploiement d'étincelles après l'autre. Cette intrusion me dérangeait profondément. Je n'aimais pas que la ville soit ainsi surveillée par une prairie sans cesse mourante et renaissante. Je n'aimais pas que leur odeur de pluie et d'ordures ait pu changer en raison des floraisons trop répétées de ces roselières de feu- et le bruit de leurs pétarades célestes troublait les chats de gouttières et les renards qui s'aventuraient parfois nuitamment jusque sur les trottoirs. Ce soir là, il n'y avait guère que mes pas et quelques étincelles pour crépiter à travers les rues.

(inachevé)
Silver Phoenix
Silver Phoenix
Messages : 134
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 26

CC N°30: Rendez vous sous ma couette... Empty Re: CC N°30: Rendez vous sous ma couette...

Ven 15 Mar 2019 - 23:14
La nuit avait pris place depuis quelques heures. Le ciel, d'un noir d'encre, était constellé par quelques étoiles très lointaines, ainsi que par les reflets argentés de la Lune. Les rues étaient presque complètement vidées de toute vie dans cette ville de taille moyenne. Seuls quelques lampadaires permettaient d'éclairer les routes. La plupart des habitants s'apprêtaient à dormir dans leur lit chaud et douillet, abattus par la fatigue accumulée depuis le matin.

Sofia était au bord des larmes. Cela faisait des jours entiers qu'elle n'avait pas dormi. Pas la moindre seconde ne lui était permise pour se reposer un peu. Elle avait tout essayé, s'étant privée de café, d'écrans électriques, de sport (bien que ça ne la dérangeait pas vraiment), avait commencé à vivre dans le noir, même le jour, et également avalé des somnifères puissants, dans l'espoir d'appâter le sommeil. En vain. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait, les médecins ne pouvaient pas expliquer sa détresse.

Sofia était allongée dans son lit, emmitouflée dans des draps blancs et immaculées. Le sommeil ne venait pas. Rien à faire. Elle voulait juste dormir, bon sang ! Quelle malédiction l'avait frappé ? Qu'avait-elle fait pour ne plus pouvoir tranquillement s'abandonner dans les bras de Morphée lorsqu'elle le voulait ? Et puis, allait-elle survivre dans des conditions pareilles ? N'allait-elle pas sombrer dans la folie ?

De nombreuses questions la tourmentaient. Elle n'osait même pas sortir de chez elle depuis le jour précédent. Des cernes violacées avalaient ses yeux, ressorties par la pâleur extrême de sa peau. Des espèces d'étoiles et des taches sombres envahissaient son champ de vision. Une douleur transperçait son crâne. Non, décidément, elle ne pouvait pas sortir dans un état aussi pitoyable.

Sofia s'était aussi isolée de ces proches, leur maladresse et autres défauts l'irritaient au plus au point. Elle ne supportait plus ne serait-ce que leur présence.

Plus de famille. Plus de vie sociale. Et surtout, plus de sommeil.

Sofia se recroquevilla, désespérée. Elle savait qu'elle allait finir par craquer. Elle était encore assez lucide pour être consciente de sa propre descente aux enfers.

Soudain, quelques coups à la porte d'entrée résonnèrent, à la grande surprise de Sofia. Qui pouvait se trouver devant sa porte à cette heure-ci ? Une boule s'empara violemment de son ventre, et un noeud se forma dans sa gorge sèche. Elle massa ses tempes qui pulsaient pour tenter de se calmer. C'était peut-être quelqu'un qui s'était trompé de porte.

Après quelques instants de silence assourdissant, Sofia entendit clairement un soupir, comme si il s'était échappé près de son oreille, ce qui lui glaça le sang. Elle était complètement paralysée par la terreur. Des bruits de pas claquaient de plus en plus fort sur le parquet. Sofia était pourtant sûre que la porte ne s'était pas ouverte. Était-ce le manque de sommeil qui lui jouait des tours ?

"Hey."

De forts tremblements prirent d'assaut le corps de Sofia. Ce n'était pas son imagination, elle en était désormais certaine. Une personne se tenait là, en chair et en os. Malgré sa voix, qu'elle percevait douce et probablement féminine, sa terreur n'en était que plus puissante.

Tout à coup, Sofia se sentit plus légère. Ses muscles se décontractèrent, indépendamment de sa volonté. Ses paupières se fermèrent, tandis qu'elle sombra d'un coup dans l'inconscience.

Lorsqu'elle reprit connaissance, Sofia aperçut de la lumière naturelle et dorée s'infiltrer à travers les vitres de sa chambre. Elle se sentait soulagée, légère, infiniment mieux.

Elle s'était endormie.

"Je vois que tu es réveillée."

Sofia sursauta au son de la voix. Était-ce cette présence ayant apparu cette nuit ? Elle détourna son regard voilé de sommeil vers la source de cette voix.

C'était une femme. Grande, élancée, le visage rond aux traits doux, un petit sourire au coin des lèvres. Une chevelure noire de jais lâchée jusqu'au milieu du dos. Des iris gris mais chaleureux et pénétrants, ombrés par des cils longs et fins. De claires taches de rousseur parsemaient ses joues rebondies.

Elle était adossée à l'encadrure de la porte, les bras croisés. Sofia se risqua à parler.

"Qu'est-ce qui s'est passé ?"

L'inconnue s'approcha d'elle, le pas droit et assuré, ce qui intimida Sofia. Elle savait qu'elle ne se trouvait pas avec quelqu'un d'ordinaire.

"Je m'appelle Uni. J'ai perçu ta détresse. Il semble que tu sois atteinte d'une malédiction."

Sofia n'en crut pas ses oreilles. Elle avait l'impression de parler à un marabout.

"Euh... C'est-à-dire ?"

Uni réprima un rire en observant son expression incrédule.

(inachevé)


Dernière édition par Silver Phoenix le Jeu 30 Mai 2019 - 0:04, édité 1 fois
Malnir
Malnir
Messages : 84
Date d'inscription : 18/09/2018

CC N°30: Rendez vous sous ma couette... Empty Re: CC N°30: Rendez vous sous ma couette...

Ven 15 Mar 2019 - 23:15


Les flaques cessaient de grossir dans les ornières de la route défoncée, les filets d’eaux s’écoulant des gouttières, des fissures dans les bitume des trottoirs, s’étant taris. Il avait commencé à pleuvoir avec le soir, noyant le ciel dans une vague d’ondées de lueurs roses et saumon, avant de péricliter dans des mauves malsains. La nuit était tombée depuis quelques temps déjà et les réverbères faisaient reluire ces surfaces mouillées de couleurs orangées et ocres, laissant des nappes d’ombre qui s’étendaient sur plusieurs dizaines de mètres de façades de pierre. Les volets de fer étaient tirés, isolant les habitants de la ville de l’extérieur tant que les ténèbres domineraient. La pluie avait enfin cessée. Une brume opaque se levait, brouillant les perspectives, émanant des bouches d’égouts, des aérations, glissant depuis le fleuve et les canaux, suintant en rubans des pavés ou du goudron. J’ai resserré les pans de mon manteau autour de moi pour me protéger tant bien que mal du froid toujours plus pénétrant, en vain. Je grelottais de mes pieds humides à ma tête trempée. De mes cheveux gouttaient régulièrement de l’eau qui venait s’écraser au sol ou couler le long de mon cou jusque dans ma chemise, inondant mon torse.

Je marchais depuis deux heures déjà, depuis que j’étais sorti si abruptement d’une soirée chez des amis. Je n’avais pas de parapluie, pas de capuche pour me protéger de la pluie mais je n’y pensais pas. Je voulais juste partir et vite, car la situation était devenue par trop intolérable pour moi. Les rues étaient déjà désertées, les immeubles se dressaient plus menaçants et austères que des incisives, et je passais devant leurs devantures barricadées en songeant à ce caractère hostile qu’avait la ville dans ces heures, qui faisait que je n’aimais pas être dehors. Cet aspect hideux et malveillant je ne le senti peser que quelques minutes plus tard lorsque ma colère retomba, noyée sous la pluie glacée. Je me rendis compte alors que j’avais marché sans réfléchir et m’étais perdu dans un quartier qui m’étais inconnu. Je voyais au loin le sommet de cheminées d’usines pointer au dessus des toits, et découvrais un environnement de briques moisies et de fenêtre borgnes. L’herbe livide poussait dans les graviers des trottoirs, les ordures s’entassaient un peu partout, et les ombres avaient une densité qui me déplaisait. Et j’eus peur. Oubliée soudain ma colère de voir l’objet de mes désirs aimer et un autre que moi, oublié ma jalousie, oubliée l’humiliation et le départ précipité. Désormais je cherchais juste une seule chose : retrouver mon chemin.

Je commençais donc un périple qui pouvait passer pour un voyage initiatique. Les hangars et les masures se succédaient, se tortillaient le long de ruelles obscures et glissantes, et la pluie tombait toujours, sans que je ne m’y retrouve d’avantage. De loin en loin j’entendais des cris et des rires venus de derrière les murs des maisons, et je frissonnais à l’idée de rencontrer leurs occupants. J’arrivais devant une gare abandonnée depuis longtemps, qui me permit enfin de me repérer. Sur sa façade décrépite se devinait encore des lettres qui formaient le mot « Saulge ». J’étais donc dans le quartier le plus lointain de la ville, celui dans lequel je ne m’étais jamais aventuré. Un ancien faubourg industriel sinistré. Mais la voie ferrée elle, pour abandonnée qu’elle soit, pouvait m’aider à me retrouver. Je m’engageais à côté des deux longs rails rouillés et luisants d’humidité, et à la lumière de mon portable, je commençais à marcher vers ce qui devait être le centre ville.

Ça faisait peut être une vingt minutes que je marchais quand la voie atteignit la colline encore boisée qui bordait la ville à l’est, la Pierre Rousse. Les arbres étaient hauts et le sol rouge et glaiseux, dégoulinant d’entre les rochers brun rouille. La voie était ici engloutie sous des buissons humides et je ne voyais pas à dix mètres. La peur avait définitivement remplacée toute colère ou tout ressentiment, et je commençais à regretter de ne pas être resté, même si je devais supporter pour cela mon rival victorieux. Quelque part, j’avais agis avec puérilité. Il était bien trop tard pour un retour en arrière, et quelque chose bougea dans les broussailles.

Je me figeais sur place, presque tétanisé. Dans la lumière blanche et faiblarde que je braquais devant moi, je voyais clairement cette silhouette accroupie devant moi, qui se relevait lentement à présent qu’elle avait bondi sur la voie… Puis elle se recroquevilla à nouveau et ne bougea plus. Essayant de calmer mon cœur, je finis par oser avancer, pour trouver une grosse bâche plastique déchirée et boueuse, prise dans des branchages. Mais un détail me glaça aussi vite que je m’étais détendue : de longues coulées cramoisies la souillaient, qui ne pouvaient être confondues avec la terre rouge. Et c’était frais. À nouveau il y eut du mouvement dans le sous bois, et une fois de plus je cru ma dernière heure arrivée jusqu’à ce qu’un renard famélique ne passe d’un bond devant moi. Pas rassuré pour autant, je repris mon chemin le plus vite que je pouvais, et je finis par arriver à côté d’une sente de graviers, qui appartenait à un parc qui occupait une part des bois. Je m’y engageais, heureux d’enfin trouver un lieu qui me soit réellement connu.

Mais bien vite je commençais à regretter ma décision. Les statues qui décoraient les abords paraissaient monstrueuses dans la nuit, et après quelques minutes j’arrivais suffisamment proche des barrières du parc pour comprendre qu’il servait de repère à de nombreux mendiants, qui se blottissaient sous des pavillons pour orchestres, se blottissaient autour de braseros qu’ils posaient sur les pelouses. Et pour sortir, la seule grille encore ouverte à cette heure se trouvait dans un fossé pavé jonchés d’ordure par lequel ils entraient aussi, et qui était infesté de rats. À ce moment précis la brume commença à envahir la ville. Je voyais les formes allongées de quelques déshérités autour de moi et pressais le pas, craignant de les réveiller et qu’ils ne m’attaquent. Une peur irrationnelle m’avait envahie depuis mon passage dans les bois, et la moindre silhouette vaguement humaine me terrorisait.

Après cette épreuve, je me retrouvais non loin du centre-ville, non loin de chez moi, mais la brume était terriblement dense. Tout était noyé dans cette purée de poix qui se teintait d’orange par l’action des réverbères. Je tâtonnais presque d’immeubles en immeubles. Parfois, des silhouettes sombres de chats ou d’hommes passaient autour de moi, et je m’interrompais quelques instants. Finalement, la peur avait fais place à la lassitude, et je ne songeais plus qu’à une seule chose, le confort de mon appartement, la chaleur d’une tasse de thé, une douche, mon lit, avec son oreiller bien ferme, son matelas moelleux et sa couette chaude et douce, un peu de jazz pour m’endormir… J’enverrai un message à mes amis pour expliquer mon départ par de la fatigue, le travail… Tout cela était bien ridicule, perdre autant de temps, s’imposer de telles émotions pour un coup de sang… J’arrivais dans ma rue, et tâtonnais vers ma poche de blouson pour sortir mes clefs, un peu tremblant moitié de fatigue, moitié de soulagement. Ça faisait deux heures que je marchais, j’étais trempé, à bout. Si je ne tombais pas malade avec ça ce serait un miracle. Et je buttais contre quelque chose et m’étalais sur le trottoir.

Ma soirée était déjà très mauvaise. Maintenant je m’étais écorché un peu partout à deux mètres de ma porte. Je me relevais en jurant et me retournais pour voir ce qui m’avait fais trébuché. À première vue, une poubelle renversée, mais en regardant mieux… C’était une bâche en plastique blanc transparent comme celle des sous bois, mouillée par la pluie. Et elle s’enroulait comme un drap autour de deux corps nus et gris, et ces corps étaient ceux de celle que j’aimais et de son amant.
Contenu sponsorisé

CC N°30: Rendez vous sous ma couette... Empty Re: CC N°30: Rendez vous sous ma couette...

Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum