Le Pare-tempêtes
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment : -45%
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre ...
Voir le deal
339 €

Aller en bas
Pantouffe
Pantouffe
Messages : 833
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 28

CC N°4 : Un ambitieux dans le désert/Breizh-moi fort/Est-ce que t'as mis tes bols ? Empty CC N°4 : Un ambitieux dans le désert/Breizh-moi fort/Est-ce que t'as mis tes bols ?

Jeu 20 Sep 2018 - 15:50
PAR MÉLODIE

- Je ne sais pas ce qui ne va pas avec ma fille. Elle ne comprend rien que les fleurs. Tous les matins, elle se lève, elle cligne des yeux comme ahurie, et puis elle court à sa fenêtre et elle ouvre grand, même en plein hiver ! Et les bols sur les balcons, c'est tout le temps. Elle voudrait voir pousser des fleurs ! Ma pauvre chérie, en plein hiver ! Je lui dis, Marie, tu vas pas faire la folle, -au début je rentrais ses bols, vous savez ? Ah ! Peine perdue, vous pensez ! Têtue comme une mule avec ça ! Alors, bon, je vous y verrais bien ! Après, elle a de bonnes notes, je suis pas à plaindre... Oui mais quand même. Elle est bizarre. Je le sais...

- Maman est plus gentille ces derniers temps... C'est-à-dire que maintenant, c'est quand j'oublie un bol qu'elle s'inquiète pour ma santé. Elle est très attentionnée, mais je crois bien qu'elle ne comprend rien à rien. La pauvre...
Trois mois que je place mes petits bols dehors. Mes tendres pousses... Tout ira bien pour elles. J'en prends grand-soin. Dieu veuille les épanouir. J'aimerais les voir grandir.
Elle ne viendra pas aujourd'hui... Je sens une mauvaise herbe qui grandit dans mon cœur, et les pousses ne viennent pas étaler leurs pétales pour conjurer le sort. Leurs pétales parfumés... Lorsque les fleurs exhaleront leur haleine dans le sein de l'hiver, lorsque notre désert se peuplera de couleurs et de parfums, alors elle reviendra. Je le sais. Je frémis.
Reviens, ma mésange, je t'attends...!

- Nous créerons le Printemps, mon azalée. Le jour où nous nous reverrons. Si jeune et frêle. Si seulement je pouvais, un jour, revenir, les fleurs s'épanouiraient pour nous la nuit, et ton haleine parfumée m'offrirait les mots les plus tendres... Comme la racine d'une jeune pousse. Dans tes yeux, je me vois si exubérante... Si colorée. Je t'éblouirais volontiers, ma tendre, et tu m'offrirais toute la Bretagne et l'océan. Tu m'offrirais tout ce que tu ne possèdes pas, toi qui, ingénue, me parles de tes rêves.
Nous nous reverrons un jour, je le sais.
Nous verrons, Marie-Marguerite, si tu les auras réalisés.
Pantouffe
Pantouffe
Messages : 833
Date d'inscription : 27/08/2018
Age : 28

CC N°4 : Un ambitieux dans le désert/Breizh-moi fort/Est-ce que t'as mis tes bols ? Empty Re: CC N°4 : Un ambitieux dans le désert/Breizh-moi fort/Est-ce que t'as mis tes bols ?

Jeu 20 Sep 2018 - 15:51
PAR PANTOUFFE

Il m'a regardé, avec ses yeux humides et ses coquilles sur les oreilles, juché sur l'animal, et il a demandé si je me sentais bien. J'ai pris le temps d'y réfléchir, car c'était la première fois que je me retrouvais à dos de chameau au milieu du désert, et il me semblait que le caractère inédit de la situation impliqua que je sois rigoureux dans la conception appliquée d'une réponse imprégnée, en sa moindre syllabe, par l'émotion profonde qui m'emplissait alors. J'escomptais bien lui créer ainsi un souvenir incroyable, vibrant d'intensité, par le foisonnement d'une répartie poétique, spirituelle, ou tout du moins empreinte de gravité. Une référence historique n'eut pas été de trop. "Je me sens tel le Grand Alexandre au milieu du désert...", mais je craignais de paraître boursouflé de fatuité plutôt que dignement encyclopédique. L'un et l'autre eurent été de toute manière fort indésirables : je devais me dédouaner de toute lourdeur et faire preuve de naturel pour ne pas gâcher cette occasion de pénétrer à jamais la mémoire de Louis.
Aussi, pour me laisser le temps de la réflexion, je sortis l'air de rien l’inhalateur de ma poche intérieure, en lui faisant signe d'attendre avec une main théâtralement tremblante. Puisse t'il être suspendu au bout de mes doigts fébriles comme une marionnette enclavée dans sa danse impulsée. Si mes empreintes digitales avaient pu tourner jusqu'à l'hypnotiser... Qu'il eut été utile de pouvoir user ainsi de ces extrémités si banalement calibrées ! Elles n'avaient rien de spécial, mais j'eus été bien en mal d'arborer des doigts très élégants en pareille occasion, et je ne pensais pas devoir ainsi détourner son attention avant qu'il se mit en tête de me poser cette question, à ce moment précis... J'étais pourtant un homme organisé. Certains auraient dis maniaque, au vu du nombre d'agendas que j'avais tenu tout au cours de ma courte et palpitante existence. C'est que j'éprouvais le besoin d'engluer le temps à mes pattes de mouches, de le terrasser sous les remous des mots et chiffres frénétiques, eux mêmes enchaînés à d'immuables lignes, sans quoi je me trouvais tout à fait incapable de déterminer quelles actions nécessitaient une intervention immédiate, et lesquelles pouvaient encore encore attendre. J'étais du genre à tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de répondre au bonjour d'un passant- quitte à ce qu'il soit partis. Car mieux valait m'assurer de son indifférence que de risquer le surgissement imprévu d'un sourire. On ne sait jamais où peut mener un sourire, et je suis convaincu que l'on gagne à ne pas leur accorder une trop grande confiance. Ce n'est qu'une jolie manière de se montrer les dents ou de prouver toute l'étendue de sa bouche. Certains l'ont plus spacieuses que d'autres et se font un plaisir de mettre cette amplitude buccale en exergue à des fins mystérieuses. Au sujet desquelles je ne marmonnerai pas.
Ce qui m'inquiétait en l'instant n'avait rien à avoir avec les arcanes sociales et les perfidies réservées par autrui. Ma pensée se tendait toute entière vers la conception d'une sentence marquante. C'était une poussée laborieuse, un effort d'une pesanteur minérale, qui requérait pour aboutir toute ma concentration. Et du temps, du foutu bon dieu de temps... Dussé-je user de stratagèmes douteux. Or j'étais maître en l'art de détourner l'attention de mes pairs. Il l'avait fallu pour parvenir ici, et tout au long d'une vie que j'avais voulu compacter entre les marges des feuilles, cette capacité à me jouer de la concentration de mes interlocuteurs s'était révélée être des plus déterminantes.
Aussi entrepris-je d'arracher à ma gorge les glaires les plus épais, de nouer les toux les plus grasses à mes lèvres, et surtout, d'exhiber à ses yeux un détail qui égarerait un instant sa pensée.
Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum