Le Pare-tempêtes
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Pantouffe
Pantouffe
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CC N°9  Thème 75 : La dernière garde Empty CC N°9 Thème 75 : La dernière garde

Jeu 20 Sep 2018 - 16:16
PAR PANTOUFFE

La nuit s'infiltrait par les interstices du ciel, poissant les feuillages denses qui parlaient à la brise. Il y avait un long murmure dans la forêt, un chuchotement de feuilles bavardes, retournées ou bousculées par les doigts tapageurs du vent, par le soulèvement emphatique des bêtes nocturnes ou par le pied léger des créatures graciles qui ne vivaient que dans le clair de lune. Une mélodie sous-jacente de mandibules affairées à enrichir l'humus, un friselis torpide et entêtant de verdure froissée. Et quelque part, inaudibles des plaintes, des bruits distants d'agonie, de cristallins gargarismes de mort. Quelque part, le bruit de grelot émis par les enfants.
Ici, le feu, la braise qui chauffe, qui se craquèle dans l'âtre comme un cœur brisé, les respirations entremêlées des hommes endormis. L'humanité en sommeil dans son bivouac, rompue et repue, vivant au ralentis. Parfum de graisse chaude et de sueur saline polluant l'odeur d'humus- relents d'haleines colorées par l’ivresse. Des haleines rouges dans la nuit bleue. Volutes d'encens tracés dans l'air, quand leur corps s'est consumé d'effort. Ébullition charnelle, usure de l'être. Leur fatigue, leur chants et leurs odeurs rapportés de la mer. Ils ont leur propre philharmonie secrète, les pirates. Des ronflements bruns, couleur de terre, qui s'éraillent aux lèvres, se ravalent en grondant. Pesants, profonds et emphatiques. Et partout la musique, dans chaque infime harmonique. Les corps comme autant de boîtes à musiques grinçantes délivrant quelques notes, les bois comme un orchestre travaillant au détail, un arpège après l'autre. Un violon sur chaque branche, un piano sous la terre. Des claviers enchantés enclenchées quelque part quand on y pose le pied- en tendant l'oreille, un tambour qui s'affole (son cœur d'oiseau lui bat aux tympans). Peut-être quelqu'un joue t'il vraiment de la flûte ; il y a des faunes dans la forêt. Il y a des enfants, des fées et des indiens en chasse. Et des satyres qui rôdent. Il en connaît bien un d'ailleurs, un de ces demis-homme au corps de glaise, formés par l'île à même la malléabilité de son humanité défaillante. Ignominie caprine à la bestialité savante qui se réinvente sans cesse au gré des mots pirogues glissant de sa gueule brune ; Bartel grogne t'il aimablement à qui demande son nom. Un monstre séduisant d'une compagnie charmante tant que l'écume du rut ne lui vient pas aux lèvres, et que s'excite alors autre chose que ses mains ou sa langue érectile. Pressent-il l'intrusion comme le font les enfants ? Est-il occupé à rôder quelque part, en quête d'une chair perméable où s'enfouir et grailler ? Banquet d'entrailles au diapason de sa luxure dansante, comme il aime honteusement faire, a t'il déjà avouer... Il pourrait être là à guetter dans le sous-bois. Rêvant à ces corps d'hommes endormis, démunis face à ses intrusions. Prêts à saigner pour lui tous leurs sucs et leurs cris.

les flancs moulés par le claquement des branches, par les coups de fouet des bois sur leur échine fuyante.
zaza onctuosité de la chair entrelacée de lumière
palper la nuit
(inachevé)
Pantouffe
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CC N°9  Thème 75 : La dernière garde Empty Re: CC N°9 Thème 75 : La dernière garde

Jeu 20 Sep 2018 - 16:18
PAR MALNIR

L’aurore approchait. Entre les hautes montagnes découpées, toutes en dents acérées et escarpées, un vent froid soufflait, annonçant l’approche du jour nouveau. La neige qui recouvrait leurs rocs sombres se parait de teintes bleutées, répondant au ciel où les étoiles frémissaient et dont le bleu pétrole à l’est palissait toujours d’avantage, jusqu’à blanchir. Enfin le soleil émergea, rose qui déploya ses pétales iridescentes sur le pays. Il fit étinceler la neige de milles feux, fit des pics des pointes incandescentes, joua avec les stalactites des cascades gelées et glissa sur la glace des lacs. Il vint faire reluire l’armure de plate argentée du chevalier qui reposait sous l’un d’entre eux, à quelques pas de la berge. Sa caresse tiède en fit ressortir les nielles, les entrelacs, les longues lignes élégantes qui s’y dessinaient. À ses côtés reposait son épée, longue lame aux reflets irisés dont le pommeaux s’achevait par une délicate couronne noire. De la visière de son casque dépassait encore la longue dague qui lui avait perforé le crâne au niveau de l’œil et le sang qui s’en était échappé lorsqu’il était tombé s’était figé dans l’eau en un nuage plein de volutes.

Le chevalier avait longtemps été l’un des gardiens du Col des Aigles, le dernier avant-poste de l’Empire, au nord-est de la province de Wealdhelm. Au delà s’étendait les montagnes de la Grande Chaîne qui séparait au sud l’Empire du doux royaume de Lyonesse. Au nord, la chaîne s’élargissait encore, sur plusieurs trentaines de lieux, et nul ne savait ce qu’il y avait plus loin. La route qui passait le Col des Aigles était déjà là quand l’Empire avait conquit Wealdhelm, et les habitants de ce vieux royaume l’avaient toujours connue. Au delà, les montagnes s’étendaient en tout sens, élevant leurs flancs colossaux, étageant leurs éperons et leurs sommets sous les neiges qui ne fondaient qu’en été. On disait qu’à une cinquantaine de lieues, en suivant cette route, on atteignait la contrée septentrionale de Lémoné, où jamais rien ne changeait. Las, personne n’avait pu l’atteindre. Le froid et les créatures féroces avaient raison d’eux bien avant. Et le Monde inférieur avait de nombreuses entrées dans les vallées encaissées qui y menaient. De leurs gouffres surgissaient parfois des êtres terrifiants qui, s’ils sortaient des montagnes, iraient semer la mort dans l’Empire. Pour se protéger d’eux, les ancêtres du Wealdhelm avaient édifié la Tour des Aigles.

Carrée, haute d’une quinzaine de toise, elle s’appuyait contre le versant nord du col et s’entourait d’une chemise circulaire festonnée de tourelles, qui en protégeait aussi les annexes ; réfectoires, forges, écuries, cuisines, dortoirs, et salles d’armes, sans oublier la chapelle de la Cathèdre qui élevait sa flèche et s’avançant jusqu’à surplomber les murailles, ses lourds contreforts enserrant la courtine sous leurs masses colossales. Depuis ce puissant bastion partait un long fossé et un rempart qui fermaient le col en une longue ligne. Il n’était guère plus beau spectacle que la vue de ses fiers gardes, élite parmi les soldats de la province, effectuer leurs rondes sous le soleil doré qui faisait resplendir les sommets. De jour comme de nuit ils arpentaient les fortifications, observaient les alentours du col, ses étendues enneigées l’hiver ou herbeuse l’été, qui filaient en pente douce vers un lac d’un bleu sombre. Là bas s’élevait une forêt de hauts pins qui se poursuivaient jusqu’aux vallons encaissés qui constituaient la première étape de la Route de Lémoné.

Ainsi, pendant des siècles, la garde resta en poste, et d’aucun disaient qu’elle tiendrait toujours la frontière. Puis vint la période trouble de la Guerre Civile qui mit bas l’Empire. Les armées en déroutes pullulaient, les provinces s’affrontaient et en Hercynée, dans la vieille capitale, le Trône demeurait vide au milieu des décombres du palais. Et pourtant, en dépit de ce monde qui sombrait dans le Chaos, la garde tint bon. Toujours ses chevaliers en armure d’argent et ses sentinelles aux yeux perçants poursuivaient leur tache, tenus à leur unique rôle et serment. Ils laissèrent passer ainsi des centaine de voyageurs, fuyant la désolation qui les avait frappé, et qui espéraient trouver en Lémoné a paix qu’ils avaient perdu. Nul ne sut jamais s’ils y arrivèrent. Du moins aucun ne revint.

Puis une nuit de fin d’automne, presque un an plus tard, comme les premiers flocons dansaient dans le crépuscule gris et que les ombres s’allongeaient, un homme vint frapper aux portes du mur, venant de la Route. Il disait venir apporter des nouvelles des voyageurs. Les chevalier lui ouvrirent, sur leur garde. L’inconnu n’était pas bien grand, mince, portant seulement une tunique et une cape, ses pieds nus foulant sans dommage les roches dures comme la boue froide de la cour. Son visage juvénile était aussi d’une maturité stupéfiante, comme s’il avait vu et vécu plus que ce que plusieurs vies pouvaient offrir. Ses cheveux ailes de corbeau étaient entremêlés en boucles qui couvraient jusqu’à ses oreilles, et ses yeux gris orage brillaient d’un éclat malicieux. Il fut conduit, étroitement surveillé, jusqu’au réfectoire où il expliqua que les réfugiés avaient atteint Lémoné et ses terres de paix, et avaient fondé une colonie à l’entrée de la route, surplombant les plaines centrales. Là bas, la terre était fertile et donnait sans grand labeur, et tous étaient heureux. Lui était revenu pour annoncer l’heureuse nouvelle et demander quelques outils qui manquaient parfois et seraient difficiles à produire là bas. On l’écouta avec bienveillance, et on lui offrit l’asile pour la nuit. Ces nouvelles avaient grandement réconforté les gardiens, qui assistaient eux à l’agonie de l’Empire, toujours plus exsangue.

La nuit vint, froide. La lune et les étoiles avaient disparues derrière les lourds nuages et la neige venait blanchir les murs, le sol, faisait disparaître lentement les détails du château sous son manteau blanc. Un cri terrible retentit, venant de la Tour Magne, glaçant d’effrois les sentinelles en faction. S’y joignirent d’autres hurlements qui bientôt formèrent un tout qui résonnait, haut et clair, venant de gorges au supplice, et se répercutait dans les montagnes. Il faisait vibrer le sol, se multipliait en échos et hérissait la peau de ceux qui l’entendaient. Enfin il cessa, et à ce moment toutes les lumières aux fenêtres de la tour frémirent et s’éteignirent. Un froid mordant s’abattit sur le col. Brandissant leurs torches, les gardes entrèrent, et trouvèrent leur compagnons morts, gisant là même où l’instant d’avant ils s’activaient ; qui devant une bibliothèque, qui assis sur sa chaise, devant l’âtre éteint, qui dans son lit où il sommeillait, qui affalé sur sa table au milieu des reliefs de son repas inachevé. Un silence glaçant planait sur ce spectacle affreux, et le froid, toujours plus intense, déjà déposait une couche de givre sur la peau des cadavres qui scintillaient dans la lumière des flammes.

Voyant cela, beaucoup s’enfuirent et vinrent se réfugier sur le bastion de la porte, au milieu du mur du col. D’autres plus courageux progressèrent dans les étages, le cœur serré. Ils montaient vers la chambre qu’ils avaient cédée au garçon étrange, mais la trouvèrent vide ; la fenêtre était brisée, le vent s’y engouffrait et faisait danser les tentures du lit défait, amenant un peu de neige sur le plancher. Un rire cristallin et sinistre leur fit lever la tête. L’enfant était assis en tailleurs au plafond, tête vers le bas. Ses yeux étaient deux étoiles dans son visage assombris et sinistre. Alors que déjà quelques chevaliers armaient leurs arbalètes, il se mua en une ombre monstrueuse qui bondit sur eux. Un seul réussit à y échapper. Encore au seuil de la porte, il avait dévalé les escaliers en hurlant comme un fou, sa torche éteinte encore serrée dans sa main. Les bruits sinistres venant d’au dessus entretenaient sa terreur, il se cognait aux murs en essayant de sortir et finit par atteindre les remparts déserts. La neige tombait drue, noyant sous son averse le col plongé dans le noir le plus total. Tâtonnant, il atteignit le bastion d’entrée, trouva les battants des portes grands ouverts, les corps de ses compagnons gisaient au sol, épars, ensanglantés. Alors l’averse cessa, les nuages se dispersèrent et la Lune drapa le paysage d’une lumière cendreuse.

Il s’aventura dehors l’épée au poing. Une forme se profila devant lui dans l’encadrement du portail, et il reconnut le monstrueux garçon. Il se précipita en avant, tremblant de tout ses membres, avec l’espoir fou qu’il pourrait l’abattre avant de mourir à son tour. Mais l’ombre se défila, et partit le long de la route vers le lac. Il se figea, hagard, incertain. Finalement il partit à sa poursuite. Le sol glissait, la neige crissait sous ses grèves d’acier, il manqua de tomber plusieurs fois mais finit par atteindre l’étendue d’eau, étale. Une fine pellicule de glace en couvrait la surface, et brillait comme un miroir. Un silence doux, une étrange sérénité baignait le pays, et il n’entendit bientôt plus que les battements sourd de son cœur...
Soudain il entendit un craquement dans son dos. Il se retourna brusquement, l’épée en l’air, prête à frapper, et une douleur fulgurante rayonna de son œil gauche. L’instant d’après son esprit se brouillait et volait en milles éclats écarlates. Un grondement d’orage emplit ses oreilles et se mua en sons de clochettes. Sa main s’amollit, il laissa tomber son arme et s’effondra d’un bloc en arrière dans l’eau glacée.
Pantouffe
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Jeu 20 Sep 2018 - 16:19
PAR PEINTREDALAMBIC

Dans le lit, l'enfant dort. Son sommeil est agité, car la fièvre l'a saisit. Elle l'a saisit il y a assez longtemps pour que ses joues soient creuses et ses yeux cernés de gris, pour que ses lèvres soient pâles et son souffle rauque, comme un vieux râle. Il dort, l'enfant, et ses paupières s'agitent. A côté de lui, dans la lumière vacillante de la bougie, la vieille nourrice tricote, cessant parfois son ouvrage pour changer le linge humide posé sur le front brûlant de l'enfant. Dans la nuit, dans la demeure, on n'entend que la respiration craquante et le cliquetis des aiguilles métalliques. Au pied du lit, Il attend, assis et droit, ses yeux fixés vers les ombres qui rampent à la lisière des lambeaux mordorés de la bougie, les oreilles tendues. Il est le seul à voir. Il veille.

Il veille car il sait que chaque soir, le Creux vient.

La vieille ne l'a jamais vu elle, elle n'a jamais vu le Creux qui vient des ombres. Il ne fait pas plus de bruit qu'une bise, non, ni n'est très visible. Diaphane, à peine là, chaque soir il s'approche un peu plus. Ni brun ni gris, il vient, tourne son regard d'obscurité vers le lit, et attend. Il reste à distance, car il sait que le Veilleur le voit. Le Creux n'aime pas qu'on le voit.

Ce soir, comme les autres soir, le Veilleur attend donc. Il scrute les ombres, attend le Creux, ses pupilles perçant la nuit. Il garde l'enfant, car il sait bien lui, que ces eaux pleines d'herbes n'empêcheront pas le Creux de venir et de prendre le petit. La bougie vacille parfois, quand un courant d'air vient, menace de s'éteindre ; la vieille nourrice rouspète, mais le Veilleur n'en a cure. La nuit est limpide pour lui, elle est son amie. L'enfant gémit ; Il tourne une oreille, pas plus, car il sait qu'il ne doit pas quitter l'ombre du regard. C'est de là que vient le Creux.

La vieille nourrice, une énième fois, prend le linge sur le front de l'enfant, le trempe dans le baquet à ses pied, puis le repose. La fraîcheur du tissu humide calme le petit malade et le silence revient. Pesant. Le Veilleur toujours attend. L'ombre du fond de la pièce est immobile.

Il attend, sentinelle intangible.

Il attend, intangible, son regard d'ambre, puits sans fond, fixant et lisant la nuit.

Il attend le Creux.

Il attend.

La bougie s’éteint ; la vieille s'est assoupie. Le pelage gris du Veilleur se hérisse ; le Creux est là.

Silhouette sans contour, visage sans nom et corps sans poids, il est face au lit. Le Veilleur, de ses yeux de braise, de ses deux yeux qui maintenant étincellent dans l'ombre, interdit au Creux de s'approcher du petit.

Il s'approche pourtant, et le Veilleur, pour l'écarter, se dresse, hérisse son dos !

N'approche pas !

Le Creux encore s'approche; le Veilleur sort les griffes, se ramasse, prêt à bondir. Il ne le laissera pas s'approcher du petit.


Le soleil se lève et la vieille, en s'étirant assez pour faire craquer chacun des vieux os de son dos, se réveille. A côté d'elle l'enfant dort encore, le souffle calme ; elle touche du revers de la main son front ; la fièvre a baissé. Elle ramasse ses aiguilles, son tricot, et se lève pour aller chercher une infusion et des tartines pour le petit. Mais, elle s'arrête ; au pied du lit, le chat est étendu, raide.

Il est mort dans la nuit.
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