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Quand j’étais la forêt
Mer 31 Jan 2024 - 22:10
Quand j’étais la forêt
- Silver Phoenix
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Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 26
Re: Quand j’étais la forêt
Mer 31 Jan 2024 - 23:12
Souffle, souffle le vent…
Elle se réveille là, allongée sur le sol. Sa peau démange de partout, le humus logé sous ses ongles en grains froids et humides, le parfum de l’herbe taquinant ses narines. Le vert des feuilles dansant avec la délicate brise flamboie devant ses yeux.
Ses yeux… ils accueillent la lumière déclinante. Brûlent sous ses paupières. Les larmes les humectent désespérément comme tentant d’éteindre un brasier.
Elle se lève. Ses mains, non, tout son corps, est gris. Un gris sombre. Elle le voit bien, même à travers l’eau salée noyant ses deux globes. Un éclat de mémoire transperce sa tête. Des flammes, de la toux, des cris, puis le noir… Rien d’autre.
Son corps est matériel. Là où elle n’était que cendre pour nourrir la terre…
Sa main est tendue dans le vide. Elle ne se souvient pas l’avoir bougé, pourtant. Son souffle reprend. Elle ne se souvient pas l’avoir coupé, non plus. L’air enfle ses poumons et en ressort en de mouvements fluides, le même air qui fait danser les feuilles au-dessus d’elle. Puis, elle marche. Un pas devant l’autre, l’herbe et la terre couvrant ses pieds. Sa fine silhouette file entre les arbres, les doigts collants de sève à force d’être pressés contre de l’écorce. Poignardée par les échardes et les petites pierres cachées dans le sol, la douleur la fait se sentir vivante.
L’est-elle vraiment, d’ailleurs ?
La lumière s’évanouit peu à peu. Le feuillage, si dense, si fourni, se colore désormais en un vert doux, mêlé d’or. Son regard s’ajuste enfin, ses larmes ne coulent plus.
Elle s’assied contre un saule. Observe les arbres un à un, précisément. Leur taille, leur largeur, la forme de leurs feuilles, la couleur de leur bois…
Chacun d’entre eux, des pousses jusqu’aux centenaires, en passant par les arbrisseaux. Chaque lame d’herbe. Chaque fleur, chaque racine, chaque graine…
Elle les a tous nourris. De ses cendres. Toute cette végétation doit posséder une partie d’elle.
Ses genoux se ramènent contre sa poitrine, les bras autour de ses jambes. Elle tremble. Elle a froid.
Mais alors que la lumière s’éclipse, une nuée éclatante s’amoncelle tout autour d’elle en un halo. Des lucioles ? C’est bien leur nom, n’est-ce pas ? Elles sont chaudes, en tout cas…
Ses paupières tombent, un profond soupir relaxe ses membres endoloris. Protégée, bercée par la chaleur et la compagnie de ces petits êtres. Son cœur battant dans le silence de la nuit.
Son âme dans la forêt.
Elle se réveille là, allongée sur le sol. Sa peau démange de partout, le humus logé sous ses ongles en grains froids et humides, le parfum de l’herbe taquinant ses narines. Le vert des feuilles dansant avec la délicate brise flamboie devant ses yeux.
Ses yeux… ils accueillent la lumière déclinante. Brûlent sous ses paupières. Les larmes les humectent désespérément comme tentant d’éteindre un brasier.
Elle se lève. Ses mains, non, tout son corps, est gris. Un gris sombre. Elle le voit bien, même à travers l’eau salée noyant ses deux globes. Un éclat de mémoire transperce sa tête. Des flammes, de la toux, des cris, puis le noir… Rien d’autre.
Son corps est matériel. Là où elle n’était que cendre pour nourrir la terre…
Sa main est tendue dans le vide. Elle ne se souvient pas l’avoir bougé, pourtant. Son souffle reprend. Elle ne se souvient pas l’avoir coupé, non plus. L’air enfle ses poumons et en ressort en de mouvements fluides, le même air qui fait danser les feuilles au-dessus d’elle. Puis, elle marche. Un pas devant l’autre, l’herbe et la terre couvrant ses pieds. Sa fine silhouette file entre les arbres, les doigts collants de sève à force d’être pressés contre de l’écorce. Poignardée par les échardes et les petites pierres cachées dans le sol, la douleur la fait se sentir vivante.
L’est-elle vraiment, d’ailleurs ?
La lumière s’évanouit peu à peu. Le feuillage, si dense, si fourni, se colore désormais en un vert doux, mêlé d’or. Son regard s’ajuste enfin, ses larmes ne coulent plus.
Elle s’assied contre un saule. Observe les arbres un à un, précisément. Leur taille, leur largeur, la forme de leurs feuilles, la couleur de leur bois…
Chacun d’entre eux, des pousses jusqu’aux centenaires, en passant par les arbrisseaux. Chaque lame d’herbe. Chaque fleur, chaque racine, chaque graine…
Elle les a tous nourris. De ses cendres. Toute cette végétation doit posséder une partie d’elle.
Ses genoux se ramènent contre sa poitrine, les bras autour de ses jambes. Elle tremble. Elle a froid.
Mais alors que la lumière s’éclipse, une nuée éclatante s’amoncelle tout autour d’elle en un halo. Des lucioles ? C’est bien leur nom, n’est-ce pas ? Elles sont chaudes, en tout cas…
Ses paupières tombent, un profond soupir relaxe ses membres endoloris. Protégée, bercée par la chaleur et la compagnie de ces petits êtres. Son cœur battant dans le silence de la nuit.
Son âme dans la forêt.
- Pantouffe
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Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 28
Re: Quand j’étais la forêt
Mer 31 Jan 2024 - 23:17
Il était dans l'humus comme une mince tige de bouleau bousculé par le vent, pâle, maigre, éclaboussé de cuivre. L'automne entremêlé au corps en filets de chevelure rouquine, arabesques mouillées plaquées sur la peau blanche, crayeux mais lisse comme un vieux galet émoussé par les flots, jusqu'à devenir lui même une sorte d'arabesque. La simple boucle d'écume qu'un pinceau aurait lancé dans l'air. De lui ne persistait que la géométrie la plus douce. Des courbes calligraphiées par la pluie se traçaient sur son dos, dégringolaient le long de ses épaules, sinuaient sur sa poitrine puis s'imiscçaient ux reliefs de ses côtes tel un lierre enraciné aux déliés d'un arbre en pleine croissance. L'hypnotique labyrinthe des lignes de cheveux, tracées au fil des mouvements qui l'avaient animé sous la rincée joyeuse, puis que les frissons avaient décalées, embrouillés, au fur à mesure que sa danse s'était calmée- avec le départ de la pluie, une immobilité pleine de promesses c'était installée. C'était désormais plus un motif qu'un jeune homme, un entrelacement de spirales qui ressemblait fortuitement à quelqu'un, alors qu'il n'y avait, pourtant, absolument personne.
C'était devenu une forme d'existence à mi-chemin de l'arbre et de la viande, prisonnière de la respiration humide de la forêt. Une cosse de fougère faîte de membranes carnées, déployée sur le sol de mousse, au bord de la rivière. L'eau l'avait débarrassé des impuretés humaines pour ne laisser de sa carcasse qu'une simple graine à la contenance étrange. Ses membres s'étaient redéployés différemment dans l'atmosphère propice, plus souples et diaphanes. Ça pouvait sentir la lumière traverser la courbure translucide de ce qui avait été ses bras, sentir l'os fondre en une matière plus tendre, et les jus qui bouillonnaient dans ses veines gagner en clarté, en fraîcheur, au fur et à mesure que le souffle sylvestre s'amassait, tourbillonnait dans les vaisseaux qui irriguaient sa forme.
C'était devenu une forme d'existence à mi-chemin de l'arbre et de la viande, prisonnière de la respiration humide de la forêt. Une cosse de fougère faîte de membranes carnées, déployée sur le sol de mousse, au bord de la rivière. L'eau l'avait débarrassé des impuretés humaines pour ne laisser de sa carcasse qu'une simple graine à la contenance étrange. Ses membres s'étaient redéployés différemment dans l'atmosphère propice, plus souples et diaphanes. Ça pouvait sentir la lumière traverser la courbure translucide de ce qui avait été ses bras, sentir l'os fondre en une matière plus tendre, et les jus qui bouillonnaient dans ses veines gagner en clarté, en fraîcheur, au fur et à mesure que le souffle sylvestre s'amassait, tourbillonnait dans les vaisseaux qui irriguaient sa forme.
- Malnir
- Messages : 88
Date d'inscription : 18/09/2018
Re: Quand j’étais la forêt
Mer 31 Jan 2024 - 23:17
J’étais sur le canal ce soir. Dans la pénombre bleue, tout paraissait flotter dans un calme serein. C’est étrange comme un ciel de pastel et une brume légère peuvent transporter le monde dans autre chose. Les lumières de la ville, silhouettes sombres des immeubles, tout se trouvait comme adouci. Un bref instant, j’ai senti que je pouvais oublier la réalité du monde, la réalité de ce que l’on vit. Il y avait une forêt autrefois de l’autre côté de l’onde, toute de pins droits et rouges. Leurs ramures faisaient comme une voûte noire d’épines. Je crois, là où il y a un cinéma, une discothèque et une maison de passe, il y avait une grande rocaille, la rivière s’infléchissait, glissait entre des bancs de sables mystérieux, là où pleuraient des flots de lichen et de mousses. C’était il y a longtemps, le temps est vite passé. La ville a gonflé, a enflé. Là où le silence était, on danse sur du néo-boogie. La Synarchie est apparue, a dévoré le pays, tous les pays. Il n’y a plus de pays. Je ne saurai pas sortir de la ville désormais. J’ignore tout à fait si ce qu’on dit est vrai, si tous le sud n’est plus qu’un désert fumant de grisaille brune cuite et recuite. J’ignore si on meurt pire dans le sud qu’en ville. J’ai entendu dire que des villes comme Lyon ou Marseille étaient de larges bidonvilles lépreux pressés autour des structures vitales de la Synarchie. Et tout le monde se moque que Paris soit une ruine qu’on fait visiter aux touristes à la journée. Ce que je sais, c’est que la nourriture est fade, que chaque fois que je mange, je doute de la réalité. Je mange les produits de synthèse. La seule chose qui a du goût ce sont l’alcool, les sodas et les sucreries.
Le temps passe vite. Il y a dix ans, je n’aurai pas cru ce que je vie aujourd’hui. Il y a dix ans, je n’aurai pas cru possible de supporter la forêt de verre et d’acier, les plages de béton et le néon, la pluie acide et tiède. On s’habitue à tout. Il y a dix ans, je me croyais français, et aujourd’hui je ne comprends pas ce que ça a pu signifier pour moi. Les corps sont sculptés par le sport et le fitness au milieu des ordures qui jonchent les trottoirs. Nos corps sont d’ultimes trésors qu’on n’en finit plus de polir et de contempler. Consommer, consumer, c’est devenu un geste rapide, compulsif et autocentré. Je ne peux plus penser hors de mon corps, hors de mes vêtements et de mon plaisir, de ces organes, de cet espace vaporeux dans mon crâne. Les implants, l’augmentation, la musculation, les tatouages et les piercings, la coiffure, la chirurgie esthétique, temporaire, fugace. Rien dans le durable, rien qui ne me survivra. Toute consommation est instantanée et finit dans le temps. Nous n’habitons plus l’espace, nous le traversons et l’endurons. Le sexe est le seul exutoire, le seul horizon de nos rêveries une fois le travail terminé. Je peux changer tout ce que je suis, tout reprendre et retirer hors de ce que j’ai dans le crâne. Ce que j’étais il y a deux semaines n’a pas d’importance. Tout n’est de toute façon qu’accumulation d’expérience. Nous sommes, pour ceux qui travaillons, des icônes d’acier et de chair, comme ces statuettes de cristallines et érotiques qui renferment les parfums. Et il y a les autres. Eux sont laids, parce qu’ils sont de la glaise.
Il n’y a rien dans la Synarchie, rien en dehors non plus, la Synarchie est une structuration collective du néant. Rien au-delà, rien en deçà. J’avais des idées politiques, je ne les ai plus. Il n’y a plus ni bien ni mal ni tabou ni rien. Plus aucune norme, plus aucune règle mais des toiles de contrats, des milliers d’articles. Il n’y a pas de liberté mais pas non plus d’objet à la liberté. En haut, tout en haut des tours de la ville il y a la Synarchie, qu’on ne voit pas. Personne ne saurait dire qui la forme. Ceux qui en sont l’élite sont puissant au-delà de toute limite, naturels et immatériels. Eux seuls ont une existence au-delà de leurs corps. Ils sont restés humains mais ils sont bien plus. Ils détiennent le luxe de ne pas avoir été changés par ces dernières décennies. Ils ont ce détachement et cette élégance brute qui est celle des flèches de granit, d’acier et de verre et de bois précieux d’où ils règnent, évanescents et tranchants.
J’étais au bord du canal l’autre soir, à chercher la forêt. Elle n’existe pas et a très bien plus ne pas exister du tout. Le passé n’existe pas, le futur devient le présent inexorablement. Comment pourrais-je même trouver, dans ces usés et ces déblais, la moindre trace de cette forêt. Même les chemins qui la parcouraient n’ont pas été conservés dans le tracé des rues. J’ai marché sur plusieurs kilomètres, jusqu’à atteindre les chantiers navals, l’atlantique. L’océan est la seule chose qui soit demeurée semblable depuis aussi longtemps que je me souvienne. J’ai eu envie de partir, d’abandonner la ville, ma vie et toute l’illusion qu’il me reste. Mais non, que je me perde plutôt dans une autre rêverie.
Le temps passe vite. Il y a dix ans, je n’aurai pas cru ce que je vie aujourd’hui. Il y a dix ans, je n’aurai pas cru possible de supporter la forêt de verre et d’acier, les plages de béton et le néon, la pluie acide et tiède. On s’habitue à tout. Il y a dix ans, je me croyais français, et aujourd’hui je ne comprends pas ce que ça a pu signifier pour moi. Les corps sont sculptés par le sport et le fitness au milieu des ordures qui jonchent les trottoirs. Nos corps sont d’ultimes trésors qu’on n’en finit plus de polir et de contempler. Consommer, consumer, c’est devenu un geste rapide, compulsif et autocentré. Je ne peux plus penser hors de mon corps, hors de mes vêtements et de mon plaisir, de ces organes, de cet espace vaporeux dans mon crâne. Les implants, l’augmentation, la musculation, les tatouages et les piercings, la coiffure, la chirurgie esthétique, temporaire, fugace. Rien dans le durable, rien qui ne me survivra. Toute consommation est instantanée et finit dans le temps. Nous n’habitons plus l’espace, nous le traversons et l’endurons. Le sexe est le seul exutoire, le seul horizon de nos rêveries une fois le travail terminé. Je peux changer tout ce que je suis, tout reprendre et retirer hors de ce que j’ai dans le crâne. Ce que j’étais il y a deux semaines n’a pas d’importance. Tout n’est de toute façon qu’accumulation d’expérience. Nous sommes, pour ceux qui travaillons, des icônes d’acier et de chair, comme ces statuettes de cristallines et érotiques qui renferment les parfums. Et il y a les autres. Eux sont laids, parce qu’ils sont de la glaise.
Il n’y a rien dans la Synarchie, rien en dehors non plus, la Synarchie est une structuration collective du néant. Rien au-delà, rien en deçà. J’avais des idées politiques, je ne les ai plus. Il n’y a plus ni bien ni mal ni tabou ni rien. Plus aucune norme, plus aucune règle mais des toiles de contrats, des milliers d’articles. Il n’y a pas de liberté mais pas non plus d’objet à la liberté. En haut, tout en haut des tours de la ville il y a la Synarchie, qu’on ne voit pas. Personne ne saurait dire qui la forme. Ceux qui en sont l’élite sont puissant au-delà de toute limite, naturels et immatériels. Eux seuls ont une existence au-delà de leurs corps. Ils sont restés humains mais ils sont bien plus. Ils détiennent le luxe de ne pas avoir été changés par ces dernières décennies. Ils ont ce détachement et cette élégance brute qui est celle des flèches de granit, d’acier et de verre et de bois précieux d’où ils règnent, évanescents et tranchants.
J’étais au bord du canal l’autre soir, à chercher la forêt. Elle n’existe pas et a très bien plus ne pas exister du tout. Le passé n’existe pas, le futur devient le présent inexorablement. Comment pourrais-je même trouver, dans ces usés et ces déblais, la moindre trace de cette forêt. Même les chemins qui la parcouraient n’ont pas été conservés dans le tracé des rues. J’ai marché sur plusieurs kilomètres, jusqu’à atteindre les chantiers navals, l’atlantique. L’océan est la seule chose qui soit demeurée semblable depuis aussi longtemps que je me souvienne. J’ai eu envie de partir, d’abandonner la ville, ma vie et toute l’illusion qu’il me reste. Mais non, que je me perde plutôt dans une autre rêverie.
- Leer
- Messages : 173
Date d'inscription : 16/08/2018
Re: Quand j’étais la forêt
Mer 31 Jan 2024 - 23:21
C'était une ville comme n'importe quelle autre. Une ville qui puait le désespoir et l'hypocrisie. Elle y arriva par le quartier pauvre, celui où il manquait des lattes aux toits. Comme le soleil allait bientôt se coucher, les rues pullulaient de badauds. Le fond de l'air contenait à grand-peine sa morsure. Ayant quelques sous en poche, elle passa acheter un morceau de fromage et prendre un bock dans la taverne. Entourée de chaleurs et de sueurs inconnues, reluquée puis oubliée au fil de conversations, elle s'oublia dans la chaleur et tendit l'oreille. C'était l'une des façons dont elle se reliait parfois aux nouvelles du monde. Ce monde d'humains sédentaires dont elle ne faisait plus tout à fait partie.
Elle tressaillit et se retourna vivement. La personne retira les doigts de son épaule et tenta un sourire encourageant. « Ahem,... Tu ne veux pas quelque chose de chaud, pour aller avec ? » Elle dévisagea la femme forte et douce. « La route a dû te fatiguer. » essaya encore celle-ci.
La villageoise adopta un froncement de sourcils qui reflétait celui de son interlocutrice, puis elle se décida à s'asseoir en face d'elle et appela le comptoir. « Fergus ! Un plat chaud et un grand pichet d'eau, ici ! », lui adressa un geste rassurant, et revint à l'affaire en cours.
L'affaire en cours : une étrangère. Seule. Jeune, sale, maigrichonne et étrangère. Pas étonnant qu'elle soit si méfiante. Quelle était son histoire ? Avait-elle été abandonnée par quelqu'un ? Se rendait-elle en quelque lieu lointain pour une requête magique et désespérée ? Magra se perdit en considérations, appuyée sur sa main, tandis que l'étrangère devenait de plus en plus froide et tendue en face d'elle. Le broc arriva.
« Ce n'est pas souvent qu'on voit une voyageuse, dans les parages. » lança Magra, en servant un verre et le poussant vers l'étrangère.
Elle n'attendait pas de réponse. Elle n'en obtint pas.
« Du type silencieux, je vois.
- Que voulez-vous ?
*haussement de sourcils* *Magra réfléchit* Te tenir compagnie... Pour commencer. Tu dois être très seule, d'après ce que je vois.
- Je n'ai pas besoin de compagnie.
- Une qualité dont peu de gens se vanteraient. Et tu n'as pas non plus besoin d'un lit pour la nuit, j'imagine ?
- *yeux s'étrécissent* Et vous voulez... ?
- Ton récit. Raconte-moi tes aventures. On s'ennuie dans ce village !
- Magra, le plat est prêt !
- J'arrive !
Elle alla elle-même le chercher. La flûtiste n'était pas aveugle aux quelques mots qui furent chuchotés et aux regards en coin de part et d'autre du comptoir. Aussitôt que Magra revint vers elle, le dit « Fergus » posa un œil sur la flûtiste, comme s'il la mettait au défi... de quoi ? Renverser le plat au visage de Magra ? La flûtiste lui renvoya un œil peu impressionné, il se replongea de toute façon en discussion avec les piliers de comptoir, chiffon sur l'épaule. Magra s'assit.
« Tiens. Mange. Ca va te remplir le ventre ! »
Un hochement de tête plus tard et elle descendait le ragoût avec reconnaissance. Elle avait du mal à s'arrêter entre deux lampées. La chaleur et le petit goût de viande qui y flottaient étaient infiniment rassurants. Cela lui rappelait...
Magra, les bras croisés et une tendresse amusée au visage, patienta.
- Hum hum !
La voyageuse revela la tête
- Tu devrais manger un peu plus lentement. Comment t'appelles-tu ?
La voyageuse choisit au hasard : « Shin. »
« Shin... Très bien. Eh bien, Shin. Je m'appelle Magra... je suis la cordonnière ici à Longfer. Ca fait vingt ans que je suis là, depuis que Berthus et moi nous sommes installés. Et toi ? (elle se pencha vers son interlocutrice avec un air de conspiratrice) Tu peux tout me dire ! D'où tu viens, où vas-tu comme ça ?
« Shin » hésita. Il n'y avait pas grand-chose à dire, vraiment. Mais si elle ne répondait pas, elle aurait vraiment l'air d'une fugitive.
- Je vis comme ça, en fait. finit-elle par marmonner
Une moue absolument dubitative croisa le visage de Magra.
- Comme... ça .. ?
Shin croisa son regard pour la première fois.
- Hm ! Il ne sera pas dit que je te laisserai repartir sans t'être lavée à l'eau chaude ! Tu dors chez moi ce soir, Shin. Tu es mon invitée. Ce n'est pas le grand-luxe, mais si tu vis... Comme ça (elle articula lentement ces mots), je vais mettre un point d'honneur à ce que tu repartes au moins... hum... Je ne veux pas te vexer, mais en meilleure allure. On dirait quelqu'un qui vole des œufs dans les poulaillers, et je commence à me demander si c'est ce que tu fais.
Shin n'avait nulle part où aller. Cela fut révélé en peu de temps. Magra lui proposa alors « un travail honnête ». Elle l'aiderait avec les chaussures, allant voir les clients pour prendre toutes les mesures ou coupant des lambeaux de cuir, et Magra la laissait dormir dans le lit supplémentaire de leur maison et partageait presque chaque souper avec elle. Son mari, Berthus, n'était pas un mauvais bougre, mais Shin avait un ressenti étrange. Il lui parlait peu, lui passait le pain à table. Mais quand il la regardait, c'était d'un air soucieux et lointain, et il ne manquait jamais de poser ensuite sa main sur celle de Magra et la caresser doucement.
Elle tressaillit et se retourna vivement. La personne retira les doigts de son épaule et tenta un sourire encourageant. « Ahem,... Tu ne veux pas quelque chose de chaud, pour aller avec ? » Elle dévisagea la femme forte et douce. « La route a dû te fatiguer. » essaya encore celle-ci.
La villageoise adopta un froncement de sourcils qui reflétait celui de son interlocutrice, puis elle se décida à s'asseoir en face d'elle et appela le comptoir. « Fergus ! Un plat chaud et un grand pichet d'eau, ici ! », lui adressa un geste rassurant, et revint à l'affaire en cours.
L'affaire en cours : une étrangère. Seule. Jeune, sale, maigrichonne et étrangère. Pas étonnant qu'elle soit si méfiante. Quelle était son histoire ? Avait-elle été abandonnée par quelqu'un ? Se rendait-elle en quelque lieu lointain pour une requête magique et désespérée ? Magra se perdit en considérations, appuyée sur sa main, tandis que l'étrangère devenait de plus en plus froide et tendue en face d'elle. Le broc arriva.
« Ce n'est pas souvent qu'on voit une voyageuse, dans les parages. » lança Magra, en servant un verre et le poussant vers l'étrangère.
Elle n'attendait pas de réponse. Elle n'en obtint pas.
« Du type silencieux, je vois.
- Que voulez-vous ?
*haussement de sourcils* *Magra réfléchit* Te tenir compagnie... Pour commencer. Tu dois être très seule, d'après ce que je vois.
- Je n'ai pas besoin de compagnie.
- Une qualité dont peu de gens se vanteraient. Et tu n'as pas non plus besoin d'un lit pour la nuit, j'imagine ?
- *yeux s'étrécissent* Et vous voulez... ?
- Ton récit. Raconte-moi tes aventures. On s'ennuie dans ce village !
- Magra, le plat est prêt !
- J'arrive !
Elle alla elle-même le chercher. La flûtiste n'était pas aveugle aux quelques mots qui furent chuchotés et aux regards en coin de part et d'autre du comptoir. Aussitôt que Magra revint vers elle, le dit « Fergus » posa un œil sur la flûtiste, comme s'il la mettait au défi... de quoi ? Renverser le plat au visage de Magra ? La flûtiste lui renvoya un œil peu impressionné, il se replongea de toute façon en discussion avec les piliers de comptoir, chiffon sur l'épaule. Magra s'assit.
« Tiens. Mange. Ca va te remplir le ventre ! »
Un hochement de tête plus tard et elle descendait le ragoût avec reconnaissance. Elle avait du mal à s'arrêter entre deux lampées. La chaleur et le petit goût de viande qui y flottaient étaient infiniment rassurants. Cela lui rappelait...
Magra, les bras croisés et une tendresse amusée au visage, patienta.
- Hum hum !
La voyageuse revela la tête
- Tu devrais manger un peu plus lentement. Comment t'appelles-tu ?
La voyageuse choisit au hasard : « Shin. »
« Shin... Très bien. Eh bien, Shin. Je m'appelle Magra... je suis la cordonnière ici à Longfer. Ca fait vingt ans que je suis là, depuis que Berthus et moi nous sommes installés. Et toi ? (elle se pencha vers son interlocutrice avec un air de conspiratrice) Tu peux tout me dire ! D'où tu viens, où vas-tu comme ça ?
« Shin » hésita. Il n'y avait pas grand-chose à dire, vraiment. Mais si elle ne répondait pas, elle aurait vraiment l'air d'une fugitive.
- Je vis comme ça, en fait. finit-elle par marmonner
Une moue absolument dubitative croisa le visage de Magra.
- Comme... ça .. ?
Shin croisa son regard pour la première fois.
- Hm ! Il ne sera pas dit que je te laisserai repartir sans t'être lavée à l'eau chaude ! Tu dors chez moi ce soir, Shin. Tu es mon invitée. Ce n'est pas le grand-luxe, mais si tu vis... Comme ça (elle articula lentement ces mots), je vais mettre un point d'honneur à ce que tu repartes au moins... hum... Je ne veux pas te vexer, mais en meilleure allure. On dirait quelqu'un qui vole des œufs dans les poulaillers, et je commence à me demander si c'est ce que tu fais.
Shin n'avait nulle part où aller. Cela fut révélé en peu de temps. Magra lui proposa alors « un travail honnête ». Elle l'aiderait avec les chaussures, allant voir les clients pour prendre toutes les mesures ou coupant des lambeaux de cuir, et Magra la laissait dormir dans le lit supplémentaire de leur maison et partageait presque chaque souper avec elle. Son mari, Berthus, n'était pas un mauvais bougre, mais Shin avait un ressenti étrange. Il lui parlait peu, lui passait le pain à table. Mais quand il la regardait, c'était d'un air soucieux et lointain, et il ne manquait jamais de poser ensuite sa main sur celle de Magra et la caresser doucement.
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