- Pantouffe
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CC N°37: Un jour en enfance
Ven 13 Sep 2019 - 22:32
- Pantouffe
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Re: CC N°37: Un jour en enfance
Ven 13 Sep 2019 - 23:01
J'ai vendu mon frère pour un ticket en partance vers l'enfance. La grande majorité des gens vous dira que c'est un acte méprisable digne d'une punition au-delà du mémorable, comme une exécution publique avec discours moralisateur, et tout le tintouin de formalités vaseuses, ou une condamnation à l'exil perpétuel, aux frontières de la foule, que l'on apprend à détester seulement car on ne se rend pas compte combien elle nous protège. Mais la plupart des gens sont des enfoirés d'hypocrites qui ne commettent pas ce genre d'actions honnies pour la simple et bonne raison qu'ils n'en ont pas les couilles ; ce n'est pas pour des raisons morales qu'il ne sorte jamais du droit chemin, pour la plupart en tout cas, si on excepte les quelques saintes vierges qui traversent leur vie comme des foutues icônes irradiées de bonté christique et bouffie de piété. Non, ceux qui se gardent des méchancetés, pour la majorité, c'est avant tout parce-qu'ils ont les foies du jugement les attendra s'ils se font pincer. Mais je suis sûre moi, positivement certaine, qu'il y en a qui pensent à bien pire que de vendre un frère pour goûter à ne serait-ce qu'une journée en enfance.
D'ailleurs, je n'ai même pas réellement vendu le mien, c'est juste un raccourcis de le présenter comme ça. En vérité je l'ai loué à un groupe de caïds, juste le temps du voyage, c'est pas le mer à boire- même si y aura des larmes, ça, je dis pas. Mais je le récupérerai presto allegro à mon retour, et je pense pas qu'il y aura de la casse irréparable ; ce sont des types réglos, je m'en fais pas pour le petiot. Évidemment, le marché implique qu'il s'en prenne plein la gueule, mais ils ne l’amocheront pas au point d'en faire un débile ou un infirme, me suis quand même renseigné sur leur déontologie avant de leur Benjamin. Et puis ça m'a coûté à moi aussi, j'ai donné tout mon sucre, et ça pour le coup, c'est pas une location...
(inachevé)
D'ailleurs, je n'ai même pas réellement vendu le mien, c'est juste un raccourcis de le présenter comme ça. En vérité je l'ai loué à un groupe de caïds, juste le temps du voyage, c'est pas le mer à boire- même si y aura des larmes, ça, je dis pas. Mais je le récupérerai presto allegro à mon retour, et je pense pas qu'il y aura de la casse irréparable ; ce sont des types réglos, je m'en fais pas pour le petiot. Évidemment, le marché implique qu'il s'en prenne plein la gueule, mais ils ne l’amocheront pas au point d'en faire un débile ou un infirme, me suis quand même renseigné sur leur déontologie avant de leur Benjamin. Et puis ça m'a coûté à moi aussi, j'ai donné tout mon sucre, et ça pour le coup, c'est pas une location...
(inachevé)
- Malnir
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Re: CC N°37: Un jour en enfance
Ven 13 Sep 2019 - 23:04
« Allez hop, j’me lance ! »
Raymond, 78 ans, dans sa robe de chambre rayée et ses pantoufles poilues, fit défiler son almanach à toute vitesse entre ses doigts, les yeux fermés, la veine de son front palpitante de concentration.
« 13 juillet 44 ! »
Lucette, sa femme, bigoudis pleins les cheveux, sortit la tête par l’encadrement de la porte de la cuisine :
« Oh ! Raymond ! »
« Eh, c’est le jeu ma Lucette ! »
Rayond et Lucette, à ces mots, furent transportés dans le même appartement à peine changé, mais à nouveaux jeunes : Lucette portait un tailleurs de laine et ses cheveux étaient bouclés en lourdes boucles ébènes parfumées, ses lèvre étaient surlignées d’un trait rouge cerise. Et Raymond, Ah ! Raymond frisait sa moustache d’aviateur de jeune de vingt ans ! Ah la jeunesse, à quelques années prêt, l’enfance ! Il arracha prestement le petit brassard rouge à son bras et embrassa Lucette ; c’est le jeu !
Raymond, 78 ans, dans sa robe de chambre rayée et ses pantoufles poilues, fit défiler son almanach à toute vitesse entre ses doigts, les yeux fermés, la veine de son front palpitante de concentration.
« 13 juillet 44 ! »
Lucette, sa femme, bigoudis pleins les cheveux, sortit la tête par l’encadrement de la porte de la cuisine :
« Oh ! Raymond ! »
« Eh, c’est le jeu ma Lucette ! »
Rayond et Lucette, à ces mots, furent transportés dans le même appartement à peine changé, mais à nouveaux jeunes : Lucette portait un tailleurs de laine et ses cheveux étaient bouclés en lourdes boucles ébènes parfumées, ses lèvre étaient surlignées d’un trait rouge cerise. Et Raymond, Ah ! Raymond frisait sa moustache d’aviateur de jeune de vingt ans ! Ah la jeunesse, à quelques années prêt, l’enfance ! Il arracha prestement le petit brassard rouge à son bras et embrassa Lucette ; c’est le jeu !
- Silver Phoenix
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Re: CC N°37: Un jour en enfance
Ven 13 Sep 2019 - 23:58
Enola tapait négligemment quelques lettres sur son clavier, les yeux esquintés par des heures passées devant la lumière bleue de l'écran de l'ordinateur. Écrire des bouts de phrase, effacer une mauvaise lettre pour la remplacer par la bonne, se lire et se relire inlassablement...
Son quotidien se résumait presque exclusivement à cela. Écrire. Écrire. Et encore écrire, jusqu'à ce que le sommeil la pousse dans le gouffre de l'inconscience. Et accessoirement satisfaire ses besoins naturels.
Elle ne pouvait pas s'en empêcher.
Enola était jeune. Vraiment jeune. Et pourtant, une ribambelle de souvenirs s'entassait dans sa tête. Des mois entiers de souvenirs. Peut-être même des années ! Et c'était justement la superficialité de certains d'entre eux qui lui semblait si importante.
Alors que son corps se transformait sous les effets du temps qui s'écoulait tranquillement, affolé par ses hormones, Enola tentait désespérément de se plonger dans cette enfance à jamais perdue. Pas que grandir était douloureux en soi, non.
Mais sa personnalité...
Où était passé cette force de caractère ? Cette confiance en soi débordante au point de frôler l'orgueil ? Ce feu brûlant ses entrailles lorsqu'elle se battait contre des gamins plus vieux qu'elle ?
Disparus.
Si lentement et si subtilement qu'elle n'avait rien remarqué.
Lorsqu'elle s'était rendue compte qu'elle s'isolait de plus en plus des autres enfants, des jeunes voyous, de ses parents et du monde entier, elle n'arrivait plus à se défendre. Cela l'avait horrifiée. Et retrouver l'étincelle luisant ses yeux sous l'effet de l'adrénaline déferlant dans ses veines lui semblait impossible.
Et depuis le premier jour des vacances d'été, elle écrivait sur son enfance "comme une vieille" se disait-elle. Sa mémoire performante déroulait ses souvenirs juvéniles tels des films, où en figeait comme une photographie ou une peinture ultra-réaliste.
Elle fit appel à tous ses sens.
Diverses odeurs se bloquaient alors dans ses narines ; celles sucrées de gâteaux au chocolat et de biscuits chauds, celles humides des gouttes de pluies s'écrasant sur le béton, celles du parfum fruité de sa mère et de l'eau de Cologne de son père, celles du plastique et du bois de ses jouets...
En découlèrent alors le goût ; acidulé des bonbons durs et grotesquement colorés suintant de sucre, doux des tablettes de chocolat au lait finement décorés, écœurante des pâtes industrielles vainement arrosées de sauce tomate lorsqu'il n'y avait que cela à manger, métallique de son propre sang débordant de sa bouche pendant des bagarres...
Ah, cette bagarre qu'elle avait si fièrement emporté contre un sixième alors qu'elle effleurait les onze ans ! Elle s'en était certes sortie avec un coquard, le nez en sang et divers hématomes constellant sa peau telle un dalmatien (et aussi privée de sortie par ses parents pendant plusieurs semaines), mais lui était carrément partie aux urgences, lui ayant cassé le bras avec une grosse pierre. Il n'avait qu'à ne pas lui voler son cartable, se dit-elle, un sourire incurvant narquoisement ses lèvres. Elle ne s'était pas privée d'écrire et de réécrire plusieurs fois ce passage. Un de ses favoris de sa courte vie.
(inachevé)
Son quotidien se résumait presque exclusivement à cela. Écrire. Écrire. Et encore écrire, jusqu'à ce que le sommeil la pousse dans le gouffre de l'inconscience. Et accessoirement satisfaire ses besoins naturels.
Elle ne pouvait pas s'en empêcher.
Enola était jeune. Vraiment jeune. Et pourtant, une ribambelle de souvenirs s'entassait dans sa tête. Des mois entiers de souvenirs. Peut-être même des années ! Et c'était justement la superficialité de certains d'entre eux qui lui semblait si importante.
Alors que son corps se transformait sous les effets du temps qui s'écoulait tranquillement, affolé par ses hormones, Enola tentait désespérément de se plonger dans cette enfance à jamais perdue. Pas que grandir était douloureux en soi, non.
Mais sa personnalité...
Où était passé cette force de caractère ? Cette confiance en soi débordante au point de frôler l'orgueil ? Ce feu brûlant ses entrailles lorsqu'elle se battait contre des gamins plus vieux qu'elle ?
Disparus.
Si lentement et si subtilement qu'elle n'avait rien remarqué.
Lorsqu'elle s'était rendue compte qu'elle s'isolait de plus en plus des autres enfants, des jeunes voyous, de ses parents et du monde entier, elle n'arrivait plus à se défendre. Cela l'avait horrifiée. Et retrouver l'étincelle luisant ses yeux sous l'effet de l'adrénaline déferlant dans ses veines lui semblait impossible.
Et depuis le premier jour des vacances d'été, elle écrivait sur son enfance "comme une vieille" se disait-elle. Sa mémoire performante déroulait ses souvenirs juvéniles tels des films, où en figeait comme une photographie ou une peinture ultra-réaliste.
Elle fit appel à tous ses sens.
Diverses odeurs se bloquaient alors dans ses narines ; celles sucrées de gâteaux au chocolat et de biscuits chauds, celles humides des gouttes de pluies s'écrasant sur le béton, celles du parfum fruité de sa mère et de l'eau de Cologne de son père, celles du plastique et du bois de ses jouets...
En découlèrent alors le goût ; acidulé des bonbons durs et grotesquement colorés suintant de sucre, doux des tablettes de chocolat au lait finement décorés, écœurante des pâtes industrielles vainement arrosées de sauce tomate lorsqu'il n'y avait que cela à manger, métallique de son propre sang débordant de sa bouche pendant des bagarres...
Ah, cette bagarre qu'elle avait si fièrement emporté contre un sixième alors qu'elle effleurait les onze ans ! Elle s'en était certes sortie avec un coquard, le nez en sang et divers hématomes constellant sa peau telle un dalmatien (et aussi privée de sortie par ses parents pendant plusieurs semaines), mais lui était carrément partie aux urgences, lui ayant cassé le bras avec une grosse pierre. Il n'avait qu'à ne pas lui voler son cartable, se dit-elle, un sourire incurvant narquoisement ses lèvres. Elle ne s'était pas privée d'écrire et de réécrire plusieurs fois ce passage. Un de ses favoris de sa courte vie.
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