- Pantouffe
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CC N°10 Thème 40 : Lame, elle l'astique
Jeu 20 Sep 2018 - 16:21
Furtive elle se glisse entres les colonnes d'ombres, ondule au clair de lune qui larde les cloisons. Elle se gondole dans ces tranchées de clarté, se tord brièvement d'un mouvement qui se veut empreint d'une félinité fougueuse ; mais il n'y a dans ses entrechats et dans ses gestes de replis qui lui saisissent le corps quand la lumière la touche, pas tant de grâce qu'un vague grouillement. Une effervescence d'insecte, une compulsion mécanique. Elle s'étend avec fébrilité, et puis l'instant d'après, ravale ses propres membres. Sa chair crémeuse est un vortex dont le cœur avide s'ouvre au centre du corps, à mis-chemin des pieds arqués et de la cime du crâne, en le sépulcre carmin de sa poitrine malade. Là où naissent aussi bien ses souffles chuintants que ses toux moites, automnes charnels d'expirations, de glaires, de sang et viscères qui tremblent.
Elle y met pourtant toute sa maigreur haletante, toute sa souplesse de saule. Tout ce qu'il y a de grâce dans sa petitesse rongée transite dans ces bonds de biche cadavérique aux côtes stridulantes de faim, désarticulée à chaque saut guenilleux. Faon peuplé de vermine menacé par la dislocation, à chaque retombée morçelante sur le sol de pierre, comme un pantin brinquebalant projeté trop lourdement contre les dalles glaciales.
Elle y met pourtant toute sa maigreur haletante, toute sa souplesse de saule. Tout ce qu'il y a de grâce dans sa petitesse rongée transite dans ces bonds de biche cadavérique aux côtes stridulantes de faim, désarticulée à chaque saut guenilleux. Faon peuplé de vermine menacé par la dislocation, à chaque retombée morçelante sur le sol de pierre, comme un pantin brinquebalant projeté trop lourdement contre les dalles glaciales.
jeune fille née hors mariage qui astique la lame de son père seigneur décédé sur le champs de bataille, santé fragile elle même
(inachevé)
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Re: CC N°10 Thème 40 : Lame, elle l'astique
Jeu 20 Sep 2018 - 16:21
PAR MALNIR
l arrivait ivre et débraillé, son pantalon maculé de graisse, sa cravate de travers et sa chemise froissée et couverte de sueur. Madame K. n'avais que rarement connu de semaines où son mari ne rentrait pas vers trois heures du matin, chancelant, empestant la bière dans son vieux manteau miteux. Il montait les escaliers de l'immeuble en faisant un bruit de tout les diables, et ses pas lourds s'arrêtaient devant la porte de leur appartement. Elle attendait alors, éveillée en sursaut dans le lit conjugal, elle attendait qu'il entre, l'entendant faire cliqueter ses clefs contre la serrure avant d'enfin réussir à les enfoncer et de s'ouvrir. Alors il entrait. Souvent, il était trop abruti d'alcool pour la toucher, mais quand il ne l'était pas, elle ne trouvait pas de recours que de rester recroquevillée, attendant que ses coups cessent et qu'il s'endorme en ronflant à ses côtés.
Monsieur K. avait pourtant, au delà de ces pitoyables et pénibles retours de bars et de lupanars, une apparence des plus amènes. Le matin, sa femme le trouvait sifflotant dans la petite salle de bain, les traces des excès de la veille gommés par sa douche. Il se retournait quand elle arrivait, et la détaillait avec un vague sourire, presque tendre si on oubliait ses coups. La quarantaine à peine passée, les cheveux soigneusement coiffés de côté, une fine moustache en aiguille, lui donnant l'apparence d'un officier, il la toisait de toute sa hauteur, et Dieu qu'il était grand ! Nu, il s'exposait sans complexe à son épouse, il s'admirait dans le reflet de ses yeux. Le matin, il était doux, mais surtout affamé. Il la saisissait souvent et la saillait contre le mur carrelé. Puis aussitôt qu'il avait joui, il la lâchait, et s'éloignait pour se revêtir d'un habit propre et repassé, inlassablement nettoyés par sa femme à mesure qu'il les souillait. Il saisissait sa mallette de cuir et partait au travail, la laissant seule. Elle savait qu'il irait prendre un café et un croissant au bar-tabac du coin, avant de rejoindre les bureaux. Et s'il avait faim au soir, alors il irait prendre un repas léger au restaurant, et son appétit ouvert irait chez Madame Prudence. Après quoi, la boite de Pandore ouverte, il irait écumer l'avenue de Pigale. Mais si à dix-neuf heure il était rentré, alors la soirée serait calme. Il dînerait avec elle, se servirait un verre de whisky et irait bien vite se coucher.
Quand la porte de l'appartement claquait derrière son mari, Madame K. se relevait lentement, s'essuyait du mieux qu'elle pouvait, s'observait dans le miroir. Elle avait été belle à vingt ans. À présent, elle s'était tassée, s'était faite plus inquiète. Tout son reflet renvoyait une image de soumission timide et malheureuse. Peu à peu, Monsieur K. avait perdu de son intérêt pour son corps et était venu taquiner d'autres jupons. Ou plutôt absorber d'autres jeunesses. Il ne s'en cachait pas ; il le disait lui même qu'il pressait ses amantes et les courtisanes comme des fruits pour en extraire la vigueur et la beauté. Une fois il le lui avait dit, ravi de sa boutade ; il l'avait exploité, corrodée à son contact, il la consumait et la possédait toujours plus. Elle était sa chose, c'était ainsi qu'il l’appelait souvent : « ma chose ».
Une fois propre, elle saisissait les vêtements de la veille, laissés en vrac au sol, et faisait une lessive. Si Monsieur K. ne trouvait pas de vêtements appropriés au moment de sortir de son bain, ça n'était pas son étreinte mais ses coups qu'elle subissait. En quinze ans de mariage, elle n'avait oublié que cinq fois. Puis elle rangeait l'appartement, et partait travailler dans l'épicerie du coin pour l'après-midi. Au retour, elle faisait à manger pour deux, attendait jusqu'à vingt heure, et s'il n'était pas rentré invitait sa voisine de palier, une grand-mère décatie, pour partager son repas. La vieille avait depuis longtemps saisie tout de la situation et, elle le savait, goûtait avec une certaine perversité de la situation. Elle épiait le retour de son mari, ricanant dans la pénombre de son salon. Et puis grâce à ça, elle s'épargnait ainsi de faire ses repas jusqu'à trois fois par semaine.
Enfin, la voisine ridée l'ayant laissée avant vingt-et-une heure, elle s'allumait une cigarette et allait à la fenêtre. Elle fumait quelques minutes, se rêvait une autre vie, prenant soin à ce que jamais l'odeur du tabac entre à l'intérieur : Monsieur K. détestait ça. Enfin elle allait faire la vaisselle, grimaçant si par hasard elle forçait trop sur son index gauche. Une fois, elle avait eu le doigt cassé, et depuis celui-ci restait plus raide que les autres. L'eau chaude lui faisait du bien, elle poursuivait ses rêves dans ce nuage de vapeur chaude. Elle avait fantasmé une vie sur les plages du sud, heureuse. Elle avait renoncé depuis et cette idée s'empoussiérait dans son esprit. Elle allait se coucher enfin et sombrait dans un sommeil léger et anxieux.
La porte qui claquait en se refermant la réveilla une nuit d'hivers, et elle le vit entrer, tanguant plus qu'un navire dans une tempête, semant dans son sillage de la boue des pavés. Enfin, il s’avachit en travers du lit, sa poitrine se soulevant à peine. Une effluve de mauvais vin l'accompagnait comme un halo nauséabond et elle en fut étourdie. Il s'y mêlait une autre odeur, qu'elle mit quelques instants à identifier : celle du sang. Elle cru défaillir. Elle prit soudain conscience des traces de sang qui maculaient les manches de son manteau, puis du long couteau qu'il étreignait dans sa main, et se retint de crier. D'un bond elle était debout, elle reculait jusqu'à être dos au mur et y resta tétanisée quelques longues minutes. Un mouvement agita Monsieur K., qui se redressait péniblement jusqu'à être presque assis contre la tête de lit.
« Ma chose, nettoie moi ça. »
Il posa l'arme sur la table de chevet. Et attendit. Se ressaisissant, elle se précipita, sautillant presque de terreur. Elle agrippa le manche, l'emporta vers l'évier.
Elle ouvrit le robinet d'eau chaude, saisit une éponge, commença à frotter le manche, puis la lame. Elle l'astiquait de toute ses forces, essayant d'en faire partir les traces coagulées qui s'y accrochaient. Le bois du manche était coloré d'une teinte mauve, impossible à faire partir, elle cru devenir folle. Pendant ce temps l'homme s'était dévêtu et s'était dirigé par saccades vers la salle de bain. Bientôt elle l'entendit qui se lavait, et qui lui marmonnait.
« Ce salaud l'avait bien cherché tu sais. M'interdire l'entrée dans son bordel, le con. »
Elle éclata en sanglot, et au travers de ses larmes elle continuait de passer son éponge sur la lame qui brillait à présent d'un bel éclat. Des bottes martelaient les escalier, elle entendait leur bruit pesant, et soudain la porte fut ébranlée ;
« POLICE ! »
Elle s'effondra au sol, agitée de spasme, serrant contre elle le couteau avec lequel elle s'entailla les doigts jusqu'à l'os. Le sang vint couvrir la lame miroitante et elle hurla. La porte céda et les officiers entrèrent. En quelques instants elle fut saisie, on lui fit lâcher l'arme et l’asseoir sur une chaise. Elle entendit des protestations, des cris, des bruits de lutte puis Monsieur K. sortir sans connaissance, traîné par deux agents, le visage couvert de sang. Un bourdonnement vint couvrir tout son, puis un voile noir s'abattit sur ses yeux. Elle s'effondra sans connaissance.
Plusieurs mois s'écoulèrent avant que la guillotine ne vienne faire de madame K. madame Clisson, veuve de l'assassin violent Vincent K.. Une fois la fièvre journalistique autour du procès retombée, elle fut envoyée en maison de repos. Sa raison l'avait alors totalement abandonnée et très vite, elle qui avait vécue ignorée du monde, elle finit son existence oubliée de lui.
Monsieur K. avait pourtant, au delà de ces pitoyables et pénibles retours de bars et de lupanars, une apparence des plus amènes. Le matin, sa femme le trouvait sifflotant dans la petite salle de bain, les traces des excès de la veille gommés par sa douche. Il se retournait quand elle arrivait, et la détaillait avec un vague sourire, presque tendre si on oubliait ses coups. La quarantaine à peine passée, les cheveux soigneusement coiffés de côté, une fine moustache en aiguille, lui donnant l'apparence d'un officier, il la toisait de toute sa hauteur, et Dieu qu'il était grand ! Nu, il s'exposait sans complexe à son épouse, il s'admirait dans le reflet de ses yeux. Le matin, il était doux, mais surtout affamé. Il la saisissait souvent et la saillait contre le mur carrelé. Puis aussitôt qu'il avait joui, il la lâchait, et s'éloignait pour se revêtir d'un habit propre et repassé, inlassablement nettoyés par sa femme à mesure qu'il les souillait. Il saisissait sa mallette de cuir et partait au travail, la laissant seule. Elle savait qu'il irait prendre un café et un croissant au bar-tabac du coin, avant de rejoindre les bureaux. Et s'il avait faim au soir, alors il irait prendre un repas léger au restaurant, et son appétit ouvert irait chez Madame Prudence. Après quoi, la boite de Pandore ouverte, il irait écumer l'avenue de Pigale. Mais si à dix-neuf heure il était rentré, alors la soirée serait calme. Il dînerait avec elle, se servirait un verre de whisky et irait bien vite se coucher.
Quand la porte de l'appartement claquait derrière son mari, Madame K. se relevait lentement, s'essuyait du mieux qu'elle pouvait, s'observait dans le miroir. Elle avait été belle à vingt ans. À présent, elle s'était tassée, s'était faite plus inquiète. Tout son reflet renvoyait une image de soumission timide et malheureuse. Peu à peu, Monsieur K. avait perdu de son intérêt pour son corps et était venu taquiner d'autres jupons. Ou plutôt absorber d'autres jeunesses. Il ne s'en cachait pas ; il le disait lui même qu'il pressait ses amantes et les courtisanes comme des fruits pour en extraire la vigueur et la beauté. Une fois il le lui avait dit, ravi de sa boutade ; il l'avait exploité, corrodée à son contact, il la consumait et la possédait toujours plus. Elle était sa chose, c'était ainsi qu'il l’appelait souvent : « ma chose ».
Une fois propre, elle saisissait les vêtements de la veille, laissés en vrac au sol, et faisait une lessive. Si Monsieur K. ne trouvait pas de vêtements appropriés au moment de sortir de son bain, ça n'était pas son étreinte mais ses coups qu'elle subissait. En quinze ans de mariage, elle n'avait oublié que cinq fois. Puis elle rangeait l'appartement, et partait travailler dans l'épicerie du coin pour l'après-midi. Au retour, elle faisait à manger pour deux, attendait jusqu'à vingt heure, et s'il n'était pas rentré invitait sa voisine de palier, une grand-mère décatie, pour partager son repas. La vieille avait depuis longtemps saisie tout de la situation et, elle le savait, goûtait avec une certaine perversité de la situation. Elle épiait le retour de son mari, ricanant dans la pénombre de son salon. Et puis grâce à ça, elle s'épargnait ainsi de faire ses repas jusqu'à trois fois par semaine.
Enfin, la voisine ridée l'ayant laissée avant vingt-et-une heure, elle s'allumait une cigarette et allait à la fenêtre. Elle fumait quelques minutes, se rêvait une autre vie, prenant soin à ce que jamais l'odeur du tabac entre à l'intérieur : Monsieur K. détestait ça. Enfin elle allait faire la vaisselle, grimaçant si par hasard elle forçait trop sur son index gauche. Une fois, elle avait eu le doigt cassé, et depuis celui-ci restait plus raide que les autres. L'eau chaude lui faisait du bien, elle poursuivait ses rêves dans ce nuage de vapeur chaude. Elle avait fantasmé une vie sur les plages du sud, heureuse. Elle avait renoncé depuis et cette idée s'empoussiérait dans son esprit. Elle allait se coucher enfin et sombrait dans un sommeil léger et anxieux.
La porte qui claquait en se refermant la réveilla une nuit d'hivers, et elle le vit entrer, tanguant plus qu'un navire dans une tempête, semant dans son sillage de la boue des pavés. Enfin, il s’avachit en travers du lit, sa poitrine se soulevant à peine. Une effluve de mauvais vin l'accompagnait comme un halo nauséabond et elle en fut étourdie. Il s'y mêlait une autre odeur, qu'elle mit quelques instants à identifier : celle du sang. Elle cru défaillir. Elle prit soudain conscience des traces de sang qui maculaient les manches de son manteau, puis du long couteau qu'il étreignait dans sa main, et se retint de crier. D'un bond elle était debout, elle reculait jusqu'à être dos au mur et y resta tétanisée quelques longues minutes. Un mouvement agita Monsieur K., qui se redressait péniblement jusqu'à être presque assis contre la tête de lit.
« Ma chose, nettoie moi ça. »
Il posa l'arme sur la table de chevet. Et attendit. Se ressaisissant, elle se précipita, sautillant presque de terreur. Elle agrippa le manche, l'emporta vers l'évier.
Elle ouvrit le robinet d'eau chaude, saisit une éponge, commença à frotter le manche, puis la lame. Elle l'astiquait de toute ses forces, essayant d'en faire partir les traces coagulées qui s'y accrochaient. Le bois du manche était coloré d'une teinte mauve, impossible à faire partir, elle cru devenir folle. Pendant ce temps l'homme s'était dévêtu et s'était dirigé par saccades vers la salle de bain. Bientôt elle l'entendit qui se lavait, et qui lui marmonnait.
« Ce salaud l'avait bien cherché tu sais. M'interdire l'entrée dans son bordel, le con. »
Elle éclata en sanglot, et au travers de ses larmes elle continuait de passer son éponge sur la lame qui brillait à présent d'un bel éclat. Des bottes martelaient les escalier, elle entendait leur bruit pesant, et soudain la porte fut ébranlée ;
« POLICE ! »
Elle s'effondra au sol, agitée de spasme, serrant contre elle le couteau avec lequel elle s'entailla les doigts jusqu'à l'os. Le sang vint couvrir la lame miroitante et elle hurla. La porte céda et les officiers entrèrent. En quelques instants elle fut saisie, on lui fit lâcher l'arme et l’asseoir sur une chaise. Elle entendit des protestations, des cris, des bruits de lutte puis Monsieur K. sortir sans connaissance, traîné par deux agents, le visage couvert de sang. Un bourdonnement vint couvrir tout son, puis un voile noir s'abattit sur ses yeux. Elle s'effondra sans connaissance.
Plusieurs mois s'écoulèrent avant que la guillotine ne vienne faire de madame K. madame Clisson, veuve de l'assassin violent Vincent K.. Une fois la fièvre journalistique autour du procès retombée, elle fut envoyée en maison de repos. Sa raison l'avait alors totalement abandonnée et très vite, elle qui avait vécue ignorée du monde, elle finit son existence oubliée de lui.
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Re: CC N°10 Thème 40 : Lame, elle l'astique
Jeu 20 Sep 2018 - 16:24
PAR PEINTREDALAMBIC
Frotte, frotte, frotte.
La lame de ce couteau est sale, si sale, si salement sale ! Ah, je frotte, frotte, frotte, j'astique avec soin et amour, que tâche trépasse, que saleté s'efface, qu'impureté se dispersasse. Ah ! que je la hais, cette crasse, quand je la vois, les frelons dans l'arrière de mon crâne bourdonnent, et fouillent, et piquent, et je veux alors m'ôter le cuir et le cheveu, faire un trou pour percer, et le seul moyen d'apaiser cette démangeaison dérangeante c'est de frotter, frotter, frotter.
Alors je frotte, frotte, frotte.
Assis dans ses draps, l'enfant panique. Il la sent bien, cette humidité souillée qui imprègne l'air d'une odeur âcre d'urine. Il n'a pas besoin d'allumer sa loupiote pour la deviner, la tâche jaunasse sur son caleçon blanc. La couverture à motifs Dumbo pue. Il sent sa gorge qui se serre, ses mains qui sont moites. Il a peur, cet enfant, car à 10 ans, on ne fait plus pipi au lit normalement.
Alors il sort du lit, se glisse vers son bureau ; il y voit un peu, par la lumière qui filtre entre les rideaux et par les étoiles de plastique phosphorescentes collés ici et là sur les murs de la chambre. L'air est bleu, la nuit creuse, silencieuse, si ce n'est son bedonnant père qui ronfle par intervalle de l'autre côté du couloir.
Sur le bureau, il attrape sa petite lampe torche, vérifie qu'elle marche.
Clic-Clac.
Elle marche.
Frotte, frotte, frotte.
Quand je vois les tâches de gras sur le tablier du cuisinier, à la cafétéria, je veux frotter, frotter, frotter.
Quand je vois cette morve qui dépasse des narines du chiard, je veux frotter, frotter, frotter.
Quand je sens le chewing-gum qui poisse sur le pavé.
La confiture sur la table.
La chiure des mouches.
« Mais qu'est ce que tu fous, Charles ? C'est pas une heure pour sortir du lit ! »
Elle est là, la mère, et l'enfant, il a peur. Il sent ses genoux qui claquent entre eux alors qu'il se tient cul nu dans la salle de bain, son pyjama souillé à la main. Il a l'air d'un chiot qui vient de se faire prendre en train de faire une bêtise, avec ses trop grands yeux bruns, trop pleins d'incompréhension, sa moue suppliante, ses cheveux collés de sueur, et ses oreilles en feuilles de choux.
Elle met un temps à comprendre, la mère, elle n'a pas les yeux en face des trous. Mais elle fini par la sentir, cette odeur d'urine. Puis cette tâche jaune pisse sur le slip qui gît au sol, elle fini par la voir.
« Tu veux monter ? »
Il est beau. La mâchoire carrée, comme ciselée, bien rasée. Les yeux bleus, gris, les cils comme les antennes d'un papillon de nuit, denses et noires. Les cheveux blonds, coiffés et laqués. Le trench sans un pli retombe sur ses épaules, comme si on l'avait taillé sur lui. Il sent bon. Le Bleu, de Chanel.
« Alors, tu veux monter ? »
Un sourire amusé dessine une fossette parfaite sur sa peau halée, sans tâche. Je bafouille, j'hésite, je veux oui, mais puis-je oser ?
C'est vrai qu'elle a été belle, cette soirée, le restaurant était de qualité. Les serveurs présentaient bien, les assiettes étaient rutilantes, les couverts aussi, tout semblait neuf, tout était d'une propreté irréprochable.
Comme son sourire d'ivoire.
« Alors ? On va prendre froid si on reste ici plus longtemps ! »
J'accepte.
Elle lui tient les poignets dans sa grosse paluche, si peu féminine. Elle lui tient fort, trop fort, si fort qu'il pleure. Elle hurle, car elle est en colère : Mais qu'est ce qui lui a valu un porc pareil ?! Qu'elle n'en peut plus, elle, de nettoyer derrière ses saletés ! Qu'en plus le voilà qui chiale, morveux, flaiblard, qu'il geint !La mère, le voir se tordre ainsi pour échapper à ses représailles, les fesses à l'air et puant l'urine, les yeux bouffis, le nez dégoulinants et la voix plaintive, ça l'irrite encore plus ! Elle jure, elle jure oui de les lui apprendre, les bonnes manières ! La propreté ! Que ça va bien finir par rentrer ! Alors elle le traîne, tout hurlant qu'il est, dans le couloir, les escaliers, au rez de chaussé, jusqu'à l'entrée.
Là où elle cache sa badine, derrière le meuble à chaussures.
Le père s'est levé. Il regarde la scène de loin, le regard mou et le visage bête, le cou tremblotant de gras quand il descend la dernière marche. Une huître, un mollusque, si loin de la harpie hérissée de bigoudis qu'est sa femme. Si passif, si soumis, si bien nourri que jamais il ne lèvera le petit doigt.
Pourtant il pleure l'enfant, à en fendre la nuit, il le regarde suppliant, des rivières noyant ses joues rougies ! Il a mal déjà, ses jambes, ses bras, son dos, des bleus partout, des coupures, des traces de badine !
Ce n'est pas la première fois, non, qu'il y goûte, à la badine, et il sait, il sait trop bien à quelle point elle fait mal quand il a été sale. Elle mort si fort que rien que de l'entendre siffler dans l'air, avant même qu'elle ne touche son dos blanc zébré, il a mal. Mal à la peau, mal aux viscères, mal à l'enfance.
Il crie quand elle frappe, alors que la mère écume de rage, il hurle à s'en faire sortir le larynx, à s'en rompre l’œsophage. Il pleure, hurle, souffre, jusqu'à ce la mégère, prise de crampes dans les mains et dans les bras, le lâche. Il se laisse tomber mollement sur le carrelage mi-froid, mi-doux, un liquide chaud dans le dos,le regard mort, le souffle rocailleux. Il la voit monter les marches, claquant la nuque grasse du mari pour qu'il monte se recoucher lui aussi.
Il a si mal, le petit.
On s'est embrassé.
Je n'y ai même plus pensé.
L'adrénaline qui monte et fait gonfler le cœur, explose les sens, l'afflux vitale qui parcours mon corps, m’étourdit et me raidit, tout ça me porte. Comme une vibration primordiale, une joie sans nom !
Tourbillon de chair, de baisers, myriades de soupirs, vêtements qui s'envolent, feuilles mortes, troncs nus, on se caresse.
L'amour.
Puis son pénis, dur et droit, que je saisit à pleines mains. Le désir qui me met à genoux, la bouche ouverte ! Et …
Une tâche.
Une petite tâche brune sur le gland.
« Pourquoi tu t'arrêtes ? »
Déglutir. Une tâche. Un petit bouton noiraud. Le sexe visqueux. Une odeur salée qui envahit mes narines.
Un grattement à l'arrière du crâne.
Sale.
« Hey, Charles, quelque chose ne va pas ? »
Déglutir.
« Si si, tout va bien. Attend un instant, je vais chercher les préservatifs dans ma veste. »
Il sourit. L'air lubrique. Sale.
« D'accord, fais vite, j'ai envie de toi... »
Debout. Je vais à ma veste, sur le bar de la kitchenette. Fouille les poches. Rien. Regarde autour de moi.
Sur le plan de travail, un peu de papier à poncer.
La lame de ce couteau est sale, si sale, si salement sale ! Ah, je frotte, frotte, frotte, j'astique avec soin et amour, que tâche trépasse, que saleté s'efface, qu'impureté se dispersasse. Ah ! que je la hais, cette crasse, quand je la vois, les frelons dans l'arrière de mon crâne bourdonnent, et fouillent, et piquent, et je veux alors m'ôter le cuir et le cheveu, faire un trou pour percer, et le seul moyen d'apaiser cette démangeaison dérangeante c'est de frotter, frotter, frotter.
Alors je frotte, frotte, frotte.
Assis dans ses draps, l'enfant panique. Il la sent bien, cette humidité souillée qui imprègne l'air d'une odeur âcre d'urine. Il n'a pas besoin d'allumer sa loupiote pour la deviner, la tâche jaunasse sur son caleçon blanc. La couverture à motifs Dumbo pue. Il sent sa gorge qui se serre, ses mains qui sont moites. Il a peur, cet enfant, car à 10 ans, on ne fait plus pipi au lit normalement.
Alors il sort du lit, se glisse vers son bureau ; il y voit un peu, par la lumière qui filtre entre les rideaux et par les étoiles de plastique phosphorescentes collés ici et là sur les murs de la chambre. L'air est bleu, la nuit creuse, silencieuse, si ce n'est son bedonnant père qui ronfle par intervalle de l'autre côté du couloir.
Sur le bureau, il attrape sa petite lampe torche, vérifie qu'elle marche.
Clic-Clac.
Elle marche.
Frotte, frotte, frotte.
Quand je vois les tâches de gras sur le tablier du cuisinier, à la cafétéria, je veux frotter, frotter, frotter.
Quand je vois cette morve qui dépasse des narines du chiard, je veux frotter, frotter, frotter.
Quand je sens le chewing-gum qui poisse sur le pavé.
La confiture sur la table.
La chiure des mouches.
« Mais qu'est ce que tu fous, Charles ? C'est pas une heure pour sortir du lit ! »
Elle est là, la mère, et l'enfant, il a peur. Il sent ses genoux qui claquent entre eux alors qu'il se tient cul nu dans la salle de bain, son pyjama souillé à la main. Il a l'air d'un chiot qui vient de se faire prendre en train de faire une bêtise, avec ses trop grands yeux bruns, trop pleins d'incompréhension, sa moue suppliante, ses cheveux collés de sueur, et ses oreilles en feuilles de choux.
Elle met un temps à comprendre, la mère, elle n'a pas les yeux en face des trous. Mais elle fini par la sentir, cette odeur d'urine. Puis cette tâche jaune pisse sur le slip qui gît au sol, elle fini par la voir.
« Tu veux monter ? »
Il est beau. La mâchoire carrée, comme ciselée, bien rasée. Les yeux bleus, gris, les cils comme les antennes d'un papillon de nuit, denses et noires. Les cheveux blonds, coiffés et laqués. Le trench sans un pli retombe sur ses épaules, comme si on l'avait taillé sur lui. Il sent bon. Le Bleu, de Chanel.
« Alors, tu veux monter ? »
Un sourire amusé dessine une fossette parfaite sur sa peau halée, sans tâche. Je bafouille, j'hésite, je veux oui, mais puis-je oser ?
C'est vrai qu'elle a été belle, cette soirée, le restaurant était de qualité. Les serveurs présentaient bien, les assiettes étaient rutilantes, les couverts aussi, tout semblait neuf, tout était d'une propreté irréprochable.
Comme son sourire d'ivoire.
« Alors ? On va prendre froid si on reste ici plus longtemps ! »
J'accepte.
Elle lui tient les poignets dans sa grosse paluche, si peu féminine. Elle lui tient fort, trop fort, si fort qu'il pleure. Elle hurle, car elle est en colère : Mais qu'est ce qui lui a valu un porc pareil ?! Qu'elle n'en peut plus, elle, de nettoyer derrière ses saletés ! Qu'en plus le voilà qui chiale, morveux, flaiblard, qu'il geint !La mère, le voir se tordre ainsi pour échapper à ses représailles, les fesses à l'air et puant l'urine, les yeux bouffis, le nez dégoulinants et la voix plaintive, ça l'irrite encore plus ! Elle jure, elle jure oui de les lui apprendre, les bonnes manières ! La propreté ! Que ça va bien finir par rentrer ! Alors elle le traîne, tout hurlant qu'il est, dans le couloir, les escaliers, au rez de chaussé, jusqu'à l'entrée.
Là où elle cache sa badine, derrière le meuble à chaussures.
Le père s'est levé. Il regarde la scène de loin, le regard mou et le visage bête, le cou tremblotant de gras quand il descend la dernière marche. Une huître, un mollusque, si loin de la harpie hérissée de bigoudis qu'est sa femme. Si passif, si soumis, si bien nourri que jamais il ne lèvera le petit doigt.
Pourtant il pleure l'enfant, à en fendre la nuit, il le regarde suppliant, des rivières noyant ses joues rougies ! Il a mal déjà, ses jambes, ses bras, son dos, des bleus partout, des coupures, des traces de badine !
Ce n'est pas la première fois, non, qu'il y goûte, à la badine, et il sait, il sait trop bien à quelle point elle fait mal quand il a été sale. Elle mort si fort que rien que de l'entendre siffler dans l'air, avant même qu'elle ne touche son dos blanc zébré, il a mal. Mal à la peau, mal aux viscères, mal à l'enfance.
Il crie quand elle frappe, alors que la mère écume de rage, il hurle à s'en faire sortir le larynx, à s'en rompre l’œsophage. Il pleure, hurle, souffre, jusqu'à ce la mégère, prise de crampes dans les mains et dans les bras, le lâche. Il se laisse tomber mollement sur le carrelage mi-froid, mi-doux, un liquide chaud dans le dos,le regard mort, le souffle rocailleux. Il la voit monter les marches, claquant la nuque grasse du mari pour qu'il monte se recoucher lui aussi.
Il a si mal, le petit.
On s'est embrassé.
Je n'y ai même plus pensé.
L'adrénaline qui monte et fait gonfler le cœur, explose les sens, l'afflux vitale qui parcours mon corps, m’étourdit et me raidit, tout ça me porte. Comme une vibration primordiale, une joie sans nom !
Tourbillon de chair, de baisers, myriades de soupirs, vêtements qui s'envolent, feuilles mortes, troncs nus, on se caresse.
L'amour.
Puis son pénis, dur et droit, que je saisit à pleines mains. Le désir qui me met à genoux, la bouche ouverte ! Et …
Une tâche.
Une petite tâche brune sur le gland.
« Pourquoi tu t'arrêtes ? »
Déglutir. Une tâche. Un petit bouton noiraud. Le sexe visqueux. Une odeur salée qui envahit mes narines.
Un grattement à l'arrière du crâne.
Sale.
« Hey, Charles, quelque chose ne va pas ? »
Déglutir.
« Si si, tout va bien. Attend un instant, je vais chercher les préservatifs dans ma veste. »
Il sourit. L'air lubrique. Sale.
« D'accord, fais vite, j'ai envie de toi... »
Debout. Je vais à ma veste, sur le bar de la kitchenette. Fouille les poches. Rien. Regarde autour de moi.
Sur le plan de travail, un peu de papier à poncer.
- Pantouffe
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Date d'inscription : 27/08/2018
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Re: CC N°10 Thème 40 : Lame, elle l'astique
Jeu 20 Sep 2018 - 16:24
PAR HOREMAKHET
Nul besoin d'être Tamerlan pour ressentir un irrépréssible ennui en embrassant du regard un royaume déjà conquis, soudain plat comme une tourbe où le piétinement menace. Déjà le moindre petit écolier, le jour de la rentrée, posera des yeux blasés sur sa classe de l'année précédente.
Et tel était précisément le sentiment de Mathilde tandis qu'elle déambulait dans les sinueuses venelles de la capitale. Quelque part, informellement, tous ceci était déjà son son talon. Elle s'ennuyait, et cela d'autant plus qu'elle était une éternelle redoublante de cette classe poétique que l'on nomme l'école de la vie.
Plus encore, elle était mortellement frustrée en vérité. Oh, certes, elle avait troqué une vie bourgeoise contre une existence mille fois plus amusante : Elle s'était faite un nom, d'abord un premier comme une exquise grisette, minaude et folâtre à l'envie ; puis un second, certainement plus romanesque et piquant, de véritable corsaire des boulevards, flibustière des avenues. Elle ne se contentait plus de séduire, elle voulait qu'on la craigne et avait appris à détrousser avec art les braves gens en frac qui se seraient un peu trop égarés. C'est une insupportable moquerie qui l'avait poussé à échanger ses ongles roses et le khôl pour une dague assez aiguisé : Un jour, un jeune seigneur nommé Valérien l'avait moqué et cruellement éconduite, après qu'elle ait complaisamment confirmé la rumeurs qu'ils étaient en relation : Il lui avait dit qu'elle sotte, insipide et bête comme un cygne !
Depuis, Mathilde tenait de la guêpe. Elle en avait l'apparence, avec sa chevelure d'or, corseté dans son bustier de soie noir et sa robe moirée méandrée de replis sombre. Elle était belle, grande et plus rusé qu'intelligente. Estimant que Mathilde était un nom bon pour les boudoirs, elle s'était d'ailleurs choisi un sobriquet, médiocrement original mais sans doute évocateur, "Lame". Elle prit goût à cette vie extravagante, et oublia presque la mésaventure qui l'avait conduit à cette extrémité. Son unique regret était d'avoir était prise ma main dans le sac lorsqu'elle avait essayé de subtiliser à Valérien une broche d'argent incrusté d'une grosse spinelle rouge. C'était légitime ! Cela aurait du être un avant goût de sa dot.
En quelques mois, elle remporta un franc succès. Les gens de biens s'amusaient beaucoup de cette coquine un peu canaille qui en sus de les enjôlait les dépouillait un peu ; et Mathilde en vint à penser qu'elle avait une vraie vocation pour le crime. Hors, comme il convient à toute grande cités, une haute pègre y opérait ; un de ces syndicats à la fois sanglant et respectable, composé d'exécuteurs de hautes oeuvre portant la fleur à la boutonnière. Plus d'une fois Mathilde essaya de l'approcher, et plus d'une fois elle se heurta à un mutisme plus dédaigneux et qu'un désaveu catégorique. Elle persista : ce qu'elle voulait, c'était une vie plus aventureuse, une existence à la Anne Bonny, digne d'être racontée. C'est pourquoi ce jour-là, elle était décidé à faire un coup d'éclat, commettre une audace pour mérité le respect. Dans un estaminet assurément interlope, mais en filigrane pas trop mal fréquenté par une bonne société qui aimait s'encanailler à l'occasion, elle trouva la victime idéal : un homme, à l'air digne, a la chevelure grisâtre et délicatement ourlé, s'appuyant sur une canne. Difficile de savoir ce qu'un pareil dandin faisait dans cette gargote ; il était trop âgé pour prendre part aux frasques de ses jeunes contemporains, et ne paraissait pas le moins du monde se préoccuper de la joyeuse débauche qui l'environnait. Mathilde l'approcha, commença par l'aguicher à sa manière, et face à l'inévitable froideur de ses réponses, fit mine de se fâcher. Elle ôta de sa main droite un long gant de velours, et le souffleta comme pour le provoquer en duel. Elle avait des manières de virago, et cela plaisait : la salle prit cause et parti pour la jeune effrontée. On trouva deux fleurets, on libéra le centre de la taverne pour en faire une sorte de d’arène, et suprême plaisir, on fit des paris.
La jeune fille se battit d'une façon pas totalement inepte, et surpassa sans efforts la garde du vieil homme. Elle le fit sautiller un peu, et s'amusa à effilocher son habit. Le coup de grâce devait être porté à la ceinture retenant son pantalon, mais une main saisi le bras de Mathilde et escamota cette conclusion égrillarde.
"Valérien ! Est-ce que je te parais toujours bête comme un cygne ?
[...]
Ici, il manque un morceau que je n'écrirais jamais. Libre à vous d'imaginer, mais vous avez certainement mieux à faire !
[...]
Après sa mésaventure, affublée d'une livrée dont le pourpoint aux manches à taillades ramenait la plantureuse jeune fille au rang de petit page, Mathilde resta cloîtré quelques semaines dans l'armurerie du comte Valérien, qui y vit dans l’astiquage de son arsenal un excellent remède aux manies criminelles de son anciennes amantes. Il ne fut pourtant pas trop rancunier; et lorsqu'il rendit sa liberté à cette pauvre colombe, il prit soin de glisser dans son ballot la fameuse broche ornée d'une spinelle.
Et tel était précisément le sentiment de Mathilde tandis qu'elle déambulait dans les sinueuses venelles de la capitale. Quelque part, informellement, tous ceci était déjà son son talon. Elle s'ennuyait, et cela d'autant plus qu'elle était une éternelle redoublante de cette classe poétique que l'on nomme l'école de la vie.
Plus encore, elle était mortellement frustrée en vérité. Oh, certes, elle avait troqué une vie bourgeoise contre une existence mille fois plus amusante : Elle s'était faite un nom, d'abord un premier comme une exquise grisette, minaude et folâtre à l'envie ; puis un second, certainement plus romanesque et piquant, de véritable corsaire des boulevards, flibustière des avenues. Elle ne se contentait plus de séduire, elle voulait qu'on la craigne et avait appris à détrousser avec art les braves gens en frac qui se seraient un peu trop égarés. C'est une insupportable moquerie qui l'avait poussé à échanger ses ongles roses et le khôl pour une dague assez aiguisé : Un jour, un jeune seigneur nommé Valérien l'avait moqué et cruellement éconduite, après qu'elle ait complaisamment confirmé la rumeurs qu'ils étaient en relation : Il lui avait dit qu'elle sotte, insipide et bête comme un cygne !
Depuis, Mathilde tenait de la guêpe. Elle en avait l'apparence, avec sa chevelure d'or, corseté dans son bustier de soie noir et sa robe moirée méandrée de replis sombre. Elle était belle, grande et plus rusé qu'intelligente. Estimant que Mathilde était un nom bon pour les boudoirs, elle s'était d'ailleurs choisi un sobriquet, médiocrement original mais sans doute évocateur, "Lame". Elle prit goût à cette vie extravagante, et oublia presque la mésaventure qui l'avait conduit à cette extrémité. Son unique regret était d'avoir était prise ma main dans le sac lorsqu'elle avait essayé de subtiliser à Valérien une broche d'argent incrusté d'une grosse spinelle rouge. C'était légitime ! Cela aurait du être un avant goût de sa dot.
En quelques mois, elle remporta un franc succès. Les gens de biens s'amusaient beaucoup de cette coquine un peu canaille qui en sus de les enjôlait les dépouillait un peu ; et Mathilde en vint à penser qu'elle avait une vraie vocation pour le crime. Hors, comme il convient à toute grande cités, une haute pègre y opérait ; un de ces syndicats à la fois sanglant et respectable, composé d'exécuteurs de hautes oeuvre portant la fleur à la boutonnière. Plus d'une fois Mathilde essaya de l'approcher, et plus d'une fois elle se heurta à un mutisme plus dédaigneux et qu'un désaveu catégorique. Elle persista : ce qu'elle voulait, c'était une vie plus aventureuse, une existence à la Anne Bonny, digne d'être racontée. C'est pourquoi ce jour-là, elle était décidé à faire un coup d'éclat, commettre une audace pour mérité le respect. Dans un estaminet assurément interlope, mais en filigrane pas trop mal fréquenté par une bonne société qui aimait s'encanailler à l'occasion, elle trouva la victime idéal : un homme, à l'air digne, a la chevelure grisâtre et délicatement ourlé, s'appuyant sur une canne. Difficile de savoir ce qu'un pareil dandin faisait dans cette gargote ; il était trop âgé pour prendre part aux frasques de ses jeunes contemporains, et ne paraissait pas le moins du monde se préoccuper de la joyeuse débauche qui l'environnait. Mathilde l'approcha, commença par l'aguicher à sa manière, et face à l'inévitable froideur de ses réponses, fit mine de se fâcher. Elle ôta de sa main droite un long gant de velours, et le souffleta comme pour le provoquer en duel. Elle avait des manières de virago, et cela plaisait : la salle prit cause et parti pour la jeune effrontée. On trouva deux fleurets, on libéra le centre de la taverne pour en faire une sorte de d’arène, et suprême plaisir, on fit des paris.
La jeune fille se battit d'une façon pas totalement inepte, et surpassa sans efforts la garde du vieil homme. Elle le fit sautiller un peu, et s'amusa à effilocher son habit. Le coup de grâce devait être porté à la ceinture retenant son pantalon, mais une main saisi le bras de Mathilde et escamota cette conclusion égrillarde.
"Valérien ! Est-ce que je te parais toujours bête comme un cygne ?
[...]
Ici, il manque un morceau que je n'écrirais jamais. Libre à vous d'imaginer, mais vous avez certainement mieux à faire !
[...]
Après sa mésaventure, affublée d'une livrée dont le pourpoint aux manches à taillades ramenait la plantureuse jeune fille au rang de petit page, Mathilde resta cloîtré quelques semaines dans l'armurerie du comte Valérien, qui y vit dans l’astiquage de son arsenal un excellent remède aux manies criminelles de son anciennes amantes. Il ne fut pourtant pas trop rancunier; et lorsqu'il rendit sa liberté à cette pauvre colombe, il prit soin de glisser dans son ballot la fameuse broche ornée d'une spinelle.
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