- Pantouffe
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Un corbeau de trois jours : la mariée du grand saule
Dim 10 Nov 2024 - 23:07
- Silver Phoenix
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Re: Un corbeau de trois jours : la mariée du grand saule
Mer 13 Nov 2024 - 21:55
Note : Ce texte est directement lié au CC "Quand j'étais la forêt".
Les rayons de soleil parent sa tête d’un voile doré. Vêtue de ses feuilles lancéolées, nimbée de la lumière chaleureuse et apaisante des lucioles virevoltant autour d’elle, ses mains se collent contre lui. Elle sent battre sa sève, comme son propre sang dans ses tempes. Sous la chapelle de son épais feuillage, son front se pose tendrement sur lui.
Même si sa mémoire ne lui revient pas, elle sait d’instinct que sa place est ici.
Elle a vu, sous le prisme d’un autre éclat de souvenir, la silhouette de cet immense saule dans la fumée. Surplombant les flammes, ses branches incandescentes s’agitant telles les bras d’une personne se noyant. Mais le revoilà, plus imposant que jamais. Le vert éclatant de sa chevelure de feuille seyant la cire blanche enduisant son massif tronc. Placide et serein, auréolé de la couronne solaire. Ses innombrables branches garnies de feuilles tombantes l’embrassent, caressent sa joue, délicates comme le zéphyr.
Sous la bénédiction du Grand Saule, elle jure de protéger ces terres qu’elle a nourries de ses cendres, peu importe ce que le futur leur réservera. Dévorées par le feu ou ensevelies sous la neige, noyées sous la pluie ou écrasées sous la chaleur, elle se tiendra toujours à leurs côtés.
Elle se connecte à lui. A la forêt. A chaque être qui la compose. Son souffle se mêle à la brise. Son cœur et le sien battent à l’unisson.
Le Grand Saule pleure. L’affection fleurit en son sein. Elle est là, et elle sera toujours là, pour le meilleur et pour le pire.
Les rayons de soleil parent sa tête d’un voile doré. Vêtue de ses feuilles lancéolées, nimbée de la lumière chaleureuse et apaisante des lucioles virevoltant autour d’elle, ses mains se collent contre lui. Elle sent battre sa sève, comme son propre sang dans ses tempes. Sous la chapelle de son épais feuillage, son front se pose tendrement sur lui.
Même si sa mémoire ne lui revient pas, elle sait d’instinct que sa place est ici.
Elle a vu, sous le prisme d’un autre éclat de souvenir, la silhouette de cet immense saule dans la fumée. Surplombant les flammes, ses branches incandescentes s’agitant telles les bras d’une personne se noyant. Mais le revoilà, plus imposant que jamais. Le vert éclatant de sa chevelure de feuille seyant la cire blanche enduisant son massif tronc. Placide et serein, auréolé de la couronne solaire. Ses innombrables branches garnies de feuilles tombantes l’embrassent, caressent sa joue, délicates comme le zéphyr.
Sous la bénédiction du Grand Saule, elle jure de protéger ces terres qu’elle a nourries de ses cendres, peu importe ce que le futur leur réservera. Dévorées par le feu ou ensevelies sous la neige, noyées sous la pluie ou écrasées sous la chaleur, elle se tiendra toujours à leurs côtés.
Elle se connecte à lui. A la forêt. A chaque être qui la compose. Son souffle se mêle à la brise. Son cœur et le sien battent à l’unisson.
Le Grand Saule pleure. L’affection fleurit en son sein. Elle est là, et elle sera toujours là, pour le meilleur et pour le pire.
- Pantouffe
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Re: Un corbeau de trois jours : la mariée du grand saule
Mer 13 Nov 2024 - 21:56
En dessous du grand saule il y'avait des histoires, rédigées dans le sang et dans la pourriture. Il y'avait un charnier transformé par le temps, en océan d'humus où des fleurs en sommeil, attendaient, patiemment, l'effleurement du printemps.
Au dedans du grand saule il y'avait, des litanies funestes, des prières et des chants, prisonniers de l'écorce, entremêlés aux cernes, imprégnés à la fibre, enfouis au sein du bois. Il y'avait des paroles circulant dans la sève, lentement, comme des esquifs prises au sein d'un sirop.
Au-dessus du grand saule il n'y avait que du vent,qui parfois descendait agiter ses ramures. Et dans le friselis du tourbillon des feuilles, des murmures plus anciens remontaient de la terre, chuchotis inaudibles glissant entre les branches.
Une douceur lugubre entourait le grand saule, ou bien en émanait. Comme une antenne parabolique il attirait à lui cette sinistre tranquillité qui planait dans les airs, éthérée, et s'en drapait comme d'un long voile mortuaire ; mais il semblait aussi la générer lui-même, cette atmosphère de quiétude mortifère, cette gaze à mi-chemin de l'étoffe et du brouillard, ou peut-être plutôt la canaliser pour mieux la diffuser, alentour, à travers la cuvette. Il y régnait en maître, œuvrant à ses murmures. Un creux dans la terre, entre plaines et collines, frais, buissonneux et humide, sculpté comme le modèle réduit d'une vallée sépulcrale. La plaie sans cesse ravivée d'un ruisseau s'y ouvrait, fine saignée de mercure que seul l'hiver parvenait à faire cicatriser. En apparence la vie s'y épanouissait, chants d'oiseaux, renards et chats sauvages. Mais à bien y sentir, il y'avait le grouillement, fiévreux, constant, ce magma sous la terre, qui traversait le saule. Ce bouillonnement autrefois trop copieusement nourris.
Au dedans du grand saule il y'avait, des litanies funestes, des prières et des chants, prisonniers de l'écorce, entremêlés aux cernes, imprégnés à la fibre, enfouis au sein du bois. Il y'avait des paroles circulant dans la sève, lentement, comme des esquifs prises au sein d'un sirop.
Au-dessus du grand saule il n'y avait que du vent,qui parfois descendait agiter ses ramures. Et dans le friselis du tourbillon des feuilles, des murmures plus anciens remontaient de la terre, chuchotis inaudibles glissant entre les branches.
Une douceur lugubre entourait le grand saule, ou bien en émanait. Comme une antenne parabolique il attirait à lui cette sinistre tranquillité qui planait dans les airs, éthérée, et s'en drapait comme d'un long voile mortuaire ; mais il semblait aussi la générer lui-même, cette atmosphère de quiétude mortifère, cette gaze à mi-chemin de l'étoffe et du brouillard, ou peut-être plutôt la canaliser pour mieux la diffuser, alentour, à travers la cuvette. Il y régnait en maître, œuvrant à ses murmures. Un creux dans la terre, entre plaines et collines, frais, buissonneux et humide, sculpté comme le modèle réduit d'une vallée sépulcrale. La plaie sans cesse ravivée d'un ruisseau s'y ouvrait, fine saignée de mercure que seul l'hiver parvenait à faire cicatriser. En apparence la vie s'y épanouissait, chants d'oiseaux, renards et chats sauvages. Mais à bien y sentir, il y'avait le grouillement, fiévreux, constant, ce magma sous la terre, qui traversait le saule. Ce bouillonnement autrefois trop copieusement nourris.
- Malnir
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Re: Un corbeau de trois jours : la mariée du grand saule
Mer 13 Nov 2024 - 22:09
Les berges sales accrochaient encore quelques lambeaux gris de brouillard. Des mouettes paradaient sur les quais entre les poissons crevés. Un café, un sandwich froid. Un écran un peu terne qui débitait le journal des dernières nouvelles. Rien de bien nouveau en vérité, comme s’égrainaient banalités sur banalités, certaines portant sur des guerres lointaines ou proches, d’autres sur des scandales peoples, d’autres sur de juteux contrats d’armement ou autres qu’une ou l’autre des CS avaient remportées en monopole. Olando n’écoutait tout simplement pas. Il laissait le cri des mouettes, le bruit discret et incongru d’un moteur thermique pétaradant, emplir ses oreilles de leur légèreté, l’air frais et marin emplir ses poumons. Il regardait par la vitre du café la mer s’ourlait, grise et boueuse de brume.
A ses côtés, la masse imposante et métallique du commissaire bougea légèrement.
« Finissez vite inspecteur, nous avons du travail. »
Pas aimable le commissaire, ce jour là. Il n’aimait pas avoir à se déplacer hors de Néo-Nantes. Olando engloutit le reste de son sandwich, bien plus goûteux que son ordinaire. Il jouissait, contrairement au commissaire qui s’était considérablement augmenté, par chaque pore de sa peau et chaque parcelle de son corps 100 % organique, du délice étrange de l’inconfort d’un environnement quasi rural. Il absorba sans cérémonie son café (un jus de chaussette) et se leva prestement. Le commissaire avait déjà payé et se dirigeait lourdement vers la porte.
« Vous mangez-trop lentement. »
Il s’installa côté passager de leur voiture, Olando se mit au volant.
« Allez. »
Ils démarrèrent, gagnèrent vite de la vitesse en longeant le port.
« FERMEZ-MOI CETTE FENÊTRE » beugla le commissaire. Il ajouta, grommelant ;
« Quelle porcherie… Si près de Néo-Nantes. Pourquoi faut-il que ça soit moi qui m’en occupe. »
Olando, soucieux de détendre l’atmosphère, essaya de changer de sujet :
« Une idée de ce qui nécessitait qu’on se déplace ? Une homicidée on en manque pourtant pas. »
« Oui mais celle-là serait importante. Elle était l’une des seules faiblesses du Saule. Maintenant … »
Le commissaire se mura dans le silence. Cette fois-ci, Olando sut que ça n’était pas par mauvaise humeur, mais parce qu’il était en communication avec le QG.
Le Saule donc. Olando regrettait parfois de ne pas avoir les routines de bases pour le téléchargement et la consultation instantanée des dossiers de policier. Il était encore de ceux qui devaient lire attentivement les ordres de mission. Mais il n’avait même pas eu le temps, comme on l’avait envoyé en urgence sur place, en plein milieu de la nuit. Le commissaire avait déjà toutes les pièces en tête mais lui devait se baser sur le peu de choses que son cerveau voulait bien se rappeler sur le personnage. Le Saule donc. Un transhumain particulièrement étendu dans les strates les plus inavouables de la Synarchie. Un de ces cauchemars ambulants qui avaient surgi bien avant qu’Olando ne naisse, pour sa part, il avait même du mal à le considérer comme autre chose qu’un genre de légende urbaine.
La route déroulait sans accrocs ses virages de bitume, à quelques pas d’une côte battue par les vents. La baie de Morbihan scintillait à sa gauche, parsemée de ses petites îles désolées. Le GPS lui indiquait désormais de s’enfoncer dans les terres. Le commissaire à sa gauche n’était toujours pas ressorti de sa communication et ne faisait pas le moindre geste qui puisse laisser penser qu’il était même conscient. Le ciel gargouillait maintenant de gros nuages chromés et boursoufflés. Une averse s’abattit, noircissant le pare-brise. Enfin, à la bordure d’une friche dominées par les moissonneuses monumentales et rouillées :
« Nous arrivons commissaire. Là, cette petite ferme en ruine. »
A ses côtés, la masse imposante et métallique du commissaire bougea légèrement.
« Finissez vite inspecteur, nous avons du travail. »
Pas aimable le commissaire, ce jour là. Il n’aimait pas avoir à se déplacer hors de Néo-Nantes. Olando engloutit le reste de son sandwich, bien plus goûteux que son ordinaire. Il jouissait, contrairement au commissaire qui s’était considérablement augmenté, par chaque pore de sa peau et chaque parcelle de son corps 100 % organique, du délice étrange de l’inconfort d’un environnement quasi rural. Il absorba sans cérémonie son café (un jus de chaussette) et se leva prestement. Le commissaire avait déjà payé et se dirigeait lourdement vers la porte.
« Vous mangez-trop lentement. »
Il s’installa côté passager de leur voiture, Olando se mit au volant.
« Allez. »
Ils démarrèrent, gagnèrent vite de la vitesse en longeant le port.
« FERMEZ-MOI CETTE FENÊTRE » beugla le commissaire. Il ajouta, grommelant ;
« Quelle porcherie… Si près de Néo-Nantes. Pourquoi faut-il que ça soit moi qui m’en occupe. »
Olando, soucieux de détendre l’atmosphère, essaya de changer de sujet :
« Une idée de ce qui nécessitait qu’on se déplace ? Une homicidée on en manque pourtant pas. »
« Oui mais celle-là serait importante. Elle était l’une des seules faiblesses du Saule. Maintenant … »
Le commissaire se mura dans le silence. Cette fois-ci, Olando sut que ça n’était pas par mauvaise humeur, mais parce qu’il était en communication avec le QG.
Le Saule donc. Olando regrettait parfois de ne pas avoir les routines de bases pour le téléchargement et la consultation instantanée des dossiers de policier. Il était encore de ceux qui devaient lire attentivement les ordres de mission. Mais il n’avait même pas eu le temps, comme on l’avait envoyé en urgence sur place, en plein milieu de la nuit. Le commissaire avait déjà toutes les pièces en tête mais lui devait se baser sur le peu de choses que son cerveau voulait bien se rappeler sur le personnage. Le Saule donc. Un transhumain particulièrement étendu dans les strates les plus inavouables de la Synarchie. Un de ces cauchemars ambulants qui avaient surgi bien avant qu’Olando ne naisse, pour sa part, il avait même du mal à le considérer comme autre chose qu’un genre de légende urbaine.
La route déroulait sans accrocs ses virages de bitume, à quelques pas d’une côte battue par les vents. La baie de Morbihan scintillait à sa gauche, parsemée de ses petites îles désolées. Le GPS lui indiquait désormais de s’enfoncer dans les terres. Le commissaire à sa gauche n’était toujours pas ressorti de sa communication et ne faisait pas le moindre geste qui puisse laisser penser qu’il était même conscient. Le ciel gargouillait maintenant de gros nuages chromés et boursoufflés. Une averse s’abattit, noircissant le pare-brise. Enfin, à la bordure d’une friche dominées par les moissonneuses monumentales et rouillées :
« Nous arrivons commissaire. Là, cette petite ferme en ruine. »
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